Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 11 juin 1997, 96-80.388, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 96-80.388
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- Président : M. Le Gunehec
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
REJET des pourvois formés par :
1° le procureur général près la cour d'appel de Paris ;
2° X... Paul, le musée d'Albi, parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 13e chambre, du 30 novembre 1995, qui, dans les poursuites exercées contre Gabriel et Samuel Y... pour contrefaçon, les a relaxés des fins de la poursuite et a débouté les parties civiles de leurs demandes.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
I. Sur les pourvois de Paul X... et du musée d'Albi :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
II. Sur le pourvoi du procureur général près la cour d'appel de Paris :
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 335-2 et 335-3 du Code de la propriété intellectuelle :
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé les prévenus des fins de la poursuite ;
" aux motifs que ne constitue pas une violation du droit moral de l'auteur la reproduction de la signature, qui fait incontestablement partie de l'oeuvre elle-même, qu'aucune disposition assortie de sanctions pénales n'interdit de reproduire, par quelque technique que ce soit, la signature d'un artiste dont l'oeuvre est tombée dans le domaine public, enfin, que des précautions avaient été prises pour que la mention selon laquelle les tableaux litigieux étaient des copies ne puisse être effacée, tout risque de confusion entre l'oeuvre originale et sa copie étant ainsi écarté ;
" alors que constitue une contrefaçon toute reproduction, par quelque moyen que ce soit, d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur, tels qu'ils sont définis et réglementés par la loi ; que, s'agissant en particulier de ceux d'un peintre, ces droits comportent celui de contester l'imitation de sa signature sur des oeuvres qui, réalisées par des copistes selon un procédé dont est dissociable la reproduction de cet élément d'authentification, peuvent, cependant, grâce à celui-ci, être abusivement attribuées à l'artiste lui-même " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que la société Van M, dirigée par Gabriel Y..., exploite à Paris une galerie de peinture spécialisée dans la vente de copies de tableaux de maîtres dont l'oeuvre est tombée dans le domaine public ; que les reproductions, effectuées par un artiste salarié de la société, étaient achevées par Samuel Y... qui recopiait à l'identique la signature du peintre lorsque celle-ci figurait sur l'oeuvre originale ; que Samuel et Gabriel Y... sont poursuivis, sur le fondement de l'article L. 335-3 du Code de la propriété intellectuelle, pour avoir reproduit des tableaux, notamment de Renoir et Toulouse-Lautrec, en violation du droit moral de leur auteur, droit perpétuel, inaltérable et imprescriptible, selon l'article L. 121-1 du même Code ;
Attendu que les premiers juges les ont déclarés coupables de contrefaçon aux motifs que le droit de copier une oeuvre tombée dans le domaine public n'emporte pas celui de copier la signature de son auteur, la reproduction de cette signature, lorsque la copie est exécutée, comme en l'espèce, sur un support et selon un procédé identiques à l'oeuvre originale, portant nécessairement atteinte à l'identité artistique de l'auteur ;
Attendu que pour infirmer cette décision et relaxer les prévenus, la cour d'appel, après avoir relevé qu'aucune disposition assortie de sanctions pénales n'interdit de reproduire par quelque technique que ce soit la signature d'un artiste dont l'oeuvre est tombée dans le domaine public, énonce que la copie de la signature, qui fait partie du tableau dont la reproduction est licite, ne méconnaît pas le droit moral de son auteur ; que les juges ajoutent que tout risque de confusion avec l'oeuvre originale est écarté puisque le format de la toile diffère et que la mention " copie " est apposée de manière indélébile au dos de celle-ci et sur la tranche ;
Attendu qu'en prononçant ainsi la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir le grief allégué ; que la reproduction de la signature de l'auteur d'une oeuvre d'art tombée dans le domaine public, sur la copie de cette oeuvre, ne porte pas atteinte au droit moral de cet auteur lorsque, comme en l'espèce, aucune confusion n'est à craindre entre l'original et sa copie ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.