Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 3 mai 1994, 92-16.041, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1 / la société anonyme Noyon automobiles, dont le siège est ... (Oise),

2 / Mme A..., née Claudine Y..., demeurant ..., et agissant en sa qualité de représentant des salariés désigné dans le cadre du redressement judiciaire de la société Noyon automobiles, en cassation de deux arrêts rendus les 3 avril 1992 et 13 février 1992 par la cour d'appel d'Amiens (3e chambre commerciale), au profit de :

1 / M. Jean-Claude Z..., mandataire liquidateur, demeurant ... (Oise), pris en sa qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de la SA Noyon automobiles,

2 / M. Richard X..., demeurant ... à Saint-Quentin (Aisne), pris en sa qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire de la société Noyon automobiles, défendeurs à la cassation ;

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 2 mars 1994, où étaient présents : Mme Pasturel, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Tricot, conseiller rapporteur, MM. Edin, Grimaldi, Apollis, Mme Clavery, MM. Lassalle, conseillers, MM. Le Dauphin, Rémery, conseillers référendaires, M. Curti, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. le conseiller Tricot, les observations de la SCP Le Bret et Laugier, avocat de la société Noyon automobiles et de Mme A..., ès qualités, de Me Henry, avocat de M. Z..., les conclusions de M. Curti, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon les arrêts déférés (Amiens, 13 février et 3 avril 1992), que le représentant légal de la société Noyon automobiles et le représentant des salariés ont demandé à la cour d'appel d'annuler le jugement de liquidation judiciaire de cette société en raison de l'irrégularité de la procédure et de renvoyer l'affaire devant un autre tribunal en prolongeant la période d'observation ; que par le premier arrêt, la cour d'appel a rejeté les demandes d'annulation de la procédure et du jugement de liquidation judiciaire et a ordonné la réouverture des débats pour qu'il soit conclu au fond et statué sur les propositions de plan de continuation ou de cession ; que par le second arrêt, elle a confirmé le jugement de liquidation judiciaire en toutes ses dispositions ;

Sur le premier moyen pris en ses deux premières branches :

Attendu que le représentant légal de la société et le représentant des salariés reprochent à l'arrêt du 13 février 1992 d'avoir rejeté leur demande d'annulation de la procédure et leur demande de renvoi devant un autre tribunal alors, selon le pourvoi, d'une part, que l'administrateur doit au cours de la période d'observation consulter le débiteur et le représentant des créanciers sur la situation et les perspectives de redressement de l'entreprise, les modalités de règlement du passif et les conditions sociales de la poursuite de l'activité ; qu'il doit, en outre, informer les mêmes ainsi que le comité d'entreprise et les délégués du personnel de l'avancement de ses travaux et les consulter sur les mesures qu'il envisage de proposer ; que son rapport doit être enfin notifié aux personnes susdésignées quinze jours au moins avant l'expiration de la période d'observation ;

que dès lors, la cour d'appel n'a pas pu déclarer que les trois autres rapports dressés par l'administrateur après la mise au point du bilan économique et social avaient été établis conformément à la loi, malgré l'absence de toute mention indiquant que les consultations nécessaires avaient été pratiquées et les informations nécessaires délivrées ;

que même en écartant le formalisme de l'envoi par lettre recommandée de ces trois rapports qui invitaient le tribunal à prendre une décision vis à vis de l'entreprise, l'arrêt a exclu à tort l'existence d'une violation des droits de la défense et violé ensemble les articles 18, 20, 25 de la loi du 25 janvier 1985 et 44 du décret du 27 décembre 1985 ; et alors, d'autre part, que le tribunal de commerce, envisageant de prononcer la liquidation judiciaire sur le fondement de l'article 36 de la loi du 25 janvier 1985, devait entendre les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, sinon inviter ceux-ci à une audition préalablement à toute décision ; que le jugement de liquidation judiciaire qui se borne à mentionner la présence du représentant des salariés ainsi que celle de deux salariés, ne satisfait pas à cette exigence présentant le caractère d'une formalité substantielle d'ordre public ;

que par suite, l'arrêt, en constatant la régularité du jugement entrepris et de la procédure suivie, a aussi violé le texte susvisé ;

Mais attendu qu'en application de l'article 11 du décret du 27 décembre 1985, la cour d'appel pouvait, même dans le cas d'annulation du jugement de liquidation judiciaire et de la procédure qui a précédé depuis le jugement d'ouverture, prononcer, au besoin d'office, la liquidation judiciaire ; que, dès lors, le moyen tiré de la prétendue nullité du jugement de liquidation est, en ses deux branches, irrecevable, faute d'intérêt ;

Sur le premier moyen pris en sa troisième branche :

Attendu que le représentant légal de la société et le représentant des salariés reprochent encore à l'arrêt du 13 février 1992 d'avoir statué comme il a fait alors, selon le pourvoi, que la cour d'appel qui annule un jugement prononçant la liquidation judiciaire dispose du choix, soit de renvoyer la cause devant un autre tribunal, soit de statuer d'office elle-même sur la suite à donner au redressement judiciaire ; que dès lors l'arrêt en excluant ce choix par l'effet dévolutif de l'appel, et en déclarant qu'il appartenait aux juges du second degré de statuer sur l'entier litige, a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, en violation de l'article 11 du décret du 27 décembre 1985 ;

Mais attendu que la cour d'appel n'a fait qu'user des pouvoirs qu'elle tient de l'article 562, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile en ordonnant la réouverture des débats pour qu'il soit statué, par elle-même, sur les éventuelles propositions de plans de continuation ou de cession ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que le représentant légal de la société et le représentant des salariés reprochent enfin à l'arrêt du 3 avril 1992 d'avoir confirmé le jugement qui a prononcé la liquidation judiciaire, alors, selon le pourvoi, que la cour d'appel, statuant sur l'appel d'un jugement du tribunal de commerce qui a prononcé la liquidation judiciaire d'une personne morale, doit préalablement entendre aussi les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel, sinon avoir appelé ceux-ci à participer à une telle audition ; que, par suite, l'arrêt du 3 avril 1992 qui se borne à faire état de l'audition du représentant des salariés, en ses observations, ne satisfait pas à l'exigence légale précitée et a été, par suite, rendu après une procédure à l'audience viciée en violation de l'article 36 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que, selon l'article 139, alinéa 2, de la loi du 25 janvier 1985, dans les entreprises ne remplissant pas les conditions prévues à l'article L 421-1 du Code du travail, le représentant des salariés exerce les fonctions dévolues au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel ; que la cour d'appel, devant laquelle il n'avait pas été soutenu que la société Noyon automobiles remplissait les conditions prévues à l'article L 421-1 du Code du travail, n'avait pas à faire application des dispositions de l'article 160-IV du décret du 27 décembre 1985, dès lors que le représentant des salariés était partie à l'instance ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Noyon automobiles et Mme A..., ès qualités, envers MM. Z... et X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par Mme le conseiller le plus ancien faisant fonctions de président en son audience publique du trois mai mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.

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