Cour de cassation, Chambre commerciale, du 26 mai 1992, 90-13.499, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1°/ M. Jean F...,

2°/ Mme F...,

demeurant ensemble à Caen (Calvados), ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 25 janvier 1990 par la cour d'appel de Paris (5e chambre, section B), au profit de la Société des pétroles Shell, anciennement dénommée la société Shell française, société anonyme, dont le siège social est à Paris (8e), ...,

défenderesse à la cassation ; Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 31 mars 1992, où étaient présents :

M. Bézard, président, M. Grimaldi, conseiller rapporteur, MM. A..., D..., C... E..., MM. Z..., X..., C... Y..., MM. Lassalle, Tricot, conseillers, MM. B..., Rémery, conseillers référendaires, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Grimaldi, les observations de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, avocat des époux F..., de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la Société des pétroles Shell, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Attendu, selon l'arrêt déféré, que, par acte sous seing privé du 12 avril 1977, la société Shell française, actuellement dénommée Société des pétroles Shell (société Shell), a conclu, pour une durée de dix années, avec M. F..., un contrat de revente au détail de ses produits ; qu'après la modification de la législation relative au prix des carburants, M. F... a demandé à la société Shell de modifier en conséquence le calcul de sa marge bénéficiaire ; que la société Shell lui a proposé, soit la poursuite du contrat, soit une modification à certaines conditions ; que M. F... a estimé ces offres inacceptables et a résilié le contrat avec effet à compter du 20 juin 1983 ; que la société Shell a assigné M. F... pour avoir restitution en nature des cuves qu'elle avait mises à sa disposition et a attrait dans la procédure Mme F..., qui s'était portée caution solidaire des engagements de son époux ; que la cour d'appel a accueilli cette demande de la société Shell et a condamné en outre les époux F... à 30 000 francs de dommages-intérêts pour "résistance abusive" ; Sur le moyen relevé d'office, après avertissement donné aux

parties :

Vu l'article 50, alinéa 1er, de l'ordonnance du 30 juin 1945, applicable en la cause ; Attendu que sont nulles les conventions sous quelque forme et pour quelque cause que ce soit, ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence ; Attendu que, pour statuer comme il a fait, l'arrêt, après avoir relevé l'existence dans le contrat d'une clause de restitution en nature des cuves et que la rupture du contrat est intervenue sans faute de la part de la société Shell, retient que la clause litigieuse n'est pas prohibée par l'ordonnance du 30 juin 1945 ; Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'obligation de restitution en nature du matériel impose des travaux coûteux au revendeur de carburant, non justifiés par des nécessités techniques en raison de la durée de vie des cuves, qu'elle est de nature à le dissuader à traiter avec un autre fournisseur, qu'elle est ainsi disproportionnée avec la fonction qui lui a été fixée de faire respecter l'exclusivité d'achat du carburant et qu'elle constitue un frein à la concurrence d'autres fournisseurs, la cour d'appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les moyens du pourvoi :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 janvier 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ; Condamne la Société des pétroles Shell, envers les époux F..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Paris, en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt six mai mil neuf cent quatre vingt douze.

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