Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 4 juin 1970, 69-93.414, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

REJET DE LA REQUETE DE M LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION, D'ORDRE DU GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE, EN DATE DU 19 DECEMBRE 1969, TENDANT A REVISER L'ARRET DE LA COUR D'APPEL DE GRENOBLE DU 13 JANVIER 1961, QUI A CONDAMNE LE SIEUR X... (VICTOR) A QUATRE MOIS D'EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS, A 2500 FRANCS D'AMENDE ET A L'INSERTION DE LA CONDAMNATION DANS DEUX JOURNAUX POUR SOUSTRACTION FRAUDULEUSE AU PAIEMENT DE L'IMPOT ;

* LA COUR, VU LA DEPECHE DE M LE GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE EN DATE DU 17 DECEMBRE 1969 : VU LES ARTICLES 622 ET 623 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ;

SUR LA RECEVABILITE DE LA DEMANDE : ATTENDU QUE LA DEMANDE FORMEE DANS LE CAS PREVU PAR L'ARTICLE 622 PARAGRAPHE 4 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, EST PRESENTEE PAR LE PROCUREUR GENERAL, D'ORDRE DU GARDE DES SCEAUX APRES AVIS DE LA COMMISSION INSTITUEE PAR L'ARTICLE 623 DU MEME CODE ;

QU'ELLE CONCERNE UN ARRET DEFINITIF ;

QU'ELLE EST DONC RECEVABLE, EN LA FORME ;

AU FOND : VU LES MEMOIRES EN INTERVENTION PRESENTES PAR ME GEORGE AVOCAT EN LA COUR AU NOM DE X... VICTOR ET PAR ME JOLLY AVOCAT A LA COUR AU NOM DU DIRECTEUR GENERAL DES IMPOTS ;

ATTENDU QUE X... VICTOR, A ETE CONDAMNE, PAR ARRET DE LA COUR D'APPEL DE GRENOBLE EN DATE DU 13 JANVIER 1961, A QUATRE MOIS D'EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS, DEUX MILLE CINQ CENTS FRANCS D'AMENDE, A L'INSERTION D'UN EXTRAIT DU DISPOSITIF DE L'ARRET DANS DIFFERENTS JOURNAUX, POUR S'ETRE COURANT 1951 ET 1952, FRAUDULEUSEMENT SOUSTRAIT AU PAIEMENT TOTAL OU PARTIEL DES IMPOTS DIRECTS ET INDIRECTS VISES DANS LE CODE GENERAL DES IMPOTS, SOIT EN OMETTANT DE FAIRE DES DECLARATIONS DANS LES DELAIS PRESCRITS, SOIT EN AYANT VOLONTAIREMENT DISSIMULE UNE PARTIE DES SOMMES SUJETTES A L'IMPOT ;

QUE LES FRAUDES FISCALES RETENUES PAR CETTE DECISION PORTAIENT, EN MATIERE DE CONTRIBUTIONS INDIRECTES, SUR LES TAXES A LA PRODUCTION ET SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES, ET, EN MATIERE DE CONTRIBUTIONS DIRECTES, SUR L'IMPOT SUR LES REVENUS DES PERSONNES PHYSIQUES, LA TAXE PROPORTIONNELLE ET LA SURTAXE PROGRESSIVE ;

QUE L'ARRET DE LA COUR DE GRENOBLE EST DEVENU DEFINITIF PAR SUITE DU REJET, PAR UN ARRET DE LA CHAMBRE CRIMINELLE DE LA COUR DE CASSATION DU 17 OCTOBRE 1964, DU POURVOI FORME PAR LE CONDAMNE ;

ATTENDU QUE, POUR RETENIR X... DANS LES LIENS DE LA PREVENTION, LA COUR, APRES AVOIR EXPOSE QUE LA SOCIETE EN NOM COLLECTIF, GEREE PAR Y... SOUS LA RAISON SOCIALE ETABLISSEMENTS Z... Y... ET L'ENSEIGNE COMMERCIALE ENTREPRISE ALPINE D'EXPLOITATION DE CARRIERES ET DE TRITURATION, AVAIT ETE DISSOUTE EN 1946 A LA SUITE DU DECES DE Z..., ENONCE QUE X..., EN APPARENCE DIRECTEUR TECHNIQUE ET COMMERCIAL DE LADITE SOCIETE, EN ETAIT DEVENU, EN REALITE, PAR SUITE DE CIRCONSTANCES DIVERSES QUE L'ARRET EXPOSE, L'UNIQUE ET LE SEUL MAITRE ;

QUE LA COUR PRECISE, A CET EGARD, QUE X... QUI AVAIT OBTENU UNE PROCURATION GENERALE POUR GERER ET ADMINISTRER L'ENTREPRISE, AVAIT DES POUVOIRS EXORBITANTS QUI LUI PERMETTAIENT DE CEDER ET DE VENDRE LES BIENS DE LA SOCIETE ET D'EN DISPOSER SANS QU'IL AIT EU A RENDRE COMPTE DE SA GESTION ;

QUE Y... AVAIT D'AILLEURS CEDE, EN 1945 SES PARTS SOCIALES A X... ET QU'IL NE S'ETAIT PLUS OCCUPE DE L'ENTREPRISE ;

QU'ENFIN EN 1952, X... AVAIT CREE UNE SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE DITE SOCIETE PROVENCALE DE TRAVAUX A LAQUELLE AVAIENT ETE TRANSFERES LE MATERIEL ET LES FONDS DE LA SOCIETE EN NOM COLLECTIF ;

ATTENDU QUE LES JUGES DU FOND ONT DEDUIT DE SES CONSTATATIONS DE FAIT QUE X... DEVAIT ETRE, AUX TERMES DE L'ARTICLE 632 DU CODE DE COMMERCE, CONSIDERE COMME UN COMMERCANT ET UN EXPLOITANT COMMERCIAL ET QU'IL ETAIT, A CE TITRE, ASSUJETTI : 1° A LA DECLARATION ET AU PAIEMENT DE LA TAXE SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES (ARTICLES 256 ET SUIVANTS DU CODE GENERAL DES IMPOTS) ;

2° A LA DECLARATION ET AU PAIEMENT DES BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX (ARTICLES 34, 53, 201 DU MEME CODE) ;

QUE, NEANMOINS, X... : 1° N'AVAIT SOUSCRIT, DEPUIS 1948, AUCUNE DECLARATION DU CHIFFRE D'AFFAIRES, ALORS QUE, POUR 1950 SEULEMENT, IL AVAIT ENCAISSE PLUS DE 38309000 ANCIENS FRANCS DE RECETTES PROVENANT DE VENTES DE LA SOCIETE, ET, POUR 1952, PLUS DE 19862000 ANCIENS FRANCS ;

2° AVAIT SOUSCRIT, POUR LES ANNEES 1951 ET 1952, DES DECLARATIONS DE REVENUS POUR LES PERSONNES PHYSIQUES, POUR LES SOMMES RESPECTIVES DE 963000 ANCIENS FRANCS ET 1217000 ANCIENS FRANCS, SOMMES QUI CORRESPONDAIENT EXCLUSIVEMENT AUX SALAIRES QUI LUI AVAIENT ETE PAYES PAR LA COMPAGNIE DES BAUXITES DE BRIGNOLES DONT IL ETAIT L'EMPLOYE, CES DEUX DECLARATIONS NE COMPORTANT AUCUNE MENTION DES BENEFICES COMMERCIAUX ET INDUSTRIELS ;

ATTENDU QUE LE MOYEN DE REVISION EST PRIS DE CE QUE LE CONSEIL D'ETAT, SAISI PAR LES RECOURS FORMES CONTRE UN JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE GRENOBLE DU 8 MARS 1961 ET CONTRE UN JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE NICE DU 24 NOVEMBRE 1965, A : 1° PAR UN ARRET DU 20 DECEMBRE 1963, ANNULE LE TITRE DE PERCEPTION EMIS A L'ENCONTRE DE X..., LE 11 OCTOBRE 1955 PAR LE RECEVEUR CENTRAL DES CONTRIBUTIONS INDIRECTES DE GAP AU TITRE DES TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES, AU MOTIF QUE LES POUVOIRS DELEGUES PAR Y... A X... POUVAIENT ETRE REVOQUES A TOUS MOMENTS ;

QU'ILS NE PERMETTAIENT PAS A L'INTERESSE DE DISPOSER DE L'ENTREPRISE ;

QU'IL N'EST PAS CONTESTE QUE LA COMPTABILITE ETAIT ETABLIE SUR LES DIRECTIVES DE Y..., AUQUEL LES LIVRES ETAIENT REMIS A LA FIN DE CHAQUE ANNEE A TITRE DE COMPTE RENDU DE L'ACTIVITE DU REQUERANT ;

QUE, PAR SUITE, ET QUELLES QUE SOIENT LES CONDAMNATIONS, D'AILLEURS NON DEFINITIVES, PRONONCEES CONTRE X... PAR LES TRIBUNAUX REPRESSIFS, A RAISON DES RESPONSABILITES QU'IL ASSUMAIT DANS L'ENTREPRISE LE REQUERANT ETAIT FONDE A SOUTENIR QUE C'ETAIT A TORT QU'IL AVAIT ETE REGARDE COMME REDEVABLE DES TAXES SUR LE CHIFFRE D'AFFAIRES DUES PAR CELLE-CI ;

* 2° PAR UN ARRET DU 10 JUILLET 1968, REJETE LE RECOURS FORME PAR LE MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES CONTRE LE JUGEMENT DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE NICE QUI AVAIT ACCORDE A X... LA DECHARGE DE L'IMPOT SUR LES REVENUS DES PERSONNES PHYSIQUES (TAXE PROPORTIONNELLE ET SURTAXE PROGRESSIVE) AUQUEL CELUI-CI AVAIT ETE ASSUJETTI AU TITRE DES ANNEES 1951 ET 1952, AU MOTIF QUE X... N'AVAIT JAMAIS ETE L'ASSOCIE DE Y... ;

ATTENDU QU'IL EST SOUTENU QU'IL RESULTERAIT DE CES DEUX DECISIONS QUE X... NE DEVAIT PAS LES DIVERSES IMPOSITIONS AU PAIEMENT DESQUELLES IL LUI AVAIT ETE REPROCHE DE S'ETRE FRAUDULEUSEMENT SOUSTRAIT, ET QUE, DES LORS, LES DEUX ARRETS DU CONSEIL D'ETAT POUVAIENT CONSTITUER, SOIT LE FAIT NOUVEAU, SOIT LES PIECES INCONNUES LORS DES DEBATS DEVANT LE JUGE DU FOND, QUI SERAIENT DE NATURE A ETABLIR L'INNOCENCE DU CONDAMNE ;

MAIS ATTENDU QUE L'INTERPRETATION NOUVELLE DONNEE PAR LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE A DES CIRCONSTANCES PUREMENT MATERIELLES NE CONSTITUE PAS UN FAIT RENTRANT DANS LES PREVISIONS DE L'ARTICLE 622 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ;

QUE LA COUR DE GRENOBLE A STATUE DANS LA PLENITUDE DE SA COMPETENCE PUISQUE, SAUF DEROGATION EXPRESSE DE LA LOI - CE QUI N'EST PAS LE CAS DE L'ESPECE - LA JURIDICTION REPRESSIVE DOIT RESOUDRE ELLE-MEME TOUTES LES QUESTIONS D'OU DEPEND L'APPLICATION DES PEINES ;

QUE L'APPRECIATION DIFFERENTE QUI A ETE FAITE DES CIRCONSTANCES DE LA CAUSE PAR LE CONSEIL D'ETAT NE SAURAIT DONNER OUVERTURE A REVISION ;

ATTENDU, D'AILLEURS, QUE LES POURSUITES PENALES INSTAUREES SUR LES BASES DE L'ARTICLE 1835 DU CODE GENERAL DES IMPOTS, ALORS EN VIGUEUR, ET LA PROCEDURE ADMINISTRATIVE TENDANT A LA FIXATION DE L'ASSIETTE ET DE L'ETENDUE DES IMPOSITIONS SONT, PAR LEUR NATURE ET LEUR OBJET, DIFFERENTES ET INDEPENDANTES L'UNE DE L'AUTRE ;

QUE LA MISSION DU JUGE QUI SE PRONONCE SUR UNE POURSUITE INTENTEE EN VERTU DE L'ARTICLE 1835 SE BORNE A RECHERCHER SI LE PREVENU A ECHAPPE OU A TENTE D'ECHAPPER A L'IMPOT PAR DES MANOEUVRES REPREHENSIBLES ET POUR DES SOMMES DEPASSANT LA TOLERANCE LEGALE ;

QUE L'INTERVENTION D'UNE DECISION DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE PAR LAQUELLE SONT DEFINITIVEMENT ANNULES LES TITRES DE PERCEPTION ETABLIS PAR L'ADMINISTRATION DES IMPOTS, NE SAURAIT FAIRE ECHEC A UNE CONDAMNATION DEFINITIVE PRONONCEE PAR LE JUGE REPRESSIF SUR LA BASE DE L'ARTICLE 1835 SUSVISE ;

QUE LA DECISION DE LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE NE PEUT, D'AILLEURS, AVOIR AU PENAL L'AUTORITE DE LA CHOSE JUGEE ET NE SAURAIT S'IMPOSER AUX JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES ;

QU'AINSI LA DEMANDE EN REVISION PRESENTEE N'EST PAS RECEVABLE AU FOND ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE LA DEMANDE TENDANT A LA REVISION DE L'ARRET RENDU PAR LA COUR D'APPEL DE GRENOBLE LE 13 JANVIER 1961.

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