Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 21 janvier 1987, 86-93.465 86-93.466, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

CASSATION sur le pourvoi formé par :

- X... Antoine,

contre un arrêt de la cour d'assises de la Corse-du-Sud du 7 juin 1986, qui l'a condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour meurtres commis en concomitance avec un autre meurtre ; ensemble sur le pourvoi de X... contre l'arrêt incident de la même cour du 2 juin 1986.

LA COUR,

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 310 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

" en ce que, statuant sur des conclusions de la défense tendant à ce qu'il ne soit pas passé outre à l'absence de plusieurs témoins, la cour d'assises, par arrêt incident, a dit qu'il sera passé outre aux débats et qu'il sera donné lecture de la déposition écrite des témoins défaillants, en vertu du pouvoir discrétionnaire du président ;

" alors, d'une part, qu'en ordonnant, dans le dispositif de cet arrêt incident, au président de faire usage de son pouvoir discrétionnaire, la Cour a méconnu ses propres pouvoirs et empiété sur ceux du président qui lui sont personnels et sont exercés sans contrôle ni partage ;

" alors, d'autre part, qu'en se référant à des procès-verbaux figurant dans le dossier de l'instruction préparatoire et en déclarant que le comportement de certains des témoins tout au long de la procédure laissait apparaître une volonté manifeste de se soustraire aux convocations de la justice, la Cour a méconnu le principe essentiel de l'oralité des débats " ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que le débat devant la cour d'assises doit être oral ;

Attendu, par ailleurs, que le pouvoir discrétionnaire que l'article 310 du Code de procédure pénale confère au président de la cour d'assises et qui permet notamment à celui-ci de donner lecture des procès-verbaux d'audition à l'instruction de témoins absents de l'audience, est exercé hors de tout contrôle, et que le président ne peut recevoir, fût-ce de la Cour, injonction d'en user ;

Attendu, en l'espèce, que pour rejeter des conclusions de la défense lui demandant, après l'appel des témoins, de " dire et juger n'y avoir lieu de passer outre " malgré l'absence de huit d'entre eux qui n'avaient pas répondu à l'appel de leur nom, l'arrêt-incident critiqué énonce, en ses motifs, " qu'en tout état de cause la Cour dispose de leur audition circonstanciée dont il sera donné lecture " et, en son dispositif, " qu'il sera donné lecture de la déposition écrite des témoins défaillants, en vertu du pouvoir discrétionnaire du président " ;

Mais attendu, d'une part, qu'en se référant, pour motiver sa décision, avant même que ne soit commencée l'instruction à l'audience, à des pièces de la procédure écrite, la Cour a porté atteinte au principe de l'oralité des débats ;

Attendu, d'autre part, qu'en ordonnant, par le même arrêt, une mesure qui relevait exclusivement du pouvoir discrétionnaire de son président, ladite Cour a excédé ses pouvoirs ;

D'où il suit qu'à ce double titre la cassation est encourue ;

Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt précité de la cour d'assises de la Corse-du-Sud du 7 juin 1986, ensemble la déclaration de la Cour et du jury et les débats qui l'ont précédée ;

Et pour être statué à nouveau conformément à la loi :

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises de Paris.

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