Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 15 décembre 1987, 84-94.134, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 84-94.134
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet
- Président
- Président :M. Bonneau, conseiller le plus ancien faisant fonction
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
REJET du pourvoi formé par :
- la société Investissement Conseil,
contre un arrêt du 29 juin 1984 de la cour d'appel de Colmar, chambre correctionnelle, qui ayant condamné X... Denis pour avoir exigé des sommes d'argent représentatives de commissions et d'entremise sans détenir un mandat écrit préalablement délivré à cet effet par l'une des parties, infraction prévue et réprimée par la loi du 2 janvier 1970 et le décret du 20 juillet 1972, a déclaré ladite société civilement responsable.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Attendu que ce mémoire est irrecevable en ce qu'il est présenté au nom de X..., qui ne s'est pas pourvu ;
Sur le mémoire en ce qu'il est présenté au nom de la société " Investissement Conseil " ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 1er, 6, 18-2° de la loi du 2 janvier 1970, de l'article 72 du décret du 20 juillet 1972, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt confirmatif attaqué a déclaré Denis X..., président-directeur général d'une société dont l'objet social est notamment de réaliser des transactions immobilières, coupable du délit de perception de commissions sans mandat ;
" aux motifs que si la Cour de Cassation dans un arrêt du 24 juin 1976 avait retenu que le délit était constitué lorsque l'agent immobilier se trouvait hors d'état de produire le mandat écrit afférent à une opération déterminée, encore fallait-il pour qu'une telle inobservation soit caractérisée qu'il y ait eu effectivement de la part de l'intéressé une négociation ou un engagement relatif à l'opération considérée, que dans ce cas l'agent immobilier s'est borné " à proposer par voie d'annonces certains biens immobiliers ", sans qu'il ait été établi, relève la Cour de Cassation, " qu'il ait en l'espèce effectivement négocié avec quiconque ou se soit engagé à l'occasion de la mise en vente de biens dont il s'agit ", qu'en revanche, quant au cas présent, la société Investissement Conseil après avoir fait paraître une annonce dans les journaux indiquant qu'elle disposait de terrains à bâtir sis à Molsheim, avait reçu la visite de Y... et lui avait donné tous les renseignements utiles pour parvenir à l'acquisition de ces terrains, en lui précisant à la fois le prix à l'are, le nom du propriétaire et l'identité de la personne susceptible selon elle de traiter cette affaire, qu'il est donc établi que la société Investissement Conseil avait dépassé le stade de la simple publicité et pouvait être considérée comme ayant commencé la négociation proprement dite, du moins comme s'étant engagée vis-à-vis de l'acquéreur même si celui-ci a ensuite traité l'affaire sans son concours ;
" alors que, d'une part, si aux termes de l'article 72 du décret du 20 juillet 1972, l'agent immobilier ne peut négocier ou s'engager à l'occasion d'opérations spécifiées à l'article 1er de la loi du 2 janvier 1970 sans détenir un mandat écrit préalablement délivré à cet effet par l'une des parties, et si l'inobservation de cette disposition peut donner lieu à l'application des sanctions pénales prévues par l'article 18-2° de la loi du 2 janvier 1970 lorsque l'agent immobilier se trouve hors d'état de produire le mandat écrit afférent à une opération déterminée, encore faut-il pour qu'une telle inobservation soit caractérisée qu'il y ait eu effectivement de la part de l'intéressé une négociation ou un engagement relatifs à l'opération considérée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui se borne à relever que la société demanderesse, après avoir fait paraître une annonce dans les journaux indiquant qu'elle disposait de terrains à bâtir sis à Molsheim, avait reçu la visite de Y... et lui avait donné tous les renseignements utiles pour parvenir à l'acquisition de ces terrains en lui précisant à la fois le prix à l'are, le nom du propriétaire et l'identité de la personne susceptible de traiter cette affaire, n'a aucunement établi l'existence d'une négociation ou d'engagement relatifs à l'opération considérée ; d'où il suit qu'en prononçant une condamnation de ce chef la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" alors, d'autre part, et en tout état de cause que la cour d'appel n'a pu, sans contradiction, relever, d'un côté, que la société avait dépassé le stade de la simple publicité et avait commencé la négociation proprement dite et, d'un autre côté, que l'acquéreur avait traité l'affaire sans son concours " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué qu'ayant lu dans un journal une annonce par laquelle la société " Investissement Conseil ", dont X... était le président-directeur général, proposait des terrains à bâtir, et ayant pris contact avec cette firme, Y... a signé une " fiche de visite " où il reconnaissait avoir obtenu des renseignements sur ces terrains et s'engageait, au cas où il réaliserait l'une de ces affaires avec ou sans le concours de ladite société, à régler à celle-ci la commission d'usage ; qu'après s'être infructueusement adressé à une personne dont le nom était mentionné sur le document en cause cet acheteur a finalement traité directement avec la mairie de Molsheim et a acquis une parcelle située dans un lotissement communal ; que quelques mois après la transaction ainsi conclue la société " Investissement Conseil " a réclamé à Y... des honoraires et, ayant introduit, pour leur paiement, une procédure devant le tribunal d'instance, a été déboutée de sa demande ; que, tout en déclarant la société précitée civilement responsable, le tribunal correctionnel a condamné X... du chef du délit prévu et réprimé par les articles 1er, 6, 18-2° de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et 72 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972 ;
Attendu que pour confirmer le jugement la juridiction du second degré analyse les dispositions de l'article 1er de ladite loi, puis de l'article 72 susvisé, selon lequel nul ne peut " négocier ou s'engager, à l'occasion d'opérations spécifiées par cet article 1er, sans détenir un mandat écrit, préalablement délivré à cet effet par l'une des parties " ; qu'elle rélève ensuite, que pour que l'inobservation des prescriptions légales soit caractérisée, il doit y avoir eu effectivement, de la part de l'intéressé, " une négociation ou un engagement relatif à une opération déterminée " ;
Attendu qu'à cet égard la même juridiction souligne que la société " Investissement Conseil " ne s'était pas bornée à proposer par voie d'annonces un bien immobilier, mais avait reçu la visite d'un client auquel elle avait " donné tous les renseignements utiles pour parvenir à l'acquisition des terrains en précisant le prix à l'are, le nom du propriétaire et l'identité de la personne susceptible de traiter l'affaire " ; que de cette analyse les juges concluent qu'en l'espèce cette agence immobilière " avait dépassé le stade de la simple publicité et pouvait être considérée comme ayant commencé la négociation proprement dite, du moins comme s'étant engagée vis-à-vis de l'acquéreur, même si celui-ci a ensuite traité l'affaire sans son concours " ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance ou de contradiction, d'où il résulte que, sans être munie du mandat exigé par l'article 72 du décret du 20 juillet 1972 la société demanderesse avait entamé la négociation visée par le même article la cour d'appel a caractérisé en tous ses éléments l'infraction reprochée ; qu'elle a ainsi justifié sa décision sans encourir les griefs allégués au moyen qui ne peut, dès lors, être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.