Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 14 février 1996, 95-81.765, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 95-81.765
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle
- Président
- Président : M. Le Gunehec
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... Viviane, prise tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'administrateur légal des biens de sa fille mineure Mélanie, X... Joël Pierre, X... Bénédicte, X... Colette, X... Andrée, épouse Y..., Y... Philippe, X... Danielle, épouse Z..., Z... Raphaëlle, Z... Emmanuelle, X... Jean-Michel, X... Noëlle, X... Vincent, X... Alia, X... Marcel, tant à titre personnel qu'en sa qualité d'administrateur légal des biens de ses enfants François et Sophie, X... Alice, X... Dominique, parties civiles,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, chambre correctionnelle, du 13 janvier 1994, qui, dans des poursuites exercées contre Martine A..., épouse B..., pour, notamment, homicide involontaire, après requalification du délit en contravention de blessures involontaires, a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 319 du Code pénal ancien, 221-6 du Code pénal nouveau, 1382 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement ayant requalifié le délit d'homicide involontaire sur la personne de Germaine X... en contravention de blessures involontaires, et a rejeté la demande en réparation du préjudice moral des consorts X..., ainsi que de leur préjudice matériel lié aux frais d'obsèques de la défunte ;
" aux motifs que Germaine X..., qui se trouvait dans le véhicule de sa fille Viviane X..., devait décéder le 15 décembre 1991 au centre hospitalier de Thonon-les-Bains, d'un infarctus du myocarde ; qu'il résulte d'un certificat médical du docteur C... que la patiente avait été admise pour un traumatisme grave du bassin, que les suites avaient été favorables jusqu'au 15 décembre, où la patiente était décédée subitement, que compte tenu des lésions, l'incapacité totale temporaire aurait été supérieure à 3 mois, que la patiente présentait une pathologie cardiaque et qu'elle a " présenté une décompensation liée au stress du traumatisme et de l'hospitalisation " ; que le décès de Germaine X... est survenu 15 jours après l'accident, que le certificat médical susvisé fait état d'un lien " indirect " entre l'accident et le décès, lequel est essentiellement dû à l'existence d'une pathologie cardiaque antérieure et étrangère à l'accident ;
" alors, d'une part, que si l'article 319 du Code pénal (article 221-6 du nouveau Code pénal) punit quiconque aura été involontairement la cause d'un homicide, ce texte n'exige pas que cette cause soit directe et immédiate, il suffit que l'existence du lien de causalité soit certaine ; qu'en l'espèce, il résultait des propres constatations des juges du fond que la patiente, qui présentait une pathologie cardiaque, a présenté une décompensation " liée au stress du traumatisme et de l'hospitalisation " ; que si le certificat médical fait état d'un lien " indirect " entre l'accident et le décès, il n'en demeurait pas moins que la crise cardiaque de la victime apparaissait comme une conséquence certaine de l'accident, et qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas déduit de ces constatations les conséquences légales qui s'en suivaient ;
" alors, d'autre part, que l'existence d'une prédisposition pathologique de la victime ne saurait exclure le lien de causalité entre l'infraction et son décès, dès lors que le traumatisme lié à cette infraction a été l'élément déclenchant des complications mortelles qui ne seraient pas survenues sans lui ; qu'il importe donc que la faute d'imprudence commise par la prévenue n'ait pas été la cause exclusive du décès de Germaine X... puisque, sans cette faute, le dommage ne se serait pas produit et qu'ainsi, s'est à tort que les juges du fond ont dénié tout lien de causalité entre l'accident et le décès de Germaine X... " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que, ni l'article 319 ancien, ni l'article 221-6 nouveau du Code pénal n'exigent qu'un lien de causalité direct et immédiat existe entre la faute du prévenu et le décès de la victime ; qu'il suffit que l'existence d'un lien de causalité soit certaine ;
Attendu que, le 27 novembre 1991, à la suite d'une collision survenue entre deux véhicules, Germaine X..., passagère de l'un d'eux, a été blessée ; qu'elle est décédée le 15 décembre 1991 d'un infarctus ;
Que Martine B..., conductrice de l'autre véhicule, a été poursuivie pour homicide involontaire ;
Attendu que, pour requalifier la prévention d'homicide involontaire en contravention de blessures involontaires, l'arrêt relève que le décès de la victime, qui, atteinte d'une pathologie cardiaque antérieure, a " présenté une décompensation liée au stress du traumatisme et de l'hospitalisation ", ne présente qu'un lien indirect avec l'accident ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le principe et les textes ci-dessus rappelés ;
Que dès lors la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE mais en ses seules dispositions civiles l'arrêt de la cour d'appel de Chambéry, en date du 13 janvier 1994, et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi dans les limites de la cassation prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble.