Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 19 novembre 1984, 83-93.366, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

STATUANT SUR LE POURVOI DE :

- H...,

CONTRE UN ARRET DE LA COUR D'APPEL DE DOUAI, CHAMBRE CORRECTIONNELLE, EN DATE DU 30 JUIN 1983, QUI, POUR FRAUDE FISCALE, L'A CONDAMNE A DEUX ANNEES D'EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS ET A 50 000 FRANCS D'AMENDE AINSI QU'A DES MESURES DE PUBLICATION ET D'AFFICHAGE ET A RECU L'ADMINISTRATION DES IMPOTS DANS SON INTERVENTION ;

VU LES MEMOIRES PRODUITS EN DEMANDE ET DEFENSE ;

SUR LE PREMIER MOYEN DE CASSATION, PRIS DE LA VIOLATION DE L'ARTICLE 1741 DU CODE GENERAL DES IMPOTS ET DE L'ARTICLE 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DEFAUT ET CONTRADICTION DE MOTIFS, MANQUE DE BASE LEGALE ;

"EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A CONFIRME LE JUGEMENT DECLARANT H... COUPABLE DE FRAUDE FISCALE ET L'A CONDAMNE EN CONSEQUENCE A DEUX ANS D'EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS ET A 50 000 FRANCS D'AMENDE ;

"AUX MOTIFS QU'ETANT EXPLOITANT AGRICOLE, IL S'ETAIT FRAUDULEUSEMENT SOUSTRAIT A L'ETABLISSEMENT ET AU PAIEMENT DE L'IMPOT SUR LE REVENU AU TITRE DES ANNEES 1975, 1976 ET 1977 EN SOUSCRIVANT DES DECLARATIONS MENSONGERES QUI LE MAINTENAIENT SOUS L'EMPIRE D'UN REGIME D'IMPOSITION QU'IL SAVAIT NE LUI ETRE PAS APPLICABLE, ALORS QUE, D'UNE PART, IL NE RESSORT D'AUCUN DES MOTIFS DE L'ARRET QU'IL Y AIT EU DE LA PART DE H... AUCUNE DECLARATION MENSONGERE EFFECTUEE AVEC L'INTENTION D'INDUIRE L'ADMINISTRATION DES IMPOTS EN ERREUR, ET ALORS QUE, D'AUTRE PART, L'ARRET DECLARE QUE LA SOCIETE T... DEVAIT ETRE CIVILEMENT RESPONSABLE DE SON PREPOSE H..., CE QUI EST CONTRADICTOIRE AVEC LA QUALITE D'EXPLOITANT AGRICOLE AU TITRE DE LAQUELLE IL ETAIT POURSUIVI ;

" SUR LA PREMIERE BRANCHE DU MOYEN :

ATTENDU QU'IL RESULTE DE L'EXPOSE DES FAITS DES PREMIERS JUGES AUQUEL LA COUR D'APPEL SE REFERE QUE LE PREVENU S'EST, DE 1976 A 1978, SOUSTRAIT VOLONTAIREMENT A LA LEGISLATION QUI LUI ETAIT APPLICABLE POUR LE CALCUL DE SES IMPOTS DUS AU TITRE DES EXERCICES 1975, 1976 ET 1977 EN CE QU'ILS CONCERNAIENT SON EXPLOITATION AGRICOLE ;

QUE POUR CELA IL A SOUSCRIT DES DECLARATIONS INEXACTES QUI LE MAINTENAIENT A TORT SOUS LE REGIME DU FORFAIT QU'IL SAVAIT NE LUI ETRE PAS APPLICABLE ;

QUE PLUS PRECISEMENT, LA COUR D'APPEL ENONCE QUE LA FRAUDE A CONSISTE EN DE FAUSSES DECLARATIONS PRESENTEES PAR LE PREVENU, LEQUEL S'ETAIT VOLONTAIREMENT ASSUJETTI AU REGIME DU FORFAIT ET A DECLARE A L'ADMINISTRATION DES ELEMENTS CHIFFRES PERMETTANT DE RETENIR UNE EVALUATION FORFAITAIRE A L'HECTARE DE SON BENEFICE AGRICOLE DONT IL ENTENDAIT SE PREVALOIR ;

QUE POUR Y PARVENIR, H... NE PORTAIT PAS INTEGRALEMENT SUR LES DECLARATIONS ANNUELLES DU CHIFFRE D'AFFAIRES LE MONTANT DE SES RECETTES DE L'ANNEE PRECEDENTE MAIS Y SUBSTITUAIT LE TOTAL DES FACTURATIONS OPEREES PAR SES SOINS AU COURS DE LA MEME PERIODE, CE QUI LUI PERMETTAIT DE MODULER SON CHIFFRE D'AFFAIRES ANNUEL DE MANIERE A LE RENDRE, EN APPARENCE, SUFFISAMMENT FAIBLE POUR NE PAS FRANCHIR DEUX ANNEES CONSECUTIVES LE SEUIL DES 500 000 FRANCS DU CHIFFRE D'AFFAIRES QUI L'AUTORISAIT A BENEFICIER DU REGIME FORFAITAIRE SOUS LEQUEL IL S'ETAIT VOLONTAIREMENT PLACE ;

QU'IL A SPECIALEMENT DECLARE LES RECETTES REALISEES DURANT LA PERIODE ALLANT DU 31 DECEMBRE 1976 AU 4 NOVEMBRE 1977 COMME UN COMPLEMENT DE REVENU A RATTACHER A L'ANNEE CIVILE 1976 AU TERME DE LAQUELLE IL AVAIT, SELON LUI, ABANDONNE SON ACTIVITE D'AGRICULTEUR PAR CESSION DE SON EXPLOITATION A UNE SOCIETE ANONYME DITE T... ;

QUE LES JUGES EN DEDUISENT QUE LE PROCEDE EMPLOYE PAR LE PREVENU AVAIT POUR OBJET, PAR LE DECALAGE DE SES ENCAISSEMENTS, DE MAINTENIR ARTIFICIELLEMENT LES RECETTES DE SON EXPLOITATION AGRICOLE EN DECA DES LIMITES DE 500 000 FRANCS DE CHIFFRE D'AFFAIRES LUI PERMETTANT DE BENEFICIER DU REGIME FISCAL, A SES YEUX PLUS AVANTAGEUX, DU FORFAIT AUQUEL, SI ELLES AVAIENT ETE SINCERES, SES DECLARATIONS DE CHIFFRE D'AFFAIRES NE LUI AURAIENT PAS PERMIS DE PRETENDRE ;

SUR LA SECONDE BRANCHE DU MOYEN : ATTENDU QUE S'IL EST VRAI QUE C'EST A TORT QUE L'ARRET A DECLARE TANT DANS SON INTITULE QUE DANS SON EXPOSE DES MOTIFS QU'IL Y AVAIT LIEU DE CONDAMNER PAR DEFAUT LA SOCIETE T... QUI N'ETAIT PAS DANS LA CAUSE, CIVILEMENT RESPONSABLE DE SON "PREPOSE" H..., LE DISPOSITIF DE L'ARRET QUI A SEULE VALEUR EXECUTOIRE, TOUT EN DECLARANT A TORT STATUER PAR DEFAUT A L'EGARD DU "CIVILEMENT RESPONSABLE", LA SOCIETE "T..." N'A PAS PRONONCE CONDAMNATION A L'EGARD DE CE TIERS, QUE DES LORS L'ERREUR RELEVEE PAR LE MOYEN SE TROUVE SANS CONSEQUENCE ;

QU'AU SURPLUS, LE MOYEN QUI FAIT GRIEF A L'ARRET DE LA PARTIE D'UNE DECISION QUI N'ETAIT PAS DE NATURE A PREJUDICIER AUX INTERETS DU DEMANDEUR EST A CET EGARD IRRECEVABLE ET QU'IL N'Y A DONC PAS LIEU DE LE REPRENDRE D'OFFICE ;

QU'AINSI LE PREMIER MOYEN DE H... DOIT ETRE REJETE ;

SUR LE SECOND MOYEN DE CASSATION, PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 69 A DU CODE GENERAL DES IMPOTS ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DEFAUT DE REPONSE A CONCLUSIONS, DEFAUT DE MOTIFS, MANQUE DE BASE LEGALE ;

"EN CE QUE L'ARRET CONFIRMATIF ATTAQUE A DECLARE LE PREVENU COUPABLE DE FRAUDE FISCALE ;

"AU MOTIF QUE SI L'ARTICLE 69 A-1 DU CODE GENERAL DES IMPOTS NE VISE QUE LES RECETTES DEPASSANT 500 000 FRANCS, L'ARTICLE 2 DU DECRET D'APPLICATION DU 7 DECEMBRE 1971, QUI DEFINIT CES RECETTES COMME LES SOMMES ENCAISSEES, N'A PAS AJOUTE A LA LOI MAIS SEULEMENT EXPLICITE L'EXPRESSION ET LEVE TOUTE AMBIGUITE, LA JURISPRUDENCE DU CONSEIL D'ETAT TENANT D'AILLEURS COMPTE, POUR DETERMINER LE MONTANT DES RECETTES, DE TOUTES LES SOMMES MISES A LA DISPOSITION DU CONTRIBUABLE, SOIT PAR VOIE DE PAIEMENT, SOIT PAR VOIE D'INSCRIPTION AU CREDIT D'UN COMPTE COURANT SUR LEQUEL L'INTERESSE A OPERE ;

"ALORS QUE, D'UNE PART, LA NOTION D'ENCAISSEMENT ETANT FONDAMENTALEMENT DIFFERENTE DE CELLE DE RECETTES SEULE PREVUE PAR UN TEXTE LEGISLATIF, SON INSTITUTION PAR UN TEXTE REGLEMENTAIRE EST ENTACHEE D'ILLEGALITE, SANS QUE L'INTERPRETATION DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE PUISSE LA VALIDER AU REGARD DE L'APPLICATION DE LA LOI PENALE ;

"ALORS QUE, D'AUTRE PART, LE PREVENU AVAIT, DANS SES CONCLUSIONS DEMEUREES SANS REPONSE, DEMONTRE QUE LE POUVOIR REGLEMENTAIRE N'AVAIT PAS ETE HABILITE PAR LE PARAGRAPHE 2 DE L'ARTICLE 69 A-2 DU CODE GENERAL DES IMPOTS A PRECISER LES MODALITES D'APPLICATION DU PARAGRAPHE 1 I DU MEME ARTICLE, ET QU'EN CONSEQUENCE LE DECRET DU 7 DECEMBRE 1971 ETAIT ENCORE ILLEGAL A CE TITRE ;

" ATTENDU QUE POUR DECLARER LE PREVENU COUPABLE DE FRAUDE FISCALE, L'ARRET ATTAQUE, PROCEDANT A L'ANALYSE DE L'ARTICLE 69 A-1 DU CODE GENERAL DES IMPOTS, SE REFERE AU DECRET N° 71-964 DU 7 DECEMBRE 1971, LEQUEL INTERPRETANT LEDIT ARTICLE ENONCE QUE LES RECETTES A RETENIR POUR L'APPRECIATION DE LA LIMITE DE 500 000 FRANCS PREVUE A L'ARTICLE 9-I DE LA LOI DU 21 DECEMBRE 1970 S'ENTENDENT DE TOUTES LES SOMMES ENCAISSEES AU COURS DE L'ANNEE CIVILE ;

QUE LA COUR D'APPEL ENONCE, REPONDANT EN CELA AUX CONCLUSIONS DU PREVENU SELON LESQUELLES CETTE DEFINITION AJOUTERAIT A LA LOI QUI NE VISERAIT QUE LES RECETTES, QUE LA DISPOSITION REGLEMENTAIRE MISE EN CAUSE A SEULEMENT EXPLICITE L'EXPRESSION EMPLOYEE PAR LA LOI ET LEVE TOUTE AMBIGUITE, LE MONTANT DES RECETTES A DECLARER PAR LE CONTRIBUABLE COMPRENANT LE TOTAL DE TOUTES LES SOMMES MISES A SA DISPOSITION SOIT PAR VOIE DE PAIEMENT, SOIT PAR VOIE D'INSCRIPTION AU CREDIT D'UN COMPTE COURANT SUR LEQUEL L'INTERESSE A OPERE ;

ATTENDU QUE PAR CES MOTIFS QUI REPONDENT AUX CHEFS PEREMPTOIRES DES PRETENTIONS DU PREVENU ET SANS QU'ILS AIENT A ABORDER AUTREMENT QU'ILS L'ONT FAIT L'INTERPRETATION D'UN DECRET NE PREVOYANT PAS DE PENALITES ET RELATIF A UNE QUESTION D'ASSIETTE ECHAPPANT A LA COMPETENCE DES JUGES JUDICIAIRES, CEUX-CI, QUI SE SONT DETERMINES AU VU DES ELEMENTS DE FAIT D'OU ILS ONT DEDUIT D'AUTRE PART LA MAUVAISE FOI DU PREVENU, N'ONT PAS ENCOURU LE GRIEF ALLEGUE AU MOYEN, LEQUEL DOIT DES LORS ETRE REJETE ;

ET ATTENDU QUE L'ARRET EST REGULIER EN LA FORME ;

REJETTE LE POURVOI.

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