Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 9 octobre 1995, 94-81.715, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 94-81.715
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- Président : M. Milleville, conseiller le plus ancien faisant fonction.
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
REJET du pourvoi formé par :
- X... Daniel,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 30 novembre 1993, qui, pour infraction au Code du travail, l'a condamné à 10 000 francs d'amende ainsi qu'à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles L. 124-2-1 et L. 152-2 du Code du travail :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré que Daniel X... avait fourni des indications volontairement inexactes dans le contrat de M. Z... ;
" aux motifs que " l'intention de porter volontairement des mentions inexactes sur le contrat de mise à disposition d'un travailleur temporaire résulte de l'avantage économique réalisé par le recrutement d'un tel travailleur sur un emploi de catégorie supérieure à la sienne et immédiatement concrétisé par un glissement interne d'emploi ", " dès l'origine ce contrat comportait donc des indications volontairement inexactes reprises dans les avenants, notamment l'avenant n° 3 de juin 1990 où manifestement M. Z... ne remplaçait plus M. Y..., mais M. A..., promu, ce qu'a d'ailleurs reconnu l'employeur dans un courrier adressé à l'inspection du travail le 24 juillet 1990 " ;
" alors qu'en exigeant que les mentions du contrat de mise à disposition d'un travailleur intérimaire comportent non pas le nom du salarié absent dont le remplacement justifie l'appel à un travailleur extérieur à l'entreprise, mais le nom du salarié de l'entreprise qui, par glissement, sera appelé à se substituer au salarié absent, et dont les fonctions seront assurées par le salarié intérimaire, la cour d'appel ajoute aux articles L. 124-2-1 et L. 152-2 du Code du travail une condition qui n'y figure nullement et viole les textes susvisés ;
" alors, d'autre part, qu'en l'absence à l'époque des faits considérés (1988) de toute indication légale ou réglementaire sur la conduite à tenir par l'employeur en cas de remplacement en cascade pour la rédaction du contrat de mise à disposition, la cour d'appel ne pouvait sans priver sa décision de toute base légale au regard des textes susvisés, affirmer que la mention du contrat " remplacement de M. Y... " aurait été volontairement inexacte, tout en constatant que M. Y... était bien absent de l'entreprise pour raison de maladie, qu'en statuant ainsi, la cour d'appel qui n'a pas valablement caractérisé l'élément intentionnel du délit, a privé sa décision de base légale au regard des articles précités " ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles L. 124-2-1 et L. 152-2 du Code du travail et de l'article 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré que Daniel X... avait fourni des indications volontairement inexactes dans le contrat de M. Z... ;
" aux motifs figurant dans le jugement qu'" en fait, Michel Y... est remplacé par glissement interne par Eric A..., pupitreur de la société anonyme Blanche Porte qui a suivi une formation de préparateur de travaux ;
" " Jules Z... occupe en fait le poste d'Eric A... lequel occupe celui de Michel Y... ;
" " en juin 1990, Eric A..., est titularisé dans le poste de Michel Y... comme préparateur de travaux ;
" " la mission de Jules Z... est prorogée jusqu'au 27 septembre 1990 par avenant n° 3 du 2 juillet 1990, en indiquant toujours comme motif l'absence de M. Y... et de fait Jules Z... est affecté sur le poste d'Eric A... qui est devenu vacant ;
" " la société anonyme Blanche Porte aurait dû procéder au remplacement d'Eric A... à compter du 1er juillet 1990. Pourtant elle a continué à indiquer que Jules Z... remplaçait pour congé de maladie Michel Y... et la qualification demandée était celle de pupitreur, fonction correspondant à la précédente qualification d'Eric A... ;
" " c'était donc bien Eric A... que la société anonyme Blanche Porte devait remplacer et non pas Michel Y... ;
" " l'indication portée sur l'avenant n. 3 est erronée puisqu'il n'y avait plus lieu de remplacer Michel Y... Cette indication marque ainsi l'intention de l'employeur de ne pas procéder à un recrutement d'employé pour occuper l'emploi laissé libre par Eric A..., promu au lieu et place de Michel Y... ;
" " la rédaction de l'avenant n° 3 de prolongation du contrat initial de mise à disposition de Jules Z... par la société Ecco constitue bien un acte volontaire ayant pour effet de dissimuler la véritable situation sans quoi le recours à un travailleur intérimaire n'aurait plus été justifié " ;
" alors, d'une part, que la titularisation du salarié A... en juin 1990 n'avait ni pour effet, ni pour objet de mettre fin au contrat de travail du salarié prévu titulaire du poste qui se trouvait toujours en congé maladie, ce qui suffisait à motiver le maintien de la mission spécifique d'un salarié intérimaire, de sorte qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel a violé les articles L. 124-2-1 et L. 152-2 du Code du travail ;
" alors, d'autre part, que faute de s'être expliquée sur le moyen péremptoire des conclusions d'appel du demandeur qui faisait valoir que postérieurement à la titularisation de A... et jusqu'au départ du salarié intérimaire, l'entreprise avait continué à verser à A... une prime de remplacement et avait maintenu le salarié remplacé, dans ses effectifs, ce qui établissait la réalité du remplacement énoncé dans les contrats de mise à disposition litigieux, la cour d'appel a violé l'article 593 du Code de procédure pénale " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du procès-verbal de l'inspecteur du Travail, base de la poursuite, qu'en raison de l'absence pour cause de maladie d'un salarié qui occupait un poste de préparateur de travaux en informatique, la société la Blanche Porte-Civad et Cie a eu recours à un travailleur intérimaire ayant la qualification inférieure de pupitreur ; que, par un glissement interne d'emploi, celui-ci a été affecté à un poste correspondant à sa qualification, dont le titulaire a occupé les fonctions du salarié absent ;
Attendu que, pour déclarer Daniel X..., directeur du personnel de la société précitée, coupable d'avoir, en qualité d'utilisateur d'un salarié temporaire, fourni dans le contrat de celui-ci des indications volontairement inexactes, la cour d'appel, après avoir décrit les modalités du remplacement effectué, relève notamment que, pour éviter toutes difficultés, et en violation des prescriptions légales, il n'a pas été fait mention dans le contrat de mise à disposition de la qualification professionnelle du salarié absent, dont le nom était seul précisé ; qu'elle ajoute que l'intention frauduleuse se déduit de la volonté de réaliser un profit par le recrutement d'un travailleur temporaire sur un emploi de catégorie supérieure à la sienne, aussitôt concrétisé par un glissement interne d'emploi ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, et abstraction faite des motifs surabondants critiqués par le second moyen, la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, et par une appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause, caractérisé en tous ses éléments constitutifs le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable ;
Que, selon l'article L. 124-3, 1. du Code du travail, s'il est fait appel à un travailleur temporaire pour remplacer un salarié absent de l'entreprise, le contrat de mise à disposition doit comporter le nom et la qualification du salarié remplacé ; que, lorsqu'un intérimaire remplace, par glissement interne d'emploi, un salarié autre que celui effectivement absent, le contrat précité doit préciser les modalités de ce remplacement et mentionner le nom et la qualification du salarié absent ; que l'intention délictueuse se déduit de l'omission volontaire, dans le contrat, de l'ensemble de ces indications ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.