Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 7 mars 1995, 92-11.880, Inédit
Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 7 mars 1995, 92-11.880, Inédit
Cour de cassation - Chambre commerciale
- N° de pourvoi : 92-11.880
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mardi 07 mars 1995
Décision attaquée : cour d'appel de Paris (4e Chambre, Section B) 1991-12-19 1992-04-16, du 01 janvier 2999Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant : I - Sur le pourvoi n P 92-11.880 formé par : 1 ) la société X... France, société à responsabilité limitée dont le siège social est à Paris (17e), ..., 2 ) la société International Book publishing corporation (X... C Ltd), société de droit canadien dont le siège social est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 19 décembre 1991 par la cour d'appel de Paris (4e Chambre, Section B), au profit de la société Jacques Y..., dont le siège social est à Paris (8e), ..., défenderesse à la cassation ; II - Sur le pourvoi n N 92-16.801 formé par la société des Editions Jacques Y..., société anonyme dont le siège social est à Paris (8e), ..., en cassation du même arrêt et d'un arrêt rendu le 16 avril 1992 par la cour d'appel de Paris (4e Chambre, Section B), au profit : 1 ) de la société X... France, 2 ) de la société International Book publishing corporation (X... C Ltd), défenderesses à la cassation ; Les demanderesses au pourvoi n P 92-11.880 invoquent, à l'appui de leur recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; La demanderesse au pourvoi n N 92-16.801 invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 18 janvier 1995, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Huglo, conseiller référendaire rapporteur, MM. Nicot, Vigneron, Leclercq, Dumas, Gomez, Canivet, Armand Prévost, conseillers, M. Lacan, Mme Geerssen, conseillers référendaires, Mme Piniot, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller référendaire Huglo, les observations de Me Choucroy, avocat de la société X... France et de la société International Book publishing corporation, de Me Thomas-Raquin, avocat de la société Jacques Y... et de la société Editions Jacques Y..., les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Joint les pourvois n s N 92-16.801 et P 92-11.880 qui attaquent le même arrêt ; Attendu que, selon l'arrêt attaqué, Stefan Z..., créateur d'une collection d'ouvrages Who's who en Europe continentale, a confié à la société d'éditions Jacques Y... le soin d'assurer la publication en France d'ouvrages intitulés Who's who in France et Who's who in Paris ; que, selon un acte du 20 octobre 1958, les éditions Jacques Y... ont garanti à Stefan Z... le droit "pour lui et ses ayants droit de vendre et promouvoir en France, par les sociétés The Central European Times Co Ltd de Zurich et International Bank and publishing de Montréal, nos différents livres Who's who, y compris les ouvrages Who's who in France" qui revenaient à M. Z... en paiement des redevances à lui dues par les éditions Jacques Y... ; qu'à partir de 1985, la société de droit canadien International Book and publishing Canada (la société X... Canada), créée à l'origine par Stefan Z..., aujourd'hui décédé, a fondé une filiale en France, dénommée International Book and publishing France (la société X...), avec laquelle elle a préparé et distribué un ouvrage intitulé Who's who in european commerce and industry ; que la société Jacques Y..., estimant que cette activité portait atteinte à ses droits sur l'appellation Who's who, a assigné la société X... France devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de marques et concurrence déloyale ; Sur le moyen unique du pourvoi n N 92-16.801 : Attendu que la société Les Editions Jacques Y... fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de son action en contrefaçon des marques françaises Who's who à l'encontre de X... Canada et X... France, alors, selon le pourvoi, que l'arrêt précise que l'acte du 20 octobre 1958, s'il "garantissait à M. Z... et aux sociétés désignées par lui le droit de promouvoir et vendre en France leurs différents Who's who, y compris les Who's Who in France attribués par M. Z... en paiement de ses redevances, ne saurait être entendu que comme une autorisation de commercialiser en France sans entrave les Who's who intéressant les autres pays et ceux pour la France remis à M. Z... par M. Y..., mais non de créer un Who's who concurrent à celui qui venait d'être réalisé grâce aux efforts de Jacques Y... et de Stefan Z..." ; qu'après avoir constaté que les sociétés X... avaient créé et diffusé en France un annuaire concurrent, en langue française, ce que l'acte du 20 octobre 1958 ne les autorisait pas à faire, la cour d'appel ne tire pas les conséquences légales de ses propres constatations et viole les articles 27 à 34 de la loi du 31 décembre 1967 (articles 422-2 et suivants du Code pénal) en se refusant à condamner comme contrefaisant cet agissement indépendamment de toute autre circonstance de fait et en déboutant, en conséquence, la société Jacques Y... de son action principale en contrefaçon ; Mais attendu que l'arrêt, après avoir constaté que le premier usage public établi du titre Who's who in France qui soit établi est constitué par la parution et la mise en vente du livre le 7 juillet 1953, relève qu'il résulte clairement de l'ensemble des faits établis par les pièces versées aux débats que Jacques Y... a usé de ce titre aussi bien pour le compte de Stefan Z... que pour le sien propre, qu'il était convenu d'assurer avec lui la protection du titre pour leur compte mutuel, non seulement en Allemagne, mais aussi en France, en vue d'en faire une exploitation commune, que les droits de Stefan Z... sur les mots Who's who ont été reconnus une nouvelle foi par l'acte signé le 20 octobre 1958 par Jacques Y... ; qu'en l'état de ces énonciations et constatations, la cour d'appel a pu en déduire que les éditions Jacques Y... ne sauraient opposer aux sociétés X... Canada et X... France, ayants droit de Stefan Z..., la marque Who's who déposée par Jacques Y... aussi bien pour le compte de Stefan Z... que pour le sien propre ; que le moyen n'est pas fondé ; Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches, du pourvoi n P 92-11.880 : Attendu que les sociétés X... France et X... Canada font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déclarées coupables de concurrence déloyale envers la société Jacques Y..., alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'arrêt qui constate que M. A... était l'auteur de l'appellation Who's who appliquée à des dictionnaires biographiques de personnalités européennes édités en Europe continentale et qu'il n'avait pas renoncé à ses droits d'auteur pour l'usage commercial du terme "Who's who" pour la France dans ses rapports avec la société Y..., tout en relevant que M. A... était également le fondateur de la société X... Canada à laquelle il avait fait apport de ses marques Who's who, ne pouvait valablement assimiler à une concurrence déloyale la mise sur le marché français d'un ouvrage à vocation européenne qui, sous le titre Who's who in european commerce and industry, concernait l'ensemble des personnalités économiques de différents Etats européens, d'autant que l'acte du 20 octobre 1958 réservait expressément à M. A... ou ses ayants droit la vente et la promotion en France, notamment par la société X... Montréal, de leurs différents livres Who's who ; que l'arrêt a donc violé les articles 1134 et 1382 du Code civil ; et alors, d'autre part, que le démarchage de la société X... France n'était pas fautif à l'égard de l'éditeur du Who's who France, dès lors que son objet, limité aux personnalités économiques françaises, n'était pas d'empiéter sur le domaine des personnalités françaises toutes catégories figurant au Who's who in France, mais d'inscrire la catégorie économique nationale dans une catégorie européenne où les noms sont classés par ordre alphabétique sans distinction de pays ; que l'arrêt a donc violé l'article 1382 du Code civil ; et alors, de troisième part, dans la mesure où le titre Who's who appartenait au premier chef à la société X... France dont son auteur M. A... avait conçu et réalisé une présentation commune pour tous les ouvrages "Who's who", ces éléments n'étaient pas non plus de nature à caractériser une concurrence déloyale dans le cadre d'un ouvrage consacré à des personnalités économiques européennes et rédigé principalement en langue allemande ; que l'arrêt a violé l'article 1382 du Code civil ; et alors, enfin, que les quelques faits de confusion constatés résultaient exclusivement du fait que X... procédait par insertions payantes, ce qui conférait à son ouvrage les caractéristiques d'un dictionnaire à insertions gratuites du Who's who in France ; qu'il ne pouvait donc en aucun cas y avoir matière à concurrence déloyale sous peine de violer l'article 1382 du Code civil ; Mais attendu qu'ayant relevé qu'indépendamment de la convention du 20 octobre 1958, les sociétés X... France et X... Canada avaient démarché la clientèle des Editions Jacques Y..., tant d'acheteurs que d'annonceurs publicitaires, ainsi que les personnalités dont ces éditions publiaient les notices biographiques, pour créer un annuaire concurrent en choisissant une présentation identique de format et de couleur, suscitant ainsi une confusion certaine avec une publication déjà connue du public, et adressé leurs lettres aux clients éventuels et leurs factures avec des mentions en en-tête qui ont conduit à de nombreuses confusions, la cour d'appel, par ces seuls motifs, a pu en déduire l'existence d'actes de concurrence déloyale constitutifs d'une faute délictuelle à l'encontre des sociétés X... France et X... Canada ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; Et sur le second moyen du pourvoi n P 92-11.880 : Attendu que les sociétés X... France et X... Canada font grief à l'arrêt attaqué d'avoir interdit à X... France de poursuivre "les actes de contrefaçon" sous peine d'une astreinte de 2 000 francs par infraction constatée et d'avoir autorisé la société Jacques Y... à faire publier l'arrêt dans trois journaux aux frais d'X... France, alors, selon le pourvoi, que ces deux chefs du dispositif, et en tous cas le premier, sont incompatibles avec le chef distinct qui déboute la société Y... de ses demandes fondées sur la contrefaçon de marque et les motifs qui lui servent de support, réformant le jugement sur la contrefaçon en ce qu'il a dit X... France auteur d'une contrefaçon de marque et a prononcé à ce titre des condamnations et des mesures d'interdiction ; que l'arrêt a donc violé les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu que, par arrêt du 16 avril 1992, la cour d'appel de Paris a ordonné la rectification du dispositif de l'arrêt attaqué en ce sens qu'il y a lieu de lire "les actes de concurrence déloyale" et non "les actes de contrefaçon" ; que le moyen est, dès lors, sans objet ; PAR CES MOTIFS : REJETTE les pourvois ; Condamne les demanderesses aux pourvois, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du sept mars mil neuf cent quatre-vingt-quinze.