Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 7 mai 1996, 93-21.567, Inédit
Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 7 mai 1996, 93-21.567, Inédit
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 93-21.567
- Non publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
Audience publique du mardi 07 mai 1996
Décision attaquée : cour d'appel de Versailles (4e Chambre civile) 1993-10-08, du 08 octobre 1993- Président
- Président : M. BEAUVOIS
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant : Sur le pourvoi formé par la société Sapribat, société à responsabilité limitée, dont le siège social est, dans la procédure, ..., actuellement ..., en cassation d'un arrêt rendu le 8 octobre 1993 par la cour d'appel de Versailles (4e Chambre civile), au profit : 1°/ de la société Botte BTP, dont le siège social est ..., 2°/ de M. Guy X..., demeurant ..., 3°/ de la société Géotechnique appliquée, société anonyme, dont le siège social est ..., défendeurs à la cassation ; La société Botte BTP a formé, par un mémoire déposé au greffe le 18 août 1994, un pourvoi incident contre le même arrêt; La société Botte BTP a formé, par un mémoire déposé au greffe le 18 août 1994, un pourvoi provoqué contre le même arrêt; La société Sapribat, demanderesse au pourvoi principal, invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt; La société Botte BTP, demanderesse au pourvoi incident, invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt; La société Botte BTP, demanderesse au pourvoi provoqué, un moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt; LA COUR, en l'audience publique du 19 mars 1996, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Fromont, conseiller rapporteur, M. Deville, Mlle Fossereau, MM. Chemin, Villien, Cachelot, conseillers, Mme Cobert, M. Nivôse, conseillers référendaires, M. Sodini, avocat général, Mme Pacanowski, greffier de chambre; Sur le rapport de M. le conseiller Fromont, les observations de Me Blondel, avocat de la société Sapribat, de Me Cossa, avocat de la société Botte BTP, de la SCP Célice et Blancpain, avocat de la société Géotechnique appliquée, de la SCP Philippe et François-Régis Boulloche, avocat de M. X..., les conclusions de M. Sodini, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi; Met hors de cause M. X... et la société Géotechnique appliquée; Sur les deux moyens du pourvoi principal, réunis : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 8 octobre 1993), que la société Sapribat, maître de l'ouvrage, a, sous la maîtrise d'oeuvre de M. X..., architecte, et le contrôle de la société CEP, chargé la société Botte BTP des travaux de terrassement pour la construction d'un immeuble après étude de sol effectuée à la requête de l'architecte par la société Géotechnique appliquée; qu'ayant rencontré des difficultés lors des forages du dernier sous-sol, et après expertise, la société Botte a assigné le maître de l'ouvrage en paiement du solde du marché et du surcoût des travaux; Attendu que la société Sapribat fait grief à l'arrêt d'accueillir ces demandes, alors, selon le moyen, "1°) qu'il résultait des pièces régulièrement communiquées et invoquées dans les écritures d'appel que le cahier des clauses particulières devait prévaloir sur le cahier des clauses générales renvoyant à la norme AFNOR en cas de contradiction; que, selon l'article 7.4 du cahier des clauses particulières, il était stipulé que "les prix sont fermes, forfaitaires et non révisables pour la durée du chantier"; d'où il suit qu'en faisant prévaloir le cahier des clauses générales pour en déduire que le marché ne devait pas s'analyser en un marché à forfait, la cour d'appel viole l'article 1134 du Code civil; 2°) que la cour d'appel ne pouvait se borner à retenir, dans sa décision, le seul cahier des clauses générales sans s'expliquer sur la nature et la portée des autres pièces du marché, les parties ayant notamment prévu un ordre dans lequel les documents devaient prévaloir en cas de contradiction; qu'ainsi, en statuant comme elle le fait, la cour d'appel viole derechef l'article 1134 du Code civil ; 3°) que lorsqu'un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, il ne peut demander aucune augmentation de prix en l'absence d'autorisation du maître de l'ouvrage et de convention sur le prix; que la cour d'appel retient que la norme AFNOR 8-1.3-1 modifie le caractère forfaitaire du marché en ce qu'elle retient "qu'en cas de changement dans la nature des ouvrages ordonnés par le maître de l'ouvrage et résultant de circonstances qui ne sont ni de la faute, ni du fait de l'entrepreneur, celui-ci est en droit de demander une indemnité le dédommageant des frais supplémentaires résultant pour lui de ces modifications à condition de les justifier", cependant qu'une telle clause qui prévoit un ordre exprès du maître de l'ouvrage s'agissant de la réalisation de travaux différents de ceux contractuellement prévus n'est en rien incompatible avec le forfait; d'où il suit que la cour d'appel viole l'article 1793 du Code civil; 4°) qu'à supposer que la norme AFNOR visée par la Cour devait s'appliquer, la cour d'appel ne pouvait entrer en voie de condamnation sans constater que les travaux supplémentaires dont le paiment était demandé avaient été ordonnés par le maître de l'ouvrage; qu'ainsi elle prive sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil; 5°) qu'il résultait des pièces régulièrement communiquées et invoquées dans les écritures d'appel que le cahier des clauses particulières devait prévaloir sur le cahier des clauses générales renvoyant à la norme AFNOR en cas de contradiction; que, selon l'article 7.4 du cahier des clauses particulières, il était stipulé que "les prix sont fermes, forfaitaires et non révisables pour la durée du chantier"; d'où il suit qu'en faisant prévaloir le cahier des clauses générales pour en déduire que le marché ne devait pas s'analyser en un marché à forfait et appliquer la norme AFNOR 8-1.3-1 visée par ce dernier cahier, la cour d'appel viole l'article 1134 du Code civil; 6°) que la cour d'appel ne pouvait se borner à retenir, dans sa décision, le seul cahier des clauses générales sans s'expliquer sur la nature et la portée des autres pièces du marché, les parties ayant notamment prévu un ordre dans lequel les documents devaient prévaloir en cas de contradiction; qu'ainsi, en statuant comme elle le fait, la cour d'appel viole derechef l'article 1134 du Code civil; 7°) que lorsqu'un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, il ne peut demander aucune augmentation de prix en l'absence d'autorisation du maître de l'ouvrage et de convention sur le prix; que la cour d'appel retient que la norme AFNOR 8-1.3-1 modifie le caractère forfaitaire du marché en ce qu'elle retient "qu'en cas de changement dans la nature des ouvrages ordonnés par le maître de l'ouvrage et résultant de circonstances qui ne sont ni de la faute, ni du fait de l'entrepreneur, celui-ci est en droit de demander une indemnité le dédommageant des frais supplémentaires résultant pour lui de ces modifications à condition de les justifier", cependant qu'une telle clause qui prévoit un ordre exprès du maître de l'ouvrage s'agissant de la réalisation de travaux différents de ceux
contractuellement prévus n'est en rien incompatible avec le forfait; d'où il suit que la cour d'appel viole l'article 1793 du Code civil; 8°) qu'à supposer que la norme AFNOR visée par la cour d'appel devait s'appliquer, la cour d'appel ne pouvait entrer en voie de condamnation sans constater que les travaux supplémentaires dont le paiement était demandé avaient été ordonnés par le maître de l'ouvrage ; qu'ainsi, la cour d'appel prive sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil; 9°) que, dans ses conclusions fortement motivées, la société Sapribat faisait valoir que l'expert avait commis une erreur de calcul du solde des travaux puisque la différence entre le montant du marché et les sommes réellement réglées révélaient un solde de 663 064,12 francs; qu'elle expliquait qu'elle n'avait pas versé "une somme totale de 2 886 041,11 francs, mais une somme de 3 072 835,88 francs tel que cela ressort de la comptabilité du promoteur; qu'en effet, des versements sont intervenus en cours d'expertise et notamment le déblocage de la retenue de garantie; ces éléments permettent d'expliquer sans doute cette différence; que, selon l'ordre de service n° 1 en date du 7 mai 1991, le montant du marché passé entre les sociétés Sapribat et Botte BTP s'élevait à la somme de 3 735 900 francs TTC; en conséquence, l'on obtient un solde de marché de 663 064,12 francs"; qu'en ne répondant pas à ce moyen pertinent, la cour d'appel méconnaît les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile"; Mais attendu, d'une part, qu'ayant relevé que, si l'ordre de service faisant suite au devis estimatif et quantitatif était donné "pour des travaux forfaitaires non actualisés et non révisables", il renvoyait au cahier des clauses générales de l'AFNOR et que la norme AFNOR 8-1.3-1 modifiait le caractère d'un marché qualifié de forfaitaire et permettait à l'entrepreneur de demander un supplément de prix lorsqu'un changement dans la nature des ouvrages ordonnés par le maître de l'ouvrage lui avait occasionné un surcroît de dépenses, à condition qu'il en justifie et alors même que le changement n'aurait pas conduit à la rédaction d'un écrit avec le maître de l'ouvrage et constaté qu'il résultait du rapport d'expertise que la nature réelle du sous-sol s'était avérée très différente de celle qui avait été prévue et qu'il en résultait un changement dans la nature des ouvrages qui avaient été réalisés par la société Botte, ce dont elle justifiait, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de ce chef; Attendu, d'autre part, qu'ayant, par motifs propres et adoptés, souverainement retenu qu'il résultait des investigations de l'expert et de pièces versées aux débats que, compte tenu des acomptes versés, des pénalités de retard imputables à l'entreprise, de reprises effectuées par la société Brissou, le retard dû à la présence de craie à un niveau moins important que celui prévu n'était pas imputable à la société Botte, la cour d'appel, qui a répondu aux conclusions, a fixé le solde dû à la société Botte; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Sur le moyen unique du pourvoi provoqué, ci-après annexé : Attendu qu'ayant souverainement retenu qu'il résultait du rapport d'expertise que l'erreur sur la nature du sous-sol ne provenait ni d'une faute de l'architecte, ni de celle de la société Géotechnique, la cour d'appel en a exactement déduit, abstraction faite d'un motif surabondant, que la demande de la société Botte était devenue sans objet et qu'au surplus, elle était nouvelle; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; Mais sur le premier moyen du pourvoi incident : Vu l'article 1153 du Code civil ; Attendu que, dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, sauf les règles particulières au commerce et au cautionnement, qu'ils ne sont dus que du jour de la sommation de payer; Attendu que pour rejeter la demande en paiement d'intérêts moratoires à compter du 26 février 1992 formée par la société Botte sur la somme due au titre du surcoût des travaux, l'arrêt retient que cette somme étant déterminée par cette décision, la demande ne saurait prospérer; Qu'en statuant ainsi, alors que la somme en principal était due au titre de l'exécution du contrat de louage d'ouvrage et que la circonstance que son montant ait été déterminé par le juge ne faisait pas obstacle à ce que les intérêts soient dus du jour de la mise en demeure, la cour d'appel a violé le texte susvisé; Et sur le second moyen du pourvoi incident : Vu l'article 1153 du Code civil ; Attendu que pour rejeter la demande en paiement d'intérêts moratoires formée par la société Botte sur le solde des travaux, l'arrêt retient que la lettre qu'a adressée la société Botte à la société Sapribat le 28 février 1992 ne saurait être considérée comme valant une mise en demeure au sens de l'article 18-7 de la norme AFNOR du fait de son imprécision; Qu'en statuant ainsi, sans rechercher à quelle date avait été introduite la demande en paiement du solde des travaux, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision de ce chef; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la société Botte de ses demandes en paiement d'intérêts sur les sommes dues au titre du surcoût des travaux et du solde du prix, l'arrêt rendu le 8 octobre 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant ; Dit n'y avoir lieu à indemnité en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile au profit de la société Sapribat; Condamne la société Sapribat à payer à M. X... la somme de 8 000 francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; Laisse à la charge de la société Botte BTP les dépens de son pourvoi provoqué; Condamne la société Sapribat aux dépens du pourvoi principal et du pourvoi incident; La condamne également aux frais d'exécution du présent arrêt; Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Versailles, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile , et prononcé par M. le président en son audience publique du sept mai mil neuf cent quatre-vingt-seize.