Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 6 février 1969, 66-91.594, Publié au bulletin
Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 6 février 1969, 66-91.594, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 66-91.594
- Publié au bulletin
- Solution : REJET Irrecevabilité Cassation partielle
Audience publique du jeudi 06 février 1969
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
La Cour, Joignant les pourvois, en raison de la connexité ; Sur les pourvois de X... et Y... ; Attendu que X... et Y... ne fournissent aucun moyen à l'appui de leur pourvoi ; Sur le moyen de cassation, commun à Z..., A... et B..., pris de la violation et fausse application des articles 520 du Code de procédure pénale, du décret du 30 mars 1808 et de l'article 7 de la loi du 20 avril 1810 pour défaut de motifs et manque de base légale ;
"En ce que l'arrêt attaqué a confirmé un jugement rendu par la XI° Chambre du Tribunal de la Seine présidée par M. Bracquemond, alors que ce magistrat est président non de la XI° Chambre mais de la XVII° Chambre du même Tribunal, d'où il suit que le tribunal n'était pas composé et qu'il devait être fait appel pour le compléter, non au président d'une autre Chambre, mais à d'autres magistrats en suivant l'ordre fixé par la loi, la présidence étant alors assurée par le plus ancien des magistrats présents, et que la Cour d'appel avait l'obligation de constater la nullité du jugement et d'évoquer" ;
Attendu que la composition du Tribunal n'a fait l'objet d'aucune critique devant le Tribunal ni devant la Cour d'appel ; que, dès lors, le fait que M. Bracquemond ait, sans contestation exercé les fonctions de président, implique présomption légale qu'il avait qualité à cet effet ; D'où il suit que le moyen doit être rejeté ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par C..., dit D..., et pris de la violation de l'article 405 du Code pénal, 7 de la loi du 20 avril 1810, insuffisance de motifs, manque de base légale,
"En ce que la décision attaquée a retenu comme constitutif du délit d'escroquerie le fait par le sieur A... de s'être fait remettre par le Trésor public, sous le couvert de diverses sociétés qu'il contrôlait, certaines sommes auxquelles il n'avait aucun droit, et en faisant croire à des exportations qui n'auraient pas été effectuées ; "Alors que le délit d'escroquerie est un délit contre les particuliers, qu'il consiste à escroquer tout ou partie de la fortune d'autrui, et qu'il ne peut être constitué contre l'Etat que quand l'auteur des manoeuvres qualifiées escroqueries s'est fait remettre des deniers provenant de la gestion du domaine privé de l'Etat".
Attendu que l'article 405 du Code pénal prévoit et réprime les escroqueries commises au préjudice d'autrui ; que cette formule très générale s'applique aussi bien aux escroqueries commises au préjudice de l'Etat qu'à celles commises au préjudice des particuliers ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par A... joint au premier moyen de cassation proposé par B... : Le premier moyen proposé par A... pris de la violation et fausse application de l'article 405 du Code pénal, des articles 268, 1756 et 1835 du Code général des impôts, ensemble violation de l'article 7 de la loi du 20 avril 1810 pour défaut, contradiction et insuffisance de motifs, dénaturation des éléments de la cause et méconnaissance des éléments du litige, manque de base légale,
"En ce que l'arrêt attaqué condamne le demandeur notamment à deux années d'emprisonnement pour fraude fiscale et escroquerie sur le fondement des articles 1835 du Code général des impôts et 405 du Code pénal, en lui reprochant des manoeuvres ayant eu pour objet et pour effet soit d'augmenter abusivement le crédit de taxes à la valeur ajoutée dont disposaient certains commerçants, soit de permettre le remboursement de taxes en fait impayées, ceci au moyen de facturations surévaluées faisant état de taxes non versées au Trésor ; "Alors d'une part, qu'étant sanctionnée par les peines d'amende prévues par l'article 1756, alinéa 4, du Code général des impôts, ces faits ne pouvaient, par application du principe de l'autonomie du droit fiscal, tomber sous le coup des peines correctionnelles édictées par l'article 405 du Code pénal, dès lors que les manoeuvres constatées étaient étroitement liées à une fraude fiscale qu'elles avaient pour objet de réaliser ; "Et alors, d'autre part, que les faits retenus en l'espèce ne rentrent pas dans le champ d'application de l'article 1835 du Code général des impôts, qui ne réprime la fraude fiscale que depuis une date postérieure à celle à laquelle ils ont été commis ; que, de toute façon, les manoeuvres frauduleuses en cause sont visées exclusivement par l'article 1756 du Code général des impôts, dont l'alinéa 4 prévoit une amende du quadruple droit, sans qu'il y ait matière sur le plan fiscal à appliquer aucune autre sanction, fût-elle édictée par l'article 1835 qui ne pouvait être reconnu applicable en l'espèce" ;
Le moyen unique de cassation proposé pour B... pris de la violation de l'article 405 du Code pénal des articles 268, 1756 et 1835 du Code général des impôts, insuffisance et contradiction de motifs et manque de base légale, "En ce que l'arrêt attaqué a condamné à deux ans de prison pour complicité d'escroquerie et complicité de fraude fiscale un prévenu auquel il était reproché d'avoir aidé à la réalisation de manoeuvres ayant eu pour objet et pour effet soit d'augmenter abusivement le crédit de taxes à la valeur ajoutée dont disposaient certains commerçants en textile, soit de permettre le remboursement de taxes en fait impayées, ceci au moyen de facturations surévaluées faisant état de taxes non versées au Trésor ; "Alors, d'une part, que ces faits ne rentrent dans le champ d'application de l'article 1835 du Code général des Impôts réprimant la fraude fiscale que depuis une date postérieure à celle à laquelle ils ont été commis ; "Et alors, d'autre part, qu'étant sanctionnés par les peines d'amende prévues par l'article 1756, alinéa 4, du Code général des impôts, ils ne pouvaient, par application du principe de l'autonomie du droit fiscal, tomber sous le coup des peines correctionnelles édictées par l'article 405 du Code pénal, dès lors que les manoeuvres constatées étaient étroitement liées à une fraude fiscale qu'elles avaient pour objet de réaliser" ;
Attendu qu'aucune disposition de la loi n'interdit qu'un individu déclaré coupable de fraude fiscale soit également déclaré coupable d'escroquerie au préjudice de l'Etat lorsque, comme en l'espèce, les éléments caractéristiques de ces infractions sont distinctement relevés ; Que, d'autre part, aux termes de l'article 1835 du Code général des impôts, devenu l'article 1741, aussi bien dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits que dans sa rédaction actuelle, cet article s'applique sans préjudice des dispositions particulières relatées dans "ledit Code", et dès lors, sans préjudice des sanctions purement fiscales prévues par l'article 1756 dudit Code ; D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième et le troisième moyen de cassation réunis proposés par C... ; Le deuxième moyen pris de la violation des articles 405 du Code pénal, 1837 du Code général des impôts, 7 de la loi du 20 avril 1810, insuffisance de motifs, manque de base légale, "en ce que la décision attaquée a retenu le demandeur dans les liens de la prévention comme coupable de complicité de fraude fiscale, de complicité d'escroquerie, de complicité de tentative de fraude fiscale et de complicité de tentative d'escroquerie par le motif qu'il serait intervenu en qualité de relais dans les circuits de factures relatifs aux verres optiques, aux boutons et aux pierres artificielles et que, moyennant une commission de 1 %, il aurait accepté la facturation par un "taxi" à son nom, de marchandises au prix fort, taxes comprises, pour délivrer ensuite à un autre complice du groupe une nouvelle facture sur papier à en-tête des établissements D..., toujours taxes comprises ; que son intervention était particulièrement utile pour rendre plus difficile la découverte de la fraude, tant en raison de son installation que du fait que les établissements D... souscrivaient au service des Contributions indirectes des déclarations apparemment exactes ; "alors que de pareils motifs sont insuffisants pour établir que le demandeur ait fourni à quiconque des moyens de commettre un délit en sachant qu'il devait y servir ; "alors, d'autre part, que les motifs concernant le demandeur sont insuffisants pour justifier la complicité et différents délits dont le demandeur a été déclaré convaincu" ;
Le troisième moyen pris de la violation des articles 405 du Code pénal, 1837 du Code général des impôts, 7 de la loi du 20 avril 1810, insuffisance de motifs manque de base légale, "en ce que la décision attaquée impute au demandeur le fait d'être intervenu en qualité de "relais" dans des circuits de factures relatifs aux verres d'optique, aux boutons et aux pierres artificielles, et de s'être ainsi rendu complice de divers délits ; "alors qu'il ne résulte d'aucune mention de l'arrêt qu'il ait existé un quelconque circuit relatif à des pierres artificielles" ;
Attendu que l'arrêt attaqué énonce que la fraude a consisté, de la part de négociants et dirigeants de sociétés, tel A..., ayant une activité réelle, tenant une comptabilité apparemment régulière et souscrivant des déclarations de chiffre d'affaires dont rien ne pouvait révéler au premier examen l'inexactitude, à se constituer des crédits irréguliers d'impôts en faisant intervenir, dans leurs transactions normales, des entreprises de pure façade, insolvables, ne tenant aucune comptabilité, ne souscrivant aucune déclaration de chiffre d'affaires, soit pour facturer, taxes comprises, des marchandises achetées à des tiers sans facture et sans taxe, soit pour produire, lors de la revente, de fausses attestations d'exportation et donner une apparence de régularité à une facturation sans taxe ; qu'ainsi ces négociants et dirigeants de sociétés ont non seulement soustrait leurs firmes à leurs obligations relatives au payement des taxes à la valeur ajoutée, mais encore se sont fait remettre par le Trésor public des sommes auxquelles leurs firmes n'avaient aucun droit ;
Que l'arrêt ajoute que pour rendre la découverte de leurs activités délictueuses encore plus difficile, les fraudeurs avaient imaginé de faire intervenir dans leurs opérations, des commissionnaires ou des commerçants en difficulté qui, moyennant rétribution, acceptaient de jouer le rôle de relais entre prête-nom pour permettre au commerçant fraudeur de présenter, le cas échéant, aux agents du fisc, une bonne facture substituée à celle d'un prête-nom dont les interventions trop nombreuses auraient pu attirer l'attention ; Attendu qu'examinant plus particulièrement le cas de C..., dit D..., l'arrêt précise que, propriétaire des établissements D... à Lyon, il est intervenu, en qualité de relais, dans les circuits de factures relatifs aux verres d'optique, aux boutons et aux pierres artificielles que moyennant une commission de 1 %, il acceptait la facturation par un "taxi" à son nom, de marchandises au prix fort, taxes comprises, pour délivrer ensuite à un autre complice du groupe une nouvelle facture sur papier à en-tête des établissement D..., toujours taxes comprises ; que l'intervention de C... était particulièrement utile pour rendre plus difficile la découverte de la fraude, tant en raison de son installation à Lyon que parce que les établissement D... souscrivaient au service des Contributions indirectes des déclarations apparemment exactes ;
Attendu, d'autre part, que le jugement confirmé avait expressément relevé l'existence d'un circuit de facture relatif à des pierres artificielles, circuit auquel participaient, outre C..., dit D..., les sociétés CEFCCVR et Faoutis ; Attendu que la Cour d'appel ayant, par des motifs suffisants, relevé l'ensemble des éléments constitutifs des délits de complicité de fraudes fiscales, de complicité d'escroqueries, de complicité de tentatives de fraude fiscale, de complicité de tentatives d'escroquerie retenus à l'encontre de C..., dit D..., a justifié sa décision ; Qu'il s'ensuit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le quatrième moyen de cassation présenté par C..., dit D..., pris de la violation de l'article 66 de la loi du 3 avril 1955, "en ce que la décision attaquée a déclaré recevable la constitution du ministre des Finances et a condamné le demandeur solidairement avec les autres prévenus au payement de la somme de 4044945,73 francs en réparation du préjudice résultant directement du seul délit d'escroquerie, au motif que les manoeuvres frauduleuses commises pour parvenir à l'escroquerie auraient été les mêmes que celles mises en oeuvre pour commettre des fraudes fiscales et que les remboursements ou transferts frauduleux étaient apparemment justifiés par des textes du Code général des impôts, de telle sorte qu'il existerait un lien de droit indiscutable entre le délit d'escroquerie commis et l'assiette des taxes sur le chiffre d'affaires, puisque les manoeuvres retenues n'ont pu être réalisées que par des détournements et fausse application des articles 267 à 272 du Code général des impôts ; "alors que toute action portée devant les tribunaux et tendant à faire déclarer l'Etat créancier ou débiteur pour des causes étrangères à l'impôt et au Domaine, doit, sauf exception prévue par la loi, être intentée à peine de nullité par ou contre l'agent judiciaire du Trésor, et que, dans l'espèce actuelle, la créance invoquée par l'Etat prenait sa source dans un délit et était totalement étrangère à une créance d'impôt, même si les auteurs de la fraude s'étaient servis de certains mécanismes fiscaux pour perpétrer leur escroquerie " ;
Attendu que les juges du fond ont légalement retenu, à l'encontre du demandeur, le délit de complicité d'escroqueries au préjudice de l'Etat ; que les faits ont consisté dans la création de créances fictives sous forme de crédits d'impôts ; que les manoeuvres frauduleuses n'ont pu être réalisées que par une utilisation dolosive des dispositions des articles 262 à 272 du Code général des impôts ; qu'ainsi la cause de la demande de dommages-intérêts présentée par le ministre des Finances, au nom de l'Etat, en réparation du préjudice souffert du fait des escroqueries et tentatives d'escroqueries réprimées, loin d'être étrangères à l'impôt, était, au contraire, en relations étroites avec l'impôt ; D'où il suit que le ministre des Finances était fondé à se constituer partie civile sans recourir à l'assistance de l'agent judiciaire du Trésor ; Que, dès lors, le moyen ne saurait être admis ;
Sur le second moyen de cassation présenté par Z... et pris de la violation et fausse application des articles 59, 60, 405 du Code pénal, 1835 du Code général des impôts, et 7 de la loi du 20 avril 1810 pour défaut de motifs et manque de base légale, "en ce que l'arrêt attaqué a condamné le demandeur pour complicité d'escroquerie et de fraude fiscale, sans caractériser en premier lieu aucun des délits principaux qu'il aurait par son action permis ou facilités, autrement que par un exposé général et impersonnel du mécanisme des infractions visées à la poursuite, sans caractériser aucun fait précis à la charge de chacun des prévenus ; "sans, en second lieu, constater à la charge du demandeur aucun fait de fourniture de moyens ou d'aide et assistance quelconque qui aurait été de nature à faciliter les infractions principales qu'il n'énonce que par des considérations générales ; "enfin, sans constater qu'il aurait agi avec la connaissance des infractions principales, ni caractériser aucun fait de nature à impliquer nécessairement une telle connaissance de l'intention de faciliter les infractions ;
"alors, d'ailleurs, que le seul fait énoncé consiste dans l'achat de fil de nylon qui a été acheté à la société Rhodiaceta et payé le prix de 2797108 francs dont 538349 francs de TVA et revendu à E... pour la somme de 2892363 francs, d'où il suit que cette transaction, en elle-même normale, n'a nullement porté sur une marchandise de peu de valeur, et que le juge du fond, qui n'énonce pas qu'elle aurait fait l'objet d'une fraude quelconque sur la TVA n'a pas caractérisé la culpabilité d'une infraction qu'il se borne à supposer ; "alors qu'en retenant le fait par le demandeur d'avoir acheté et revendu des graines surannées ou de vieux livres, le juge du fond ne caractérise ainsi aucune fraude et retient en définitive le demandeur dans les liens de la prévention au seul motif qu'il aurait présenté soit F..., soit G... H... à I..., ce qui, en l'absence de toute précision sur le but de cette présentation ne caractérise ni la complicité d'escroquerie, ni la complicité de fraude" ;
Attendu qu'il ressort tant des énonciations de l'arrêt attaqué que de celles du jugement, dont les motifs non contraires ont été adoptés par la Cour d'appel, que Z..., co-gérant de la société à responsabilité limitée Bonnet, a été employé par certains des prévenus qui, dans des conditions que l'arrêt précise, escroquaient l'Etat et se livraient à des fraudes fiscales ; que les juges du fond ont énoncé que le rôle de Z... dans les circuits de fraude avait consisté plus particulièrement à procurer aux prévenus ou à leurs complices des marchandises de peu de valeur, notamment des livres et du fil de nylon ainsi que des graines surannées, le tout pratiquement invendable en l'état, pour ensuite en modifier sciemment la désignation afin d'en augmenter la valeur apparente lors de la revente par la société Bonnet à d'autres participants aux circuits de fraude ; que les juges du fait ont précisé qu'il apparaissait que Z... avait des relations étroites et suivies avec les prévenus ; qu'il avait mis en rapport certains d'entre eux pour leur permettre d'opérer des transferts de crédit de taxes à des tiers et qu'il était au courant du caractère illicite des opérations dans lesquelles il intervenait ; Attendu que, par ces motifs suffisants, les juges du fond ont relevé à l'encontre de Z... l'ensemble des éléments constitutifs des délits de complicité de fraudes fiscales, de complicité d'escroqueries, de complicité de tentatives de fraudes fiscales, de complicité de tentatives d'escroqueries, retenus à sa charge et ainsi donné une base légale à leur décision ; Que le moyen, dès lors, ne saurait être retenu ;
Sur le pourvoi du ministre des Finances et de l'administration des Impôts, parties civiles ; Sur la recevabilité de pourvoi des parties civiles en ce qui concerne J... : Vu les articles 491, 492 et 567 du Code de procédure pénale ; Attendu que le pourvoi en cassation est une voie extraordinaire de recours ouverte seulement contre les arrêts et jugements en dernier ressort qui ne sont pas susceptibles d'être attaqués par les voies ordinaires au moment où le recours est formé ; Attendu que les parties civiles se sont pourvues contre l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, du 15 mars 1966, en limitant leur pourvoi à celles des dispositions de cet arrêt qui n'avaient pas fait droit à leurs demandes, mais sans excepter de leur pourvoi les dispositions de l'arrêt concernant le prévenu J... ; que, cependant, l'arrêt avait été rendu par défaut à l'égard de J..., n'était pas encore signifié et était susceptible d'être attaqué par la voie de l'opposition lorsque, le 26 mars 1966, le ministre des Finances et le directeur général des Impôts ont formé leur pourvoi, que, dès lors, ledit pourvoi doit être déclaré non recevable comme prématuré ;
Sur le second moyen proposé pour le ministre des Finances et l'administration des Impôts, pris de la violation des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale, 7 de la loi du 20 avril 1810, insuffisance de motifs et manque de base légale, "en ce que, tenant pour établi le délit de fraude fiscale prévu et réprimé par l'article 1935 (article 1741 nouveau) du Code général des impôts, lorsque les dirigeants d'entreprises réelles avaient éludé le payement de tout ou partie des taxes dont ils étaient redevables en imputant sur leurs versements le montant des crédits irréguliers d'impôt obtenus grâce à l'intervention de "taxis", la Cour d'appel s'est déclarée incompétente ratione materiae pour accorder au Trésor public des réparations civiles du chef de ce délit, pour le motif que l'émission de titres de perception, dont le contentieux relève de la seule juridiction administrative, permet à l'administration des Contributions indirectes de récupérer le montant intégral du préjudice qui lui a été causé par les infractions fiscales, alors que l'article 1835 (article 1741 nouveau), du Code général des impôts, dont les dispositions sont générales et absolues, crée en matière de fraude fiscale un délit dont la sanction est indépendante tant de la notification d'un titre de perception que de l'exercice éventuel de l'action fiscale devant la juridiction administrative, et dont les conséquences ne sont pas de nature à faire échec à l'application des dispositions non moins générales et absolues des articles 2 et 3 du Code de procédure pénale, d'autant plus qu'il ne résulte d'aucune énonciation de l'arrêt que le Trésor public a été désintéressé du préjudice qu'il a subi" ;
Attendu que le ministre des Finances et l'administration des Impôts (Contributions indirectes) ayant fait valoir par conclusions que, régulièrement constitués parties civiles, ils étaient en droit de demander, par application de l'article 3 du Code de procédure pénale, des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par l'Etat et découlant directement du délit de fraude fiscale retenu à la charge des prévenus, la Cour d'appel a rejeté cette demande au motif que les juridictions répressives sont incompétentes pour accorder des dommages-intérêts lorsque ceux-ci sont destinés à réparer les conséquences d'une fraude fiscale ; Attendu qu'en décidant ainsi, l'arrêt n'a violé aucun des textes visés au moyen ; Qu'en effet, l'administration fiscale puise son droit de se constituer partie civile devant la juridiction correctionnelle non point dans les articles 2 et 3 du Code de procédure pénale, mais dans l'article 1753 bis nouveau du Code général des impôts (lequel a repris les dispositions de l'article 36 de la loi du 23 décembre 1964) qui porte "que dans le cas d'information ouverte par l'autorité judiciaire sur la plainte de l'Administration fiscale, en matière de droits, taxes et redevances et impositions de toute nature visés au présent Code, cette Administration peut se constituer partie civile" ; Que cette constitution de partie civile qui a pour but de permettre à l'Administration de suivre la procédure et d'y intervenir dans l'intérêt du fisc se trouve limitée dans ses effets par les dispositions du Code général des impôts qui réservent à l'Administration fiscale le pouvoir de déterminer et de mettre elle-même à la charge du fraudeur, non seulement le montant des droits, taxes, redevances ou impositions éludés frauduleusement, mais encore celui des majorations et amendes fiscales qui ont pour partie le caractère de réparations civiles destinées à dédommager l'Administration du préjudice causé par les fraudes fiscales ; D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le premier moyen de cassation proposé pour le ministre des Finances et l'administration des Impôts (Contributions indirectes) pris de la violation des articles 405 du Code pénal, 2 et 3 du Code de procédure pénale et 7 de la loi du 20 avril 1810, insuffisance de motifs et manque de base légale, "en ce que, constatant que tous les éléments du délit d'escroquerie se trouvaient réunis lorsque les assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée dits "détaxeurs" s'étaient fait remettre de l'argent soit directement par l'Etat (remboursement de la taxe) soit par des tiers (transfert de taxe), l'arrêt attaqué a refusé de qualifier dans le même sens, et par voie de conséquence d'allouer des dommages-intérêts au Trésor public, lorsque lesdits assujettis avaient, dans le cadre des dispositions de l'article 273-1-1° du Code général des impôts, procédé à l'imputation sur leur propre dette de taxe sur la valeur ajoutée des crédits de taxe frauduleusement obtenus par la mise en scène de "taxis" pour le motif que, dans ce dernier cas, le Trésor public ne subissait qu'une perte ne pouvant être assimilée à la remise de fonds ou de quittance exigée par l'article 405 du Code pénal alors que, même dans ce cas, la remise de fonds existe par l'application pure et simple de la disposition législative susvisée de l'article 273 du Code général des impôts, et ce, dans le cadre de la compensation régie par les articles 1289 et suivants du Code civil" ;
Vu lesdits articles ; Attendu que l'arrêt énonce que, s'il est exact, comme le soutient l'administration des Contributions indirectes, que le délit d'escroquerie soit constitué lorsque les crédits irréguliers d'impôts sont récupérés par voie de remembrement ou de transfert, il n'en va pas de même lorsque les fraudeurs utilisent ces crédits irréguliers d'impôts en les imputant sur le montant des taxes dont ils sont redevables à la suite d'opérations réelles soumises à la TVA ; que, selon la Cour d'appel, la perte qui, dans ces conditions, résulte pour le Trésor de l'imputation frauduleuse opérée d'eux-mêmes par les prévenus ne saurait être assimilée à la remise de fonds ou de quittances, caractéristique du délit d'escroquerie ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article 273-1-1°-b du Code général des impôts, "les assujettis à la taxe à la valeur ajoutée sont autorisés à déduire, chaque mois, de la taxe à la valeur ajoutée applicable à leurs opérations, le montant de celle qui figure sur leurs factures d'achat ... ou qui a été acquittée ... lors de l'achat des produits" ; Que cette opération se matérialise par la déclaration écrite établie mensuellement et qui est adressée par l'assujetti à l'Administration ; Que la disposition sus-rappelée, complétée par celle de l'article 279 sexies du Code général des impôts permet à l'assujetti de réaliser soit l'acquit par voie de déduction des taxes et impôts qu'il peut devoir, soit la mobilisation de sa créance par transfert au profit d'un autre assujetti du crédit dont il dispose, soit même, en cas d'exportation et sous certaines conditions, d'obtenir le remboursement de son crédit ;
Attendu que dans le cas d'imputation - qui est celui du moyen - la circonstance que le titre constatant l'extinction par déduction de la créance du Trésor public ait été créé par l'assujetti ne fait pas disparaître l'un des éléments matériels du délit d'escroquerie ; qu'il en est de même de ce qu'il n'y ait pas eu "remise de fonds" puisque le payement effectué par voie scripturale vaut remise d'espèces ; qu'en fait, le délit a été effectivement consommé par l'acceptation de la déclaration, laquelle a conféré au document établi, ainsi qu'à la copie que l'assujetti conserve par devers lui, la valeur d'un titre de créance à l'égard du Trésor public ; D'où il suit qu'en déclarant que le délit d'escroquerie n'est pas constitué dans le cas où les prévenus sont entrés en possession des crédits irréguliers d'impôts par voie "d'imputation", l'arrêt attaqué a méconnu, et par suite violé, les dispositions de l'article 405 du Code pénal ;
Par ces motifs :
DECLARE NON RECEVABLE, en l'état, en ce qui concerne J... le pourvoi formé par le ministre des Finances et le directeur général des Impôts contre l'arrêt précité de la Cour d'appel de Paris ; REJETTE les pourvois de A..., Z..., B..., X..., Y... et C..., dit D... ; CASSE ET ANNULE l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, du 15 mars 1966, mais seulement dans celles de ses dispositions déboutant le ministre des Finances et l'administration des Impôts (Contributions indirectes) de leur demande d'indemnisation du chef d'escroquerie, tentative d'escroquerie et complicité à l'encontre de A..., K..., X..., L... (Jacqueline), femme M..., Z..., Y..., B..., N... (Claude), O..., C..., dit D..., P..., Q... (Clotilde), femme R..., R... (Jacques), escroquerie réalisée par imputation frauduleuse de crédits d'impôts sur le montant des taxes à la valeur ajoutée dont certains des prévenus étaient redevables ; et, pour être statué à nouveau conformément à la loi et dans les limites de la cassation ainsi prononcée ; RENVOIE la cause et les parties devant la Cour d'appel d'Amiens.