Cour de cassation, Chambre sociale, du 27 juin 1990, 86-43.483, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société COBRA, Compagnie industrielle du bracelet dont le siège social est à Besançon (Doubs), ..., représentée par ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,

en cassation d'un arrêt rendu le 15 mai 1986 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale), au profit de :

1°/ M. Guy A... demeurant à la Frette, La Côte Saint André (Isère),

2°/ Mme Madeleine A... demeurant à la Frette, La Côte Saint André (Isère),

défendeurs à la cassation ; LA COUR, en l'audience publique du 15 mai 1990, où étaient présents :

M. Caillet, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur, MM. X..., D...,

Renard-Payen, Boittiaux, Bèque, conseillers, M. B..., Mme Y..., M. Z..., Mme E..., M. C..., Mmes Pams-Tatu, Charruault, conseillers référendaires, M. Gauthier, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Caillet, les observations de la SCP Vier et Barthélémy, avocat de la société COBRA, les conclusions de M. Gauthier, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Sur le moyen unique :

Attendu que M. et Mme A... qui avaient été au service de la société COBRA, entreprise de fabrication de bracelets-montre, du 6 août 1962 au 28 février 1982, respectivement en qualité de chef d'atelier et de chef d'équipe, d'abord à Morteau, puis à Besançon, ont, le 6 janvier 1982, après avoir accompli deux stages de recyclage auprès de la société Cassegrain, signé un contrat de travail avec la Compagnie de Maroquinerie de l'Océan (CMO), entreprise de fabrication de portefeuilles et de sacs à main, pour être engagés comme responsables de fabrication à compter du 1er mars 1982 dans les ateliers de cette société qui venait d'être constituée à l'Ile Maurice ; qu'ayant quitté leur emploi à Besançon le 28 février 1982, la société COBRA leur a délivré, le 25 janvier 1982, une attestation certifiant qu'à compter du 1er mars 1982 leur lieu de travail serait situé à l'Ile Maurice et leur a remis, le jour de leur départ, le solde de tout compte et le certificat de travail ; que leur nouvel employeur les ayant licenciés le 30 avril 1984 après versement de diverses indemnités, ils ont demandé à la société COBRA leur réintégration à l'établissement de Besançon, en application de l'article L. 122-14-8 du Code du travail, ce que cette société a refusé en prétendant que la société CMO n'était pas sa filiale ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué (Grenoble, 15 mai 1986) d'avoir dit que la société CMO est une filiale de la société COBRA et que les époux A... au service de cette société avaient été mis à la disposition de la société CMO, mais que, licenciés par celle-ci, sans être repris par la société COBRA, ils remplissaient les conditions prévues à l'article L. 122-14-8 du Code du travail, et d'avoir, en conséquence, condamné la société COBRA à payer des dommages-intérêts à chacun des salariés, alors, d'une part, que si la position dominante de la société mère par rapport à sa filiale étrangère n'est pas nécessairement liée à sa participation majoritaire dans le capital de cette dernière, elle suppose néanmoins un contrôle exercé par la première sur la seconde ; que la seule circonstance que d'anciens salariés de la société Cobra avaient été engagés par la société CMO pour assurer les fonctions de responsables de fabrication n'impliquait pas à elle seule l'existence d'un tel contrôle, dès lors qu'il ne résulte pas des constatations de l'arrêt que la société Cobra aurait conservé sur ses anciens salariés un pouvoir de direction de nature à placer la société CMO sous sa dépendance technique et à lui permettre d'exercer, par salariés interposés, un pouvoir de décision au sein de cette société, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a entâché son arrêt d'un défaut de base légale au regard des dispositions de l'article L. 122-14-8 du Code du travail ; alors, d'autre part, que les circonstances de la cause n'établissaient pas davantage que la société COBRA avait conservé, après le départ des époux A... pour l'Ile Maurice, un quelconque pouvoir de direction sur ses anciens salariés, de sorte qu'en se déterminant par des motifs inopérants sans caractériser le contrôle prétendument exercé par cette société sur la société CMO, la cour d'appel a encore privé son arrêt de base légale au regard du texte précité ; Mais attendu que la cour d'appel a relevé que la société COBRA, d'une part, après avoir complété la formation des époux A... afin qu'ils acquièrent la compétence professionnelle nécessaire pour assurer les fonctions de responsables de fabrication dans la nouvelle société CMO, avait pris toutes dispositions pour assurer à celle-ci l'assistance technique indispensable à son fonctionnement, d'autre part, avait fait des actes qui auraient dû relever normalement de la seule autorité de la société CMO ; qu'elle a pu déduire de ces constatations que la société Cobra exerçait son contrôle sur la société CMO bien qu'elle n'en possédât pas la majorité du capital ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ; PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ; Condamne la société COBRA, envers les époux A..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt sept juin mil neuf cent quatre vingt dix.

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