Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 28 octobre 1991, 90-84.643, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

REJET du pourvoi formé par :

- X... Jean-Claude,

contre l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, en date du 30 mai 1990, qui, pour fraude fiscale, l'a condamné à 3 mois d'emprisonnement avec sursis, 50 000 francs d'amende, outre la publication et l'affichage de la décision, et a prononcé sur les demandes de l'Administration, partie civile.

LA COUR,

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 44 bis, 1741 et 1745 du Code général des impôts, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable du délit de fraude fiscale, le condamnant à la peine de 3 mois d'emprisonnement avec sursis et de 50 000 francs d'amende et a dit qu'il sera solidairement tenu au paiement des impôts fraudés, des majorations et amendes fiscales avec la société Les Vérandas françaises, redevable légal :

" aux motifs propres et adoptés que les entreprises créées pour la reprise d'activités préexistantes sont exclues du bénéfice de l'abattement prévu à l'article 44 bis du Code général des impôts ; qu'il est établi que la société Les vérandas françaises a repris, fût-ce progressivement, l'activité de fabrication, vente et pose de vérandas en aluminium qu'exerçait déjà la société Miroiterie moderne ; que les constatations de l'agent vérificateur démontrent qu'entre avril et novembre 1982, quarante-quatre vérandas avaient été vendues par la société Miroiterie moderne et qu'à partir de décembre 1982, cette société se livrait exclusivement à la réalisation de vérandas en aluminium ; qu'en outre, la mise en oeuvre par Les Vérandas françaises d'un procédé de conception et de fabrication de vérandas en aluminium n'impliquait pas que les activités des deux sociétés eussent été différentes, ni que la première société n'eût pas, à son tour, utilisé ce procédé nouveau ;

" alors, d'une part, que la cour d'appel, en se bornant à constater que la société Les Vérandas françaises aurait progressivement repris l'une des activités déjà exercées par la société Miroiterie moderne et qu'elle était inapte à bénéficier de l'abattement, dont elle s'était prévalue sur ses déclarations en vertu de l'article 44 bis du Code général des impôts, n'a caractérisé à la charge de X... la réalisation d'aucune manoeuvre ayant pour effet d'entraîner une soustraction frauduleuse au paiement de l'impôt ; que dès lors, l'arrêt attaqué, qui n'est pas légalement justifié, a entaché sa décision d'un manque de base légale ;

" alors, d'autre part, que les juges du second degré n'ont pu retenir la reprise effective par la société Miroiterie moderne d'une activité préexistante sans répondre complètement au moyen de X... objectant que les produits mis en oeuvre par Les vérandas françaises étaient distincts de ceux vendus par La Miroiterie moderne ; qu'en observant seulement que la mise en oeuvre d'un procédé de fabrication de vérandas nouveau n'impliquait pas une différenciation des activités de deux sociétés, et que ce procédé avait pu être utilisé par la première société, l'arrêt attaqué, qui a statué sur la preuve à administrer d'une identité des activités par des motifs à la fois hypothétiques et insuffisants, n'est pas motivé " ;

Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 44 bis, 1741 et 1745 du Code général des impôts, L. 227 du Livre des procédures fiscales, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable du délit de fraude fiscale, le condamnant à la peine de 3 mois d'emprisonnement avec sursis et de 50 000 francs d'amende et a dit qu'il sera solidairement tenu au paiement des impôts fraudés, des majorations et amendes fiscales avec la société Les Vérandas françaises, redevable légal :

" aux motifs propres et adoptés qu'en sa qualité de chef d'entreprise, il ne pouvait ignorer la fraude, ayant par ailleurs admis l'absence de rôle de sa belle-mère ; qu'il n'était pas sans savoir, étant également le dirigeant de fait et de droit de la société Miroiterie moderne que l'activité de fabrication et de vente de vérandas en aluminium exercée par celle-ci allait être reprise par la nouvelle société qu'il créait ; qu'il faut à cet égard noter qu'il avait, dans un premier temps, produit des factures émanant de la société Miroiterie moderne ne mentionnant que la fourniture de produits verriers ; qu'ultérieurement, il avait fourni pour les mêmes clients des factures portant la même date afférente cette fois à la fourniture et à la pose de vérandas en aluminium chez des particuliers ;

" alors, d'une part, que l'arrêt attaqué, qui se borne à se référer à la seule qualité de dirigeant de fait et de droit de X... au sein des deux sociétés et en déduit qu'il connaissait la reprise d'activité litigieuse sans préciser quelle participation personnelle il avait, de mauvaise foi, prise aux faits de fraude reprochés, est encore entaché d'un manque de base légale :

" alors, d'autre part, que la cour d'appel, en se fondant subsidiairement sur l'attitude du prévenu pendant la période de vérification, laquelle n'était pas contemporaine des faits reprochés, n'a pas caractérisé la participation personnelle de celui-ci à la fraude et n'a donc pas légalement justifié sa décision " ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement auquel il se réfère que X... a créé, fin 1982, une entreprise, constituée sous forme de SARL, qu'il a placée sous le régime fiscal prévu par l'article 44 bis du Code général des impôts permettant aux entreprises nouvellement créées à compter du 1er janvier 1982 de bénéficier d'une réduction d'impôt pendant leur cinq premiers exercices ; qu'il est apparu toutefois en 1987, à l'occasion de la vérification de comptabilité de cette société, que celle-ci ne répondait pas aux conditions exigées par la loi pour obtenir le bénéfice dudit régime dans la mesure où elle n'avait pas, à sa création, engagé une activité nouvelle, mais n'avait fait que reprendre l'activité d'une société créée en 1977 par le prévenu et mise en sommeil en 1985 ; que X... s'est vu de ce fait poursuivi pour avoir partiellement soustrait son entreprise à l'impôt sur les sociétés dont elle était redevable ;

Attendu que, pour retenir la culpabilité du prévenu de ce chef, la cour d'appel, après avoir constaté l'identité d'activité entre les deux entreprises, relève que X... savait pertinemment, lors de la création de l'entreprise prétendument nouvelle, que celle-ci ne faisait que reprendre l'activité de l'autre société qu'il gérait et qu'elle ne pouvait donc prétendre aux réductions d'impôts sur les sociétés pratiquées par la suite ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, dont se déduit le caractère volontaire des agissements constatés, la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments constitutifs, notamment intentionnel, le délit de fraude fiscale reproché par la prévention ; qu'en effet, le seul fait de se placer sous un régime fiscal indu, dans l'intention de se soustraire au moins partiellement à l'impôt, constitue le délit prévu par l'article 1741 du Code général des impôts ;

Que dès lors les moyens ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.

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