Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 17 octobre 1995, 93-20.959, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Freudenberg, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 2 septembre 1993 par la cour d'appel de Bourges (1re chambre), au profit :

1 / de la Banque Hervet, dont le siège est 1, place de la Préfecture, 18000 Bourges,

2 / de M. X..., demeurant rue du président Pompidou, 18000 Bourges, pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Philippon, défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 4 juillet 1995, où étaient présents : M. Bezard, président, M. Dumas, conseiller rapporteur, M. Nicot, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. le conseiller Dumas, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Freudenberg, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la Banque Hervet, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Donne acte à la société Freudenberg de son désistement envers M. X..., ès-qualités ;

Attendu, selon l'arrêt critiqué, que la société Philippon a cédé à la banque Hervet, conformément à la loi du 2 janvier 1981, six créances correspondant à des factures de livraison de marchandises émises au nom de la société Frendenberg ;

que celle-ci, à laquelle les cessions avaient été notifiées, mais qui ne les avait pas acceptées, n'a payé que partiellement deux créances et a été assignée par la banque Hervet en paiement du solde ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que, la société Frendenberg fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer, à la banque Hervet, la somme de 397 104, 22 francs avec intérêts au taux légal à compter de la date d'échéance de chaque facture, alors, selon le pourvoi, d'une part, que des dettes réciproques issues de contrats distincts demeurent cependant connexes dès lors que ces contrats participent d'un même ensemble contractuel unique ;

qu'en l'espèce, et comme elle le faisait valoir, il existait une telle convention cadre entre les parties aux termes de laquelle, notamment, les livraisons de marchandises défectueuses ou en nombre insuffisant faisaient l'objet de notes de débit à déduire des factures suivantes établies pour des commandes distinctes ;

qu'en se bornant, pour exclure toute connexité entre les dettes dont il était demandé compensation, à relever que les notes de débit émises par elle étaient relatives à d'autres livraisons que celles ayant donné lieu à établissement des factures cédées, sans rechercher si ces différents contrats ne participaient pas d'une même relation d'affaires unique, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1289 du Code civil ;

alors, d'autre part, que pour justifier de la réalité de sa créance, elle faisait état devant la cour d'appel du système de règlement des factures instauré entre les parties et selon lequel les embouts défectueux ou en nombre insuffisant ne donnaient pas lieu à protestation ou réserve immédiate des factures y étant relatives, mais faisaient l'objet de notes de débit à déduire des factures ultérieures ;

qu'en se bornant, pour exclure toute compensation, à relever qu'elle ne rapportait pas la preuve des défectuosités affectant les marchandises faute d'avoir formulé des réserves avant juillet 1989 sans répondre à ses conclusions expliquant l'absence de réserves, l'arrêt a derechef violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'il ne résulte ni de l'arrêt, ni de ses conclusions, que la société Frendenberg, qui s'est bornée à évoquer un "courant d'affaires", ait soutenu qu'elle avait conclu avec la société Philippon une convention ayant défini entre elles le cadre du développement de leurs relations d'affaires ; que, dès lors, la cour d'appel n'était pas tenue d'effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée ;

Attendu, d'autre part, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis, et sans avoir à suivre la société Frendenberg dans le détail de son argumentation, que la cour d'appel a retenu que celle-ci ne rapportait pas la preuve de l'existence de la créance dont elle opposait la compensation avec sa dette ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 5 de la loi du 2 janvier 1981 et l'article 1382 du Code civil ;

Attendu que, pour la condamner à payer la somme de 397 104,22 francs à la banque Hervet, l'arrêt retient qu'en s'abstenant de faire connaître dans un délai raisonnable à la banque cessionnaire son refus d'honorer les factures figurant sur les bordereaux, la société Freudenberg a commis une faute ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la notification prévue à l'article 5 de la loi du 2 janvier 1981 n'entraîne pas, à la charge du débiteur cédé, une obligation d'information, au profit du cessionnaire, sur l'existence et la valeur des créances cédées, et alors qu'il n'a été constaté aucun comportement frauduleux de la société Freudenberg au préjudice de la banque Hervet, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le troisième moyen :

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que, pour condamner la société Freudenberg à payer à la banque Hervet la somme de 15 000 francs à titre de dommages-intérêts, l'arrêt se borne à confirmer le jugement, lui-même non motivé sur ce point ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du deuxième moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 2 septembre 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Riom ;

Condamne la Banque Hervet, envers la société Freudenberg, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Bourges, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix sept octobre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.

1769

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