Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 3 septembre 1996, 94-85.046, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

REJET du pourvoi formé par :

- X...,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans, chambre correctionnelle, en date du 3 octobre 1994, qui, pour non-représentation d'enfant, l'a condamné à 5 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.

LA COUR,

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 357 ancien du Code pénal, 112-1, 122-7 et 227-5 du nouveau Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable de non-représentation d'enfant ;

" 1° Alors que l'ancien Code pénal sanctionnait le refus délibéré et réitéré de remettre l'enfant à la personne qui avait le droit de le réclamer en vertu d'une décision de justice exécutoire ; que l'article 227-5 du nouveau Code pénal en ce qu'il sanctionne désormais "le fait de refuser indûment de représenter un enfant mineur à la personne qui a le droit de le réclamer" contient des dispositions plus favorables au prévenu que l'ancien texte en ce qu'il oblige les juridictions correctionnelles à examiner le caractère "indu" du refus, c'est-à-dire à mettre en balance l'intérêt de l'enfant mineur et celui de la personne qui "a le droit de le réclamer" ; que ce texte s'applique incontestablement dans la définition qu'il donne du délit de non-représentation d'enfant aux faits antérieurs à la mise en vigueur du nouveau Code pénal ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que "la décision de Y... d'emmener les enfants à la Martinique sans l'accord de son ex-mari ou l'autorisation du juge rendait beaucoup plus difficile pour X... l'exercice de son droit de visite", "qu'il est établi que X... n'a commis aucune faute personnelle à l'origine de la situation génératrice de l'infraction, le départ des enfants hors de la métropole lui étant tout à fait étranger", "qu'un conflit existait entre le couple parental depuis sa séparation dont les enfants étaient les otages", qu'il était évident, en l'espèce, que l'intérêt des enfants avait une valeur supérieure à celui de Mme Y... et que le père dès son retour en France avait saisi le juge aux affaires familiales mais s'est borné à conclure qu'"il n'apparaissait pas cependant que le fait de ne pas restituer à leur mère les enfants à l'issue de l'exercice de son droit de visite et d'hébergement par le père était nécessaire pour préserver la santé psychologique des enfants altérée essentiellement par le comportement conflictuel des parents" et que, dès lors, en omettant d'aborder la question, qui était essentielle, de savoir si l'intérêt supérieur des enfants autorisait à considérer comme indue la démarche du père, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 227-5 du nouveau Code pénal ;

" 2° Alors qu'aux termes de l'article 122-7 du nouveau Code pénal, "n'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne du bien, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace" ; que l'état de nécessité est donc désormais une notion définie par la loi et n'est donc plus une création purement prétorienne ; qu'en cet état, dès lors que ce fait justificatif est, comme en l'espèce, invoqué par le prévenu, les juges du fond doivent, pour l'écarter, relever soit l'absence de danger actuel et imminent menaçant les personnes ou les biens, soit le caractère non nécessaire de l'acte accompli susceptible de caractériser une infraction pénale, soit la disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ; que l'existence d'un danger actuel et imminent se déduit des constatations de l'arrêt qui a relevé la décision de Mme Y..., divorcée, d'emmener les enfants en Martinique sans l'accord de son ex-mari et sans que celui-ci ait commis aucune faute personnelle à l'origine de ce coup de force, l'existence d'un conflit aigu entre le couple parental depuis sa séparation dont les enfants sont les otages et l'altération de la santé psychologique de ces derniers ; que, par ailleurs, la cour d'appel a constaté que X... n'avait emmené les enfants en métropole que pour saisir immédiatement le juge aux affaires familiales précisant que ce magistrat avait fixé la résidence principale des enfants chez leur père en accordant un droit de visite à la mère, tous éléments qui établissent le caractère nécessaire de l'acte accompli par le père et qu'enfin, la cour d'appel, loin d'estimer qu'il y avait disproportion entre l'action du père et la situation angoissante qui était celle de ses enfants, a au contraire expressément affirmé qu'il était évident qu'en l'espèce l'intérêt des enfants avait une valeur supérieure à celui de Mme Y... ; qu'en cet état, la cour d'appel ne pouvait, sans méconnaître le sens et la portée de l'article 122-7 du nouveau Code pénal dont elle avait l'obligation de faire application aux faits poursuivis, rejeter l'état de nécessité invoqué par le demandeur " ;

Attendu que X... a été poursuivi pour avoir, alors qu'il avait été statué sur la garde de ses 4 enfants par jugement du tribunal de grande instance de Limoges, en date du 28 mai 1993, refusé de les représenter à Y... qui avait le droit de les réclamer ;

Attendu que, pour le déclarer coupable des faits qui lui étaient reprochés, l'arrêt confirmatif attaqué énonce qu'après avoir exercé son droit de visite en Martinique où son ex-épouse avait transféré son domicile et emmené ses enfants, il est rentré en métropole, accompagné de ces derniers, et les a cachés jusqu'à la date de l'audience fixée par le juge aux affaires matrimoniales qu'il a alors saisi ; qu'il relève que le prévenu s'est rendu coupable d'un véritable " coup de force " qui n'était pas nécessaire pour préserver la santé psychologique des enfants ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision dès lors que, tant au regard de l'article 357 ancien que de l'article 227-5 nouveau du Code pénal, l'élément intentionnel du délit de non-représentation d'enfant est caractérisé par le refus délibéré ou indu, comme étant, en l'espèce, contraire à une décision de justice, de remettre les enfants à la personne qui a le droit de les réclamer, quel que soit le mobile de cette attitude, et en l'absence, en la cause, de tout danger actuel ou imminent menaçant leur personne ou leur santé, tel qu'il était allégué ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé dans aucune de ses branches ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.

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