Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 2 juillet 1991, 89-17.069, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par :

1°/ M. Georges X... B...,

2°/ Mme Madeleine B..., née A...,

demeurant ensemble ... à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine),

en cassation d'un arrêt rendu le 20 avril 1989 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre), au profit de :

1°/ la société d'exploitation des procédés Y... dite SEPCO, dont le siège social est route de Niort Zone industrielle à la Crèche, Niort (Deux-Sèvres),

2°/ M. Norbert Y..., demeurant ... et actuellement au Logis de Mauzay à Echire (Deux-Sèvres),

3°/ M. Z..., pris en sa qualité de syndic à la liquidation des biens des sociétés Matériel moderne Marchan (SICEIMA et SPF), demeurant ... (Yvelines),

défendeurs à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 22 mai 1991, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Dumas, conseiller rapporteur, MM. Vigneron, Leclercq, Gomez, Leonnet, conseillers, Mme Geerssen, conseiller référendaire, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. le conseiller Dumas, les observations de Me Guinard, avocat des époux B..., de Me Garaud, avocat de la société Y... dite SEPCO, de la SCP Peignot et Garreau, avocat de M. Z... ès qualités, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

! - Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué (Versailles, 20 avril 1989), qu'une transaction est intervenue entre M. Norbert Y... et la Société d'exploitation des procédés Y... (SEPCO) d'une part, Georges B... et la SMMM, la SICEIMA et la SPF d'autre part, aux termes de laquelle ces trois dernières sociétés reconnaissaient devoir la somme de 260 000 francs à Norbert Y... et celle de 740 000 francs à la SEPCO ; qu'en exécution de cette transaction des lettres de change ont été crées sur la SMMM, la SICEIMA et la SPF et avalisées par M. Georges B... ; que ces effets n'ont pas été payés ; que les sociétés tirées ont été mises en règlement judiciaire le 5 décembre 1978 ; que Norbert Y... et la SEPCO ont assigné en paiement M. Georges B... et son épouse en qualité d'avalistes et ont été déboutés de leur demande par jugement du tribunal de commerce du 14 novembre 1979 au motif que, faute de précision contraire, l'aval était donné en faveur du tireur ; que cette décision a été signifiée le 17 janvier 1980 à M. Norbert Y... et à la SEPCO, lesquels en ont interjeté appel les 6 et 7 juillet 1988 ; que, par ailleurs, M. Norbert Y... et la SEPCO ont obtenu du président du tribunal de grande instance, le 27 mai 1988, une ordonnance sur requête les autorisant à pratiquer une saisie-arrêt entre les mains de M. Z..., syndic de la liquidation des biens de la SMMM, de la SICEIMA et de la SPF pour toutes sommes qu'il

pourrait devoir à M. Georges B... ; que, sur assignation de ce dernier, le président du tribunal a, par ordonnance du 21 juillet 1988, rapporté sa décision et ordonné la mainlevée de la saisie-arrêt ; que M. Norbert Y... et la SEPCO ont interjeté appel de cette ordonnance et assigné M. Z... en intervention forcée devant la

cour d'appel ; que, cette dernière a infirmé le jugement du tribunal de commerce et condamné M. Georges B... à payer à M. Norbert Y... et à la SEPCO les sommes réclamées par ceux-ci et a infirmé également l'ordonnance du président du tribunal de grande instance du 21 juillet 1988 et débouté M. Georges B... de sa demande de rétractation de l'ordonnance sur requête du 27 mai 1988 ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. Georges B... et Mme Madeleine A..., épouse B..., reprochent à l'arrêt d'avoir déclaré recevables les appels formés par M. Y... et par la SEPCO, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le juge doit observer lui-même le principe du contradictoire ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de la nullité de l'acte de signification délivré le 17 janvier 1980 à M. Y... et à la SEPCO sans inviter les parties à présenter des observations, la cour d'appel a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ; alors que, d'autre part, lorsque la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré à domicile, la copie pouvant être laissée à une personne présente dès lors qu'elle l'accepte ; que la cour d'appel, qui a admis que, selon les mentions de l'acte, la signification à personne s'était avérée impossible, devait en déduire que l'acte avait pu être valablement délivré au siège de la SEPCO à la secrétaire présente qui l'avait accepté, sans que celle-ci eût à déclarer qu'elle avait le pouvoir de recevoir des actes ; qu'en décidant que la signification était nulle à l'égard de la SEPCO, la cour d'appel a violé les articles 654 et 655 du nouveau Code de procédure civile ; et alors, enfin, qu'il appartient à celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause le vice de forme qu'il allégue ; qu'en prononçant la nullité de l'acte de signification du 17 janvier 1980 en énonçant que rien n'établissait que M. Y... et la SEPCO avaient eu connaissance du jugement, la cour d'appel a renversé la charge de la preuve en violation de l'article 114, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'une part, qu'il résulte tant de l'arrêt que des conclusions de M. Y... et de la société SEPCO, que ceux-ci ont invoqué l'argument tiré de la nullité de l'acte de signification du jugement du tribunal de commerce ; que dès lors, dans sa première branche, le moyen manque en fait ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que l'acte de signification à la société SEPCO, délivré au siège social, ne mentionnait pas qu'il avait été remis à une personne ayant déclaré être fondée de pouvoir ou habilitée à le recevoir, la cour d'appel en a déduit à bon droit que la signification à personne était irrégulière et n'avait pas fait courir le délai d'appel ;

Attendu, enfin, qu'en retenant que les irrégularités des significations faites à M. Y... et à la société SEPCO avaient retardé le moment où ils pouvaient user de la voie de recours, la cour d'appel a établi le grief invoqué par eux sans inverser la

charge de la preuve ;

D'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa première branche, n'est pas fondé en ses autres branches ;

Sur le deuxième moyen pris en ses trois branches :

Attendu que les époux B... reprochent encore à l'arrêt d'avoir condamné M. B... au paiement d'une somme de 240 000 francs envers M. Y... et d'une somme de 760 000 francs envers la SEPCO alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'à défaut de toute indication, l'aval doit être irréfragablement réputé donné pour le tireur ; que la cour d'appel, qui a admis que l'aval porté par M. B... sur les traites ne mentionnait pas pour le compte de qui il avait été donné, ne pouvait admettre M. Y... et la SEPCO, tireurs, à rapporter la preuve que la garantie de M. B... avait été donnée pour les sociétés tirées ; qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a violé l'article 130, alinéa 6 du Code de commerce ; alors, d'autre part, que si la preuve d'un cautionnement à caractère commercial est libre, un tel engagement n'en obéit pas moins aux prescriptions de l'article 2015 du Code civil et doit être exprés ; qu'en déduisant des circonstances qu'elle énonce, l'existence d'un engagement purement tacite de M. B... en qualité de caution, la cour d'appel a violé l'article 2015 du Code civil ; et alors, enfin, que l'annexe du "protocole d'accord" du 21 avril 1978 était revêtu de la signature de M. B... et de celle, répétée deux fois, de M. Y... ; qu'en énonçant que cet écrit était signé "du seul Georges B...", la cour d'appel en a dénaturé les mentions claires et précises et violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, que l'application des dispositions de l'article 130, alinéa 6, du Code de commerce, étant limitée aux rapports cambiaires, la cour d'appel, pour décider que M. B... s'était engagé en qualité de caution des sociétés SMMM, SICEIMA et SPF, a pu retenir des éléments extérieurs aux lettres de change, dont elle a souverainement apprécié la portée ;

Attendu, d'autre part, que la cour d'appel a caractérisé la volonté certaine de M. B... de s'engager en qualité de caution ;

Attendu, enfin, que, la cour d'appel ayant recherché la nature de l'engagement de M. B... au regard du droit commun, la circonstance que l'une des pièces retenues ait comporté deux signatures de M. Y..., outre celle de M. B..., était sans incidence sur la solution du litige ; d'où il suit que le grief de dénaturation allégué est inopérant ;

Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le troisième moyen :

Attendu qu'il est aussi reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. B... de sa demande de rétractation de l'ordonnance sur requête du président du tribunal de grande instance de Versailles du 17 mai 1988 autorisant la saisie-arrêt entre les mains de M. Z... au profit de M. Y... et de la société SEPCO, cette ordonnance devant produire effet ; alors, que, selon le pourvoi, la cassation à intervenir sur le deuxième moyen du pourvoi, du chef ayant condamné M. B... à paiement envers M. Y... et la SEPCO doit entraîner, par voie de conséquence, celle du chef de l'arrêt ayant rejeté la demande de rétractation de l'ordonnance autorisant la saisie-arrêt au profit de ces derniers, entre les mains de

M. Z..., conformément à l'article 624 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, le deuxième moyen étant rejeté, le troisième moyen est sans fondement ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne les époux B..., envers la société Y... dite SEPCO et MM. Y... et Z..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du deux juillet mil neuf cent quatre vingt onze.

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