Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 6 avril 1994, 92-15.000, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Claude X..., en cassation d'un arrêt rendu le 12 mars 1992 par la cour d'appel de Lyon (1re Chambre), au profit :

de Mme Denise Y..., épouse X... et autres,

défendeurs à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 23 février 1994, où étaient présents : M. Grégoire, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Lemontey, conseiller rapporteur, MM. Thierry, Renard-Payen, Chartier, Gélineau-Larrivet, Mme Gié, M. Ancel, conseillers, M. Savatier, Mme Catry, conseillers référendaires, M. Lesec, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. le conseiller Lemontey, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de M. X..., de la SCP Lemaître et Monod, avocat de Mme X..., les conclusions de M. Lesec, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que, par acte sous seing privé du 20 janvier 1988 suivi de l'acte authentique du 28 avril 1988, Mme X..., mariée sous le régime de la séparation de biens et en instance de divorce, a vendu àM. Demazure et à Mlle Mille l'immeuble lui appartenant et qui constituait le logement de la famille dans lequel elle avait été autorisée à résider séparément de son mari ; que celui-ci, le 26 avril 1989, l'a assignée, ainsi que les acquéreurs et les notaires, en annulation de cette vente à laquelle il n'avait pas donné son consentement ; que l'arrêt attaqué a déclaré l'action prescrite pour avoir été exercée par M. X... plus d'un an après la requête en saisie-arrêt, faite par lui le 28 avril 1988 entre les mains des notaires, des sommes découlant de la vente ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux premières branches :

Attendu que M. X... reproche à la cour d'appel, en premier lieu, d'avoir violé l'article 215, alinéa 3, du Code civil pour l'application duquel l'acte de disposition mentionné s'entend nécessairement de celui qui transfère la propriété, de sorte que le délai de l'action en nullité ne court qu'à compter du jour de la réalisation de la vente par acte notarié lorsque, comme en l'espèce, le compromis a stipulé que ce serait cet acte qui emporterait transfert de propriété et, en second lieu, de n'avoir pas répondu à ses conclusions sur les conséquences à tirer de l'existence, dans le compromis, de conditions suspensives qui n'avaient pas été levées avant l'acte définitif ;

Mais attendu, d'abord, que les juges du fond ont retenu que l'acte du 20 janvier 1988 comportait l'accord des parties sur la chose et le prix ; que cette promesse de vente valant vente constitue l'acte de disposition des droits par lequel est assuré le logement de la famille, peu important, ainsi que l'a dit exactement la cour d'appel, que le transfert de propriété ait été reporté au jour de l'acte authentique dès lors qu'en l'espèce, elle a aussi relevé que cette stipulation n'avait pas été considérée par les parties comme un élément essentiel à la formation de la vente ; que la cour d'appel n'avait pas à répondre aux conclusions invoquées qui, dans leur imprécision, réduisaient les conditions suspensives mentionnées au moyen à celle relative au transfert de la propriété et à l'entrée en jouissance ;

Mais sur la troisième branche du moyen :

Vu l'article 215, alinéa 3, du Code civil ;

Attendu, selon ce texte, que l'action en nullité de l'acte par lequel un époux dispose, sans le consentement de l'autre, du logement familial, est ouverte à cet autre époux dans l'année à partir du jour où celui-ci a eu connaissance de l'acte ;

Attendu que, pour déclarer l'action prescrite, l'arrêt attaqué retient que M. X... a eu connaissance de la vente au plus tard le 14 avril 1988, date à laquelle il a déposé une requête aux fins de saisir-arrêter entre les mains du notaire chargé de la vente les sommes qui en découleraient ;

Attendu qu'en statuant ainsi, sans constater que les termes de cette requête révélaient que M. X... avait, à la date du 14 avril 1988, connaissance du caractère synallagmatique de la promesse de vente et, par conséquent, de sa nature d'acte de disposition au sens du texte susvisé, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Sur les demandes présentées au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile :

Attendu que Mme Y..., épouse X..., sollicite l'allocation d'une somme de 11 000 francs sur le fondement du texte susvisé ;

Mais attendu que Mme Y..., épouse X..., sera condamnée aux dépens ; qu'il n'y a pas lieu d'accueillir sa demande ;

Attendu que M. X... sollicite l'allocation d'une somme de 12 000 francs sur le fondement du même texte ;

Mais attendu qu'en équité, il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la dernière branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 mars 1992, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Rejette les demandes de Mme X... et de M. X... sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Condamne les défendeurs, envers M. X..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Lyon, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du six avril mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.

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