Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 27 février 1992, 91-80.629, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :

- la fédération départementale des chasseurs de l'Oise, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens, chambre correctionnelle, du 9 janvier 1991, qui, dans la procédure suivie contre Christian X... pour les contraventions de chasse en temps prohibé et de chasse au grand gibier en infraction avec les prescriptions du plan de chasse, après relaxe du prévenu, a débouté la partie civile de ses demandes.

LA COUR,

Sur la recevabilité du pourvoi, contestée par la défense ;

Attendu, d'une part, que l'action civile appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage découlant directement des faits, objet de la poursuite ;

Attendu, d'autre part, que les fédérations départementales des chasseurs ont légalement pour mission la répression du braconnage, la constitution et l'aménagement des mesures de chasse, la protection et la reproduction du gibier ;

Que la fédération départementale des chasseurs de l'Oise est donc en droit de soutenir avoir subi un préjudice personnel et direct découlant des infractions de chasse en temps prohibé, et de chasse au grand gibier en contravention avec les prescriptions du plan de chasse, reprochées au prévenu ; que sa constitution de partie civile était, dès lors, recevable et qu'il en va de même de son pourvoi ;

Au fond :

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que le prévenu est président de l'association communale de chasse agréée de Thiers-sur-Thèves, dans le département de l'Oise, où les heures quotidiennes de chasse du gibier sédentaire ont été fixées de 9 heures à 18 heures, de l'ouverture générale au 15 octobre, par arrêté préfectoral du 26 juillet 1989 ; qu'il est, en cette qualité, titulaire d'un plan de chasse l'autorisant à tuer quatre grands animaux, dont un cerf ;

Attendu qu'une battue a été organisée le 1er octobre 1989 par l'association précitée ; qu'à 8 heures 05, le même jour, les gardes présents sur les lieux ont entendu quatre détonations ; qu'un cerf six cors a été abattu et marqué avec un bracelet de daguet remis aux chasseurs, sur les lieux de chasse, par le prévenu ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 373, 376, alinéa 1er, du Code rural, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé le prévenu du chef de contravention de chasse en dehors des heures autorisées ;

" aux motifs qu'aucun élément du dossier ne permet de constater que X... avait donné des instructions non équivoques pour commencer la chasse ;

" alors, d'une part, qu'il est établi par les constatations des juges du fond que le prévenu, président de l'association communale de chasse agréée de Thiers, titulaire du droit de chasse et bénéficiaire du plan de chasse individuel, était légalement l'organisateur de la battue ; que l'arrêt attaqué a constaté qu'un cerf avait été abattu à 8 heures 05, soit une heure avant l'heure autorisée ; que dès lors, à partir du moment où les opérations de chasse étaient menées sous sa direction et son contrôle, X... participait nécessairement à la recherche et à la capture du gibier engageant ainsi sa responsabilité pénale en tant que coauteur de la contravention ;

" alors, d'autre part, qu'en se bornant à énoncer pour fonder la relaxe, qu'il n'était pas établi que le prévenu ait donné des instructions non équivoques pour commencer la chasse avant l'heure, au lieu de rechercher s'il avait effectivement pris toutes les mesures nécessaires qui lui incombaient au cours des différentes opérations de chasse menées sous sa direction pour éviter que des actes de chasse ne se produisent en dehors de la période autorisée, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale " ;

Attendu que, pour relaxer le prévenu de la contravention de chasse en temps prohibé, les juges relèvent que le jour des faits, " plus d'une trentaine de chasseurs étaient sur les lieux ; que les déclarations peu précises de deux d'entre eux ne peuvent constituer des indices graves, précis et concordants de culpabilité du prévenu ; qu'aucun élément du dossier ne permet de constater que X... avait donné des instructions non équivoques pour commencer la chasse " ;

Attendu qu'en cet état, la cour d'appel, selon laquelle la preuve n'a pas été rapportée que le prévenu ait été en action de chasse lors de la commission de l'infraction ou qu'il n'ait pas donné les instructions pour l'empêcher, a justifié sa décision ;

Que le moyen, qui se borne à remettre en discussion l'appréciation souveraine par les juges du fond des faits et des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être accueilli ;

Mais sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 1 et 2, alinéa 1er, du décret du 14 juin 1965, repris par l'article R. 228-16 du Code rural, de l'article 3 du décret n° 79-1100 du 20 décembre 1979, repris dans l'article R. 225-12 du Code rural, des articles 373. 4° du Code rural et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé X..., président de l'association communale de chasse agréée de Thiers-sur-Thève, bénéficiaire du plan de chasse individuel du chef de contravention pour marquage erroné d'un cerf adulte en cerf daguet ;

" aux motifs que ce sont les chasseurs Y... et Z... qui ont apposé le bracelet litigieux qui leur avait été remis par un troisième chasseur, A..., à qui X... venait de le confier sur la foi de ce qui lui était rapporté et alors qu'il était occupé par les agents verbalisateurs ; qu'en conséquence, le prévenu n'ayant pas commis personnellement le fait reproché doit être relaxé ;

" alors que l'incrimination prévue et réprimée par le décret du 1er juin 1965 repris par l'article R. 228-16 du Code rural vise les personnes ayant l'obligation de marquer les grands gibiers tués en application du plan de chasse et que les dispositions de l'article 3 du décret du 20 décembre 1979 reprises par l'article R. 225-12 du Code rural précisent que cette opération doit être effectuée à la diligence et sous la responsabilité du bénéficiaire du plan de chasse individuel ; qu'en refusant de retenir X..., président de l'association communale de chasse agréée titulaire du plan de chasse, dans les liens de la prévention, l'arrêt attaqué a méconnu le sens et la portée des textes susvisés " ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que, selon l'article 3 du décret du 20 décembre 1979, devenu l'article R. 225-12 du Code rural, l'opération de marquage des grands gibiers tués en application du plan de chasse doit être effectuée " à la diligence et sous la responsabilité du bénéficiaire du plan de chasse individuel " ;

Attendu que, pour relaxer Christian X... d'avoir contrevenu aux prescriptions du plan de chasse en faisant apposer sur un cerf adulte un bracelet concernant un cerf daguet, l'arrêt attaqué se borne à énoncer que ce sont deux chasseurs qui ont apposé le bracelet litigieux sur le jeune cerf abattu ; que ce bracelet lui avait été remis par un troisième chasseur, auquel il avait été confié par le prévenu ; qu'en conséquence, celui-ci n'a pas commis personnellement le fait reproché ;

Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il découle des propres constatations des juges du fond que le prévenu, qui alléguait vainement sa bonne foi, n'a pas pris les précautions suffisantes pour faire respecter le plan de chasse, la cour d'appel a méconnu les textes visés au moyen ; que la cassation est dès lors encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel d'Amiens, en date du 9 janvier 1991, quant aux intérêts civils seulement, toutes autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi, dans la limite de la cassation ainsi prononcée :

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Reims.

Retourner en haut de la page