Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 8 novembre 1995, 94-10.999, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la Société d'investissements de rénovations immobilières (SIRIM), société à responsabilité limitée, dont le siège est ..., actuellement représentée par la SCP Brouard et Daude, liquidateur judiciaire et représentant des créanciers, en cassation d'un arrêt rendu le 14 janvier 1993 par la cour d'appel de Paris (6e chambre, section B), au profit :

1 / de Mme Frigga Y..., demeurant ...,

2 / de M. Jean-Maurice X..., demeurant ..., défendeurs à la cassation ;

M. X... a formé, par un mémoire déposé au greffe le 30 septembre 1994, un pourvoi incident contre le même arrêt ;

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 3 octobre 1995, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Chollet, conseiller référendaire rapporteur, MM. Douvreleur, Aydalot, Boscheron, Toitot, Mmes Di Marino, Borra, M. Bourrelly, conseillers, M. Pronier, Mme Masson-Daum, conseillers référendaires, M. Sodini, avocat général, Mme Pacanowski, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Chollet, les observations de Me Blanc, avocat de la société Brouard et Daude, ès qualités, de la SCP Boré et Xavier, avocat de M. X..., de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, avocat de Mme Y..., les conclusions de M. Sodini, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal et le moyen unique du pourvoi incident, réunis :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 janvier 1993), que M. Z..., aux droits duquel a succédé la société d'investissements de rénovations immobilières (SIRIM), en liquidation judiciaire, a, le 20 mars 1981, donné à bail, au visa de l'article 3 sexies de la loi du 1er septembre 1948, un appartement à Mme Y... ;

que la locataire a, le 23 février 1989, assigné la bailleresse pour faire juger que la location était soumise aux dispositions générales de la loi du 1er septembre 1948 et faire fixer le loyer sur la base de la surface corrigée ;

Attendu que la société civile immobilière Brouard et Daude, liquidateur judiciaire et représentant des créanciers de la SIRIM et M. X... font grief à l'arrêt de juger que le bail, consenti le 20 mars 1981 à Mme Y..., était irregulier et devait être soumis aux dispositions générales de la loi du 1er septembre 1948, alors, selon le moyen, "1 ) que les juges du fond sont tenus d'analyser les documents sur lesquels ils fondent leur décision ;

que la cour d'appel ne pouvait donc se borner à énoncer que le constat annexé au bail "3 sexies", dont la validité était essentielle à la solution du litige dès lors que l'existence et la validité du bail "3 quinquies" qui l'avait précédé n'étaient pas contestées, était "insuffisant et incomplet" (manque de base légale au regard de l'article 3 sexies de la loi du 1er septembre 1948) ; 2 ) que l'application des décrets 87-149 du 6 mars 1987 et 78-924 du 22 août 1978 aux locaux placés sous le régime d'un bail dérogatoire au statut de la loi du 1er septembre 1948 est alternative ;

qu'en l'espèce, en procédant à une appréciation de la conformité des locaux et de la régularité des baux au regard des exigences cumulées de ces deux textes, la cour d'appel a violé les articles 35 et 25 de la loi du 23 décembre 1986, dans leur rédaction originaire, ensemble l'article 3 du décret du 6 mars 1987 ;

3 ) qu'à titre subsidiaire, le bail faisant suite à un bail 3 sexies n'est plus soumis à la loi du 1er septembre 1948, nonobstant l'absence de constat ou l'insuffisance de ses mentions ;

que, dès lors, en prenant appui sur le caractère déclaré incomplet du constat annexé au bail conclu en 1981 au profit de Mme Y..., la cour d'appel a statué par un motif inopérant et, partant, a violé les dispositions combinées des articles 3 sexies et 4 de la loi du 1er septembre 1948 ;

4 ) qu'à titre subsidiaire encore, un constat incomplet peut être complété par tous procédés de preuve; que, dès lors, en se fondant sur l'insuffisance du constat annexé au bail conclu en 1979 au profit d'un tiers, relativement à l'état d'entretien du gros oeuvre ou de la couverture, sans rechercher quel était l'état réel des lieux à la date de conclusion du bail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 sexies de la loi du 1er septembre 1948 et des dispositions du décret 78-924 du 22 août 1978 ;

5 ) qu'il ressort des propres énonciations de l'arrêt attaqué que la particularité relative à deux fenêtres du local, signalée dans le constat annexé au bail de 1979, a disparu lors de la conclusion du bail de 1981 ;

que, dès lors, en déclarant le local soumis à la loi du 1er septembre 1948 sans limitation de durée, la cour d'appel a violé l'article 4, alinéa 2, du décret 78-924 du 22 août 1978" ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'état des lieux relatif au bail du 19 novembre 1979 conclu au visa de l'article 3 sexies ne satisfaisait pas aux exigences du décret du 6 mars 1987 dès lors qu'il était précisé par une clause "particularités" que les fenêtres de la chambre et du séjour étaient détériorées, la cour d'appel, qui a retenu, sans constater que ces particularités avaient disparu lors de la conclusion du bail du 20 mars 1981 et sans cumuler les exigences de deux décrets, que l'expert avait conclu à la non-conformité des locaux au décret du 6 mars 1987 à défaut d'exécution d'un sol en matériaux étanches dans la salle de bains et les WC, a, par ces seuls motifs, propres et adoptés, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Mais sur le second moyen du pourvoi principal :

Vu l'article 1382 du Code civil, ensemble l'article 12 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que, pour rejeter l'action en garantie formée par M. X... contre la société SIRIM, l'arrêt retient que seule une action en responsabilité pour faute commise dans l'exécution du mandat de gestion pouvait être exercée à l'encontre de M. X... à condition qu'il existe un lien de droit entre celui-ci et cette société et que l'expertise concernant la détermination du loyer légal est inopposable à ce mandataire, alors qu'il n'a ni été appelé, ni été présent ou représenté à ce stade de la procédure d'instance ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la société SIRIM invoquant, en ses conclusions d'appel, la responsabilité de M. X... sans préciser le fondement juridique de son action, la cour d'appel, tenue de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, devait statuer elle-même, en application de ces règles, sur l'existence de la faute et la fixation du préjudice, a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la société SIRIM de ses demandes à l'encontre de M. X..., l'arrêt rendu le 14 janvier 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne la société Brouard et Daude, ès qualités, et M. X... à payer, chacun, à Mme Y..., la somme de 8 000 francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Dit n'y avoir lieu à indemnité au profit de cette société, ès qualités ;

Condamne M. X... aux dépens des pourvois et aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Paris, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile , et prononcé par M. le président en son audience publique du huit novembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.

1956

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