Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 10 mai 1990, 89-81.772, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 89-81.772
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- Président :M. Tacchella, conseiller le plus ancien faisant fonction. -
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
REJET du pourvoi formé par :
- X... Jacques,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, chambre correctionnelle, en date du 16 février 1989, qui, d'une part, l'a condamné, pour faux en écriture privée et de commerce et tentative d'escroquerie, à 6 000 francs d'amende, et, d'autre part, en sa qualité de partie civile, l'a débouté de sa demande contre René Y... prévenu de faux en écriture privée et d'escroquerie, après relaxe de ce dernier, et l'a condamné, pour abus de constitution de partie civile, à lui payer la somme de 8 000 francs.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 2 et 405 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré X... coupable de tentative d'escroquerie à l'assurance ;
" aux motifs que la tentative d'escroquerie envers la SGCA se trouve matérialisée par l'envoi d'un télex, la demande de désignation d'un expert ; que X... est bien mal fondé à soutenir que tout professionnel sait que les heurts de tablier de pont sont exclus systématiquement des contrats de transport de déménagement ; que si telle avait été sa conviction, on ne comprend pas pourquoi il aurait dénoncé ce sinistre à son assureur dès sa survenance et pourquoi il aurait fait écrire au conseil de Y... 4 mois plus tard que l'assurance paierait ; qu'il y a eu donc tentative d'escroquerie à l'assurance qui n'a manqué son but que par une mauvaise lecture des clauses du contrat qui le liait à la SGCA ;
" alors que, d'une part, en matière de tentative d'escroquerie, le commencement d'exécution n'étant caractérisé qu'à partir du moment où, à la suite des manoeuvres frauduleuses, se trouve formulée une demande tendant à la remise de l'objet convoité, la Cour qui, en l'absence de tout élément établissant qu'une telle demande ait été formulée par X... auprès de son assureur, s'est fondée sur les seules constatations de l'envoi fait à cet assureur d'un télex l'informant du sinistre ainsi que d'une demande de désignation d'un expert, n'a pas dès lors également justifié sa décision retenant à l'encontre de X... une tentative d'escroquerie, ces faits ne constituant à eux seuls tout au plus que de simples actes préparatoires et non un commencement d'exécution au sens de l'article 2 du Code pénal ;
" et alors que, d'autre part, en tout état de cause, la Cour ne pouvait retenir l'existence d'une tentative d'escroquerie sans répondre à l'argument péremptoire des conclusions de X... se référant au témoignage de l'assureur lequel indiquait avoir été immédiatement avisé des circonstances de l'accident et avoir, d'emblée, indiqué à la société Tison, qu'eu égard à ces circonstances, la garantie était exclue, élément qui joint à la lettre de voiture figurant au dossier et dont il ressort que les circonstances précises de l'accident sont énoncées, excluait par conséquent l'existence même de manoeuvres destinées à abuser l'assureur pour l'amener à couvrir indûment un risque non garanti " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à la suite d'un accident survenu au cours du déménagement du mobilier des époux Y..., par l'entreprise Rekko sous-traitant de la société anonyme Tison dont X... était le président, ce dernier, après avoir fait signer par les bénéficiaires du transport une lettre de voiture qu'il avait établie en l'antidatant de la veille du déplacement, a effectué une déclaration du sinistre à la compagnie d'assurances en sollicitant la désignation d'un expert pour évaluer les dégâts causés au mobilier transporté ; qu'il a été renvoyé devant le tribunal correctionnel sous la double prévention de faux en écriture privée et de commerce et tentative d'escroquerie à l'assurance ;
Attendu qu'en l'état des énonciations de l'arrêt attaqué, reprises au moyen lui-même et d'où les juges ont déduit que les démarches effectuées par X... auprès de la compagnie d'assurances constituaient une demande de remboursement, la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer que la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre mieux qu'elle l'a fait aux conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous ses éléments la tentative d'escroquerie, seule remise en cause par le demandeur, qu'elle a retenue à la charge du prévenu ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 150 du Code pénal, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé Y... des fins de la poursuite pour faux en écritures privées, et débouté X... de son action civile de ce chef ;
" aux motifs que les témoignages B... et C... établissent parfaitement l'état de choc des époux Y... au lendemain de l'accident ; qu'ils ont pu parfaitement en cet état ne voir nulle malice à régulariser après coup une situation de droit qu'ils ont cru conforme à la situation de fait dont ils pâtissaient ; que la lettre de voiture que Y... signa a fort bien pu lui apparaître comme une simple étape vers la réparation de ses dommages par l'auteur de celui-ci sans rechercher plus avant ; que la lettre de voiture ne pouvait d'ailleurs porter préjudice qu'à Y... puisque la règle proportionnelle lui était alors opposable en vertu de l'article 17 du contrat ;
" alors que, d'une part, la cour d'appel qui a ainsi exclu l'intention frauduleuse de Y..., sans répondre à l'argument péremptoire des conclusions de X... faisant valoir que le déménagement avait été conclu à titre de service entre Y... et son cousin A... ce qui par conséquent excluait que le premier en signant après le sinistre une lettre de voiture antidatée avec la société Tison tendant à accréditer l'existence d'un contrat passé avec cette société, ait pu croire régularisée après coup une situation de droit conforme à une situation de fait, et qui par ailleurs relève de manière tout aussi contradictoire qu'hypothétique le souhait de Y... d'obtenir réparation de son dommage, n'a pas, en l'état de ces motifs entachés d'insuffisance, légalement justifié sa décision ;
" et alors que, d'autre part, la Cour ne pouvait, sans entacher sa décision d'un manque de base légale flagrant, affirmer que cette lettre de voiture qui établit tant l'existence d'un contrat que la régularité du transport au regard de la réglementation, ne pouvait, en cas de falsification, n'être source d'aucun préjudice dès lors qu'elle était susceptible d'être opposée tant à la société Tison, comme ce fut le cas en l'espèce dans le cadre de l'instance civile qu'aux autorités publiques comme l'a du reste reconnu X... qui a déclaré l'avoir signée pour mettre à l'abri le transporteur A... de toute poursuite pénale " ;
Et sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 472, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a fait droit à la demande de dommages-intérêts de Y... pour abus de constitution de partie civile et a condamné X... en application de l'article 472 à verser à Y... la somme de 8 000 francs ;
" alors qu'une partie civile qui a mis elle-même en mouvement l'action publique ne peut être condamnée à des dommages-intérêts envers le prévenu relaxé qu'autant qu'il a été constaté par les juges qu'elle a agi de mauvaise foi ou témérairement, ce qui n'est nullement le cas en l'espèce où la Cour a fait droit à la demande de Y... sans justifier sa décision par le moindre motif " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que sur constitution de partie civile de Jacques X... des chefs d'escroquerie au jugement et usage de faux en écriture privée et de commerce, visant nommément les époux Y..., une information a été requise provisoirement contre toute personne que l'instruction ferait connaître ; qu'au cours de cette procédure, les époux Y... n'ont pas été inculpés ; qu'au contraire, l'information a conduit à l'inculpation de X... lui-même, d'abord du chef de faux en écriture de commerce puis, supplétivement, de tentative d'escroquerie à l'assurance ; que l'instruction a été close par ordonnance du 27 juillet 1987 portant non-lieu à suivre contre quiconque à l'égard des faits d'escroquerie dénoncés par la partie civile X... et renvoyant ce dernier devant la juridiction correctionnelle sous la prévention de faux en écriture et tentative d'escroquerie ;
Attendu que par exploit en date du 1er février 1988 X..., qui n'avait pas interjeté appel de l'ordonnance de non-lieu faisant grief à ses intérêts de partie civile, a fait citer René Y... et Mireille Z..., son épouse, devant le tribunal correctionnel pour les mêmes faits et sous la même prévention visés à la plainte avec constitution de partie civile dont il avait saisi le juge d'instruction ;
Attendu que, sur appel des deux prévenus et du ministère public, la cour d'appel, prononçant sur l'ensemble des poursuites a confirmé partiellement le jugement entrepris en ce qu'il avait déclaré X... coupable de faux en écriture privée et de commerce et l'a réformé pour le surplus, d'une part, en retenant également à la charge de X... la tentative d'escroquerie visée à l'ordonnance de renvoi, et, d'autre part, en relaxant Y... des fins de la poursuite sur citation directe de X... ; qu'enfin elle a condamné celui-ci, débouté de son action contre Y..., à payer à ce dernier la somme de 8 000 francs à titre de dommages-intérêts pour abus de constitution de partie civile ;
Attendu qu'en cet état, X... était irrecevable à citer directement Y... et son épouse Mireille Z... devant le tribunal correctionnel, pour les faits mêmes objet de l'information ouverte sur sa plainte avec constitution de partie civile qui les visait nommément ;
Qu'en effet, la partie civile qui a saisi le juge d'instruction ne peut, après clôture de l'information par ordonnance de non-lieu, user de la citation directe contre les personnes non inculpées mais visées nommément dans la plainte ;
Que, dès lors, le demandeur est sans intérêt à critiquer les dispositions de l'arrêt attaqué qui l'ont débouté de son action téméraire et, par application de l'article 472 du Code de procédure pénale, l'ont condamné à des dommages-intérêts pour abus de constitution de partie civile ;
D'où il suit que les moyens sont irrecevables ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.