Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 25 janvier 1994, 91-20.007, Inédit
Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 25 janvier 1994, 91-20.007, Inédit
Cour de cassation - Chambre commerciale
- N° de pourvoi : 91-20.007
- Non publié au bulletin
- Solution : Rejet
Audience publique du mardi 25 janvier 1994
Décision attaquée : cour d'appel de Paris (3e chambre, section A) 1991-07-09, du 09 juillet 1991- Président
- Président : M. BEZARD
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant : Sur le pourvoi formé par M. Mohamed Z..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 9 juillet 1991 par la cour d'appel de Paris (3e chambre, section A), au profit de M. A..., pris en sa qualité de mandataire liquidateur de la société Celadon, demeurant à Paris (2e), ..., défendeur à la cassation ; Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 23 novembre 1993, où étaient présents : M. Bézard, président, Mme Pasturel, conseiller rapporteur, M. Apollis, conseiller, Mme Piniot, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme le conseiller Pasturel, les observations de Me Roger, avocat de M. Z..., les conclusions de Mme Piniot, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le premier moyen : Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 9 juillet 1991), de l'avoir condamné à supporter les dettes de la société Céladon, mise en liquidation judiciaire, à concurrence d'une certaine somme, alors, selon le pourvoi, que les juges du fond doivent, lorsqu'ils fondent leur décision sur des documents dont une partie allègue qu'elle n'a pas eu connaissance, constater que ces documents ont été régulièrement versés aux débats et qu'ils ont fait l'objet d'une communication ; que la cour d'appel, qui n'a pas établi ni même recherché, comme le lui demandait M. Z..., si les pièces de Mme A..., qui reconnaissait ne pas les avoir communiquées, et sur lesquelles elle a fondé sa décision de condamnation, ont été communiquées à M. Z..., a privé sa décision de base légale au regard de l'article 132 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu qu'il résulte tant des bordereaux de communication de pièces en date des 7 et 13 novembre 1990, émanant de l'avoué du liquidateur et qui figurent au dossier de la cour d'appel, que des conclusions signifiées le 29 janvier 1991 par M. Z... et dans lesquelles celui-ci, après avoir procédé à l'analyse critique des documents invoqués à son encontre, invitait la cour d'appel à statuer sur le litige, qu'il a finalement été satisfait par le liquidateur à la demande de communication de pièces initialement formulée ; que le moyen manque par le fait qui lui sert de fondement ; Sur le deuxième moyen, pris en ses quatre branches : Attendu que M. Z... reproche encore à l'arrêt d'avoir décidé qu'il était gérant de fait de la société, alors, selon le pourvoi, d'une part, que pour passer un acte au nom d'une société en formation, il n'est pas nécessaire de participer à sa gestion ; que la cour d'appel ne pouvait considérer que la procuration donnée à Mme Y... de signer le bail précaire, était un acte de gestion active, dès lors que la société était en formation, et M. Z... était le seul, compte tenu de la situation pécuniaire de Mme Y..., à pouvoir offrir au bailleur des garanties de solvabilité suffisantes, sans priver sa décision de base légale au regard de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985, et des articles 1843 du Code civil et 5 de la loi du 24 juillet 1966 ;
alors, d'autre part, que la modification du siège social est une modification statutaire que l'article 60 de la loi de 1966, impose impérativement de faire décider par les associés à la majorité des 3/4 au moins des parts sociales ; que la cour d'appel ne pouvait donc tirer aucune conséquence de l'accord donné par M. Z..., associé majoritaire, et qu'on ne pouvait en déduire la preuve d'une gérance de fait ; que la cour d'appel a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 180 de la loi de 1985 et 60 de la loi de 1966 ;
alors, encore, que pour caractériser une gérance de fait, les juges du fond doivent établir l'action positive de direction exercée par le gérant de fait ; qu'en se bornant à relever la proposition faite par un associé, M. Z..., de mettre à la disposition de la société deux parkings pour remplacer les entrepôts disparus en raison du déménagement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 180 de la loi de 1985 ; et alors, enfin, que lorsque le faisceau de présomptions se réduit à un indice unique, ce seul fait ne peut être considéré comme un ensemble de présomptions correspondant à la définition légale ;
que la cour d'appel, qui, de son aveu même, a fondé sa décision sur un ensemble de présomptions, dont il vient d'être démontré que toutes étaient inopérantes, a donc privé sa décision de base légale au regard de l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 ; Mais attendu que M. Z... ayant soutenu, pour contester avoir géré de fait la société, que c'est la gérante de droit, Mme Y..., qui avait décidé seule et sans aucune intervention de sa part de la conclusion du bail de la société et du transfert du siège social, la cour d'appel a réfuté ces allégations en retenant, d'un côté, que M. Z... était bien l'instigateur du bail, Mme Y... ayant agi comme délégataire, et, d'un autre côté, que le transfert du siège social avait été décidé par tous les associés ;
qu'elle a encore relevé, par motifs adoptés et propres, que Mme Y... avait servi de prête-nom à M. Z... qui ne pouvait, en raison de sa nationalité étrangère, exercer les fonctions de gérant de droit, et que c'est celui-ci qui négociait auprès des fournisseurs les achats de marchandises destinés à la société ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel, appréciant la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, n'a fait qu'user de son pouvoir souverain en décidant que M. Z... avait exercé, de façon continue et régulière, depuis l'origine de la société, créée à son initiative, une activité positive de gestion et de direction en
toute liberté, et qu'il avait ainsi été le dirigeant de fait de la société ; d'où il suit qu'en aucune de ses branches le moyen n'est fondé ; Et sur le troisième moyen, pris en ses deux branches : Attendu que l'arrêt est, enfin, critiqué pour avoir décidé que M. Z... devait supporter les dettes sociales à hauteur de 200 000 francs, au motif, selon le pourvoi, que, Mme A... mentionne également, dans son rapport dressé en vertu de l'article 13 de la loi du 25 février 1985, que la vente du stock de la société Céladon à M. X... Abdeslam pour un montant de 645 000 francs, réglé en deux fois, ne figure pas dans la comptabilité de la société ; alors, d'une part, que, l'article 180 de la loi du 25 janvier 1985 impose l'existence d'un préjudice, c'est-à-dire la constatation d'une insuffisance d'actif après que la totalité des éléments d'actif a été prise en considération ; que M. Z... ne pouvait être condamné sur le fondement de l'article 180 que s'il était démontré qu'il avait perçu cette somme de 645 000 francs, qui supprime toute insuffisance d'actif en étant supérieure au passif, puisque, sinon, cette somme, qui fait partie de l'actif et peut être recouvrée, supprime tout préjudice, et qu'en n'établissant pas cette perception, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de cet article ; et alors, d'autre part, que, si l'arrêt pouvait être interprété comme établissant une telle perception, il avait aussi dénaturé la facture qui établit la vente et qui est signée de la seule Mme Y..., gérante de droit, qui a, selon l'arrêt lui-même, négocié seule la vente ; Mais attendu, d'une part, que les premiers juges ayant constaté que l'insuffisance d'actif s'établissait à 220 000 francs environ et le liquidateur ayant, devant la cour d'appel, fait valoir que la vente du stock pour un montant de 645 000 francs, réglé en deux fois, ne figurait pas dans la comptabilité de la société, il ne résulte ni de ses conclusions ni de l'arrêt que M. Z... ait invoqué l'argumentation nouvelle et mélangée de fait dont fait état la première branche ; Attendu, d'autre part, que l'appréciation de la portée d'un écrit, sans altération de son texte n'est pas susceptible d'être critiquée au moyen d'un grief de dénaturation ; D'où il suit que le moyen est irrecevable en ses deux branches ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; Condamne M. Z... à une amende civile de cinq mille francs, envers le Trésor public ; le condamne, envers M. A..., ès qualités, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt-cinq janvier mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.