Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 19 décembre 1996, 95-83.786, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :

- l'administration des Douanes,

contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 4e chambre, en date du 21 avril 1995, qui, dans la procédure suivie contre Didier X... et Christian Y... pour délit réputé importation sans déclaration de marchandises prohibées, l'a déboutée partiellement de ses demandes.

LA COUR,

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 2 ter du Code des douanes, 30, 36, 223, § 1 b, du Traité CEE, 1 du décret du 12 mars 1973, 10-1 de l'arrêté du 13 décembre 1978 modifié par l'arrêté du 18 février 1992, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé les prévenus du délit d'importation en contrebande de marchandises prohibées pour les armes saisies le 21 avril 1993 et qui ont été neutralisées en Grande-Bretagne et d'avoir ordonné en conséquence la restitution du pistolet "colt 1911" et des autres armes ;

" aux motifs que, lors du contrôle des Douanes, Didier X... a produit 9 certificats de neutralisation délivrés par le centre d'épreuve de Birmingham ; que le matériel saisi est composé d'armes à l'origine de la 1re catégorie avec pour certaines d'entre elles leurs chargeurs, de revolvers et d'un pistolet automatique de marque "Libia", classés à l'origine en 4e catégorie, de 10 baïonnettes, armes de la 6e catégorie et d'accessoires d'armes de la 1e catégorie ; que si le matériel saisi doit être considéré en majeure partie, à défaut de neutralisation en centre d'épreuve de Saint-Etienne comme du matériel de guerre, il ne relève pas des règles concernant la libre circulation des marchandises à l'intérieur de la CEE mais de l'article 223-1 du Traité CEE d'après lequel cette question relève de la compétence exclusive des Etats membres ; qu'il s'agit de savoir si la neutralisation des armes effectuée au centre d'épreuve de Birmingham et de Londres est valable en France et si elles sont donc passées de la 1re à la 8e catégorie ; que la Cour se rapporte à son argumentation de l'arrêt du 21 octobre 1994 d'après laquelle, conformément à la jurisprudence de la CJCE, les interdictions et restrictions aux importations en France, justifiées par des raisons d'ordre et de sécurité publics, ne s'appliquent pas quand les contrôles effectués à l'étranger présentent des garanties équivalentes ; que tel est le cas d'après l'expertise effectuée pour les armes neutralisées en Grande-Bretagne ;

" alors que, selon l'article 223, § 1 b, du Traité CEE, "tout Etat membre peut prendre les mesures qu'il estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité et qui se rapportent à la production ou au commerce d'armes, de munitions et de matériel de guerre ; ces mesures ne doivent pas altérer les conditions de la concurrence dans le marché commun en ce qui concerne les produits non destinés à des fins spécifiquement militaires" ; que les pouvoirs publics ont décidé par le décret du 12 mars 1973 de n'autoriser la neutralisation d'une arme qu'à l'unique condition que cette opération soit effectuée par un organisme habilité, le banc d'épreuve de Saint-Etienne, et selon des procédés agréés ; qu'en vertu de l'article 10-1 de l'arrêté du 13 décembre 1978 modifié par le décret du 18 février 1992, "les armes neutralisées à l'étranger seront considérées comme relevant de la 8e catégorie, alinéa b, si leur inaptitude au tir de toutes munitions est garantie par le poinçon d'un banc d'épreuve, conformément aux dispositions des engagements internationaux de reconnaissance conclus en la matière" ; qu'en l'espèce les armes appartiennent à la 1re catégorie des matériels de guerre définie par l'article 1.1 du décret-loi du 18 avril 1939 modifié ; que la neutralisation effectuée dans un autre Etat membre est inopérant dès lors que la France n'a passé aucun accord international, tel que celui visé par l'arrêté susvisé ; qu'en déclarant que les armes litigieuses avaient été neutralisées en Grande-Bretagne et avaient subi un contrôle présentant des garanties équivalentes à celles qui résulteraient d'un contrôle effectué en France, pour relaxer les prévenus, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, lors d'un contrôle par des agents des Douanes d'un véhicule occupé par Didier X... et Christian Y..., ont été découvertes diverses armes de guerre pour lesquelles ces derniers ont produit des certificats de neutralisation opérée par les bancs d'épreuve de Londres et de Birmingham ; que Didier X... et Christian Y... ont été cités par l'administration des Douanes devant le tribunal correctionnel pour délit réputé importation en contrebande de marchandises prohibées ;

Que l'Administration a soutenu que, selon l'article 223-1 b du Traité CEE, tout Etat membre peut prendre les mesures nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité se rapportant à la production ou au commerce d'armes, de munitions et de matériel de guerre ; que, si l'article 1er du décret du 12 mars 1973, alors applicable, classait dans la 8e catégorie les armes rendues inaptes au tir de toutes munitions, quels qu'en soient le modèle et l'année de fabrication, les articles 2 et 10-1 de l'arrêté du 13 décembre 1978, modifié par l'arrêté du 18 février 1992, n'admettent que la neutralisation des armes par le banc d'épreuve de Saint-Etienne, sauf dans le cas d'engagements internationaux reconnaissant le poinçon de bancs d'épreuve étrangers ; qu'à défaut de tels engagements, les armes litigieuses devaient être classées dans la première catégorie et, comme telles, soumises à justification d'origine par application de l'article 2 ter du Code des douanes ;

Attendu que, pour écarter les conclusions de l'administration des Douanes et relaxer les prévenus, la cour d'appel énonce que les autorités d'un Etat importateur ne sont pas en droit d'exiger sans l'exécution des mêmes contrôles ou opérations déjà effectués dans un autre Etat membre, lorsque leurs résultats sont à la disposition de ces autorités ou peuvent, sur leur demande, être mis à leur disposition ; qu'elle relève que, selon les conclusions de l'expertise par elle ordonnée, les bancs d'épreuve anglais présentaient des garanties équivalentes à celles offertes par le banc de Saint-Etienne et que, la neutralisation des armes ayant été parfaitement réalisée, celles-ci devaient être classées dans la 8e catégorie, et comme telles, n'étaient pas soumises à restriction ou contrôle d'acquisition ;

Attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître aucun des textes visés au moyen, lequel ne peut être admis ;

Mais sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 369-4, 414 du Code des douanes, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a omis de prononcer la confiscation des marchandises de fraude pour lesquelles elle a déclaré les prévenus coupables d'importation en contrebande ;

" alors que les tribunaux ne peuvent dispenser le redevable de la confiscation des marchandises dangereuses pour la santé, la moralité et la sécurité publique ; qu'en omettant de prononcer la confiscation des accessoires d'armes de 1re catégorie et des 10 baïonnettes, dangereuses pour la santé et la sécurité publiques, pour lesquelles elle a déclaré les prévenus coupables d'importation en contrebande de marchandises prohibées, la cour d'appel a violé l'article 369-4 du Code des douanes " ;

Vu lesdits articles ;

Attendu qu'aux termes de l'article 593 du Code de procédure pénale les arrêts ou jugements en dernier ressort sont déclarés nuls lorsqu'il a été omis de prononcer sur une ou plusieurs demandes des parties ;

Attendu qu'après avoir déclaré Didier X... et Christian Y... coupables d'importation en contrebande d'accessoires d'armes de la 1re catégorie et d'armes de la 6e catégorie, les juges ont condamné chacun des prévenus à une amende de 7 400 francs et, par application de l'article 369 du Code des douanes, les ont libérés de la confiscation du moyen de transport ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, sans statuer sur la demande de confiscation desdites armes et accessoires, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Que, dès lors, la cassation est encourue ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Douai, en date du 21 avril 1995, mais en ses seules dispositions ayant omis de prononcer sur la demande de confiscation de l'administration des Douanes ; et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi, dans la limite de la cassation ainsi prononcée :

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Amiens.

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