Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 5 janvier 1973, 72-90.278, Publié au bulletin
Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 5 janvier 1973, 72-90.278, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre criminelle
- N° de pourvoi : 72-90.278
- Publié au bulletin
- Solution : REJET
Audience publique du vendredi 05 janvier 1973
Décision attaquée : Cour d'appel Paris (Chambre d'accusation ) 1972-01-11, du 11 janvier 1972- Président
- Pdt M. Rolland
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
REJET DU POURVOI DE X... (OLIVIER) PARTIE CIVILE, CONTRE UN ARRET DE LA CHAMBRE D'ACCUSATION DE LA COUR D'APPEL DE PARIS, EN DATE DU 11 JANVIER 1972 QUI DANS UNE INFORMATION SUIVIE CONTRE X, DES CHEFS D'ARRESTATION ET SEQUESTRATION ARBITRAIRES, A CONFIRME L'ORDONNANCE DE NON-LIEU DU JUGE D'INSTRUCTION. LA COUR, VU LE MEMOIRE PRODUIT ;
SUR LA RECEVABILITE DU POURVOI ;
ATTENDU QUE, MEME EN L'ABSENCE DE POURVOI DU MINISTERE PUBLIC, LA PARTIE CIVILE EST RECEVABLE, AUX TERMES DE L'ARTICLE 575, PARAGRAPHE 7 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, A SE POURVOIR EN CASSATION " EN MATIERE D'ATTEINTES AUX DROITS INDIVIDUELS TELLES QUE DEFINIES AUX ARTICLES 114 A 122 ET 341 A 344 DU CODE PENAL " ;
QUE TEL EST LE CAS DE L'ESPECE ;
AU FOND : SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION, PRIS DE LA VIOLATION DE L'ARTICLE 7 DE LA DECLARATION DES DROITS DE L'HOMME ET DU CITOYEN DU 26 AOUT 1789, DE L'ARTICLE 66 DE LA CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958, DES ARTICLES 114 ET SUIVANTS, 341 DU CODE PENAL, DES ARTICLES 30, 53 ET SUIVANTS, 61, 77, 575 ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DE L'ARTICLE 10 DE LA LOI DU 10 JUILLET 1964 ET DE L'ARTICLE 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810, POUR DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE, " EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A PRONONCE UN NON-LIEU DES CHEFS D'ATTENTAT A LA LIBERTE, D'ARRESTATION ET DE SEQUESTRATION ARBITRAIRES ;
" AUX MOTIFS QUE LES MESURES DENONCEES PAR LA PARTIE CIVILE - ET DONT LA MATERIALITE N'EST PAS CONTESTEE - ETAIENT INTERVENUES DANS LE CADRE DES POUVOIRS DE POLICE ADMINISTRATIVE CONFIES AU PREFET DE POLICE PAR L'ARTICLE 10 DE LA LOI DU 10 JUILLET 1964 ;
QUE CES MESURES ETAIENT JUSTIFIEES PAR LES RISQUES DE TROUBLES GRAVES DE L'ORDRE PUBLIC DONT LE PREFET DE POLICE ET LES FONCTIONNAIRES QUI RELEVENT DE SON AUTORITE SONT LES GARANTS LEGAUX ;
QU'EN CONSEQUENCE L'INTERPELLATION DE X... PUIS LA CONTRAINTE TEMPORAIRE SUBIE PAR LUI DANS UN CENTRE AFFECTE A CET USAGE PENDANT LES VERIFICATIONS D'IDENTITE QUI S'AVERAIENT NECESSAIRES AYANT ETE PRATIQUEES, EN L'ESPECE, DANS LE CHAMP D'APPLICATION DES POUVOIRS DE POLICE DU MAINTIEN DE L'ORDRE ET EN CONFORMITE AUX REGLES EN USAGE, DONC DANS DES CONDITIONS EXCLUSIVES DE TOUTE INTENTION COUPABLE, LES ELEMENTS CONSTITUTIFS DES INFRACTIONS VISEES AU REQUISITOIRE INTRODUCTIF NE SONT PAS REUNIS ;
" ALORS, D'UNE PART, QU'AUCUN POUVOIR DE POLICE ADMINISTRATIVE NE PERMET AU PREFET DE POLICE OU AUX FONCTIONNAIRES QUI DEPENDENT DE LUI, D'ARRETER ET DE DETENIR UN CITOYEN FRANCAIS ;
" ET ALORS, D'AUTRE PART, QUE LE FAIT POUR UN POLICIER, MEME S'IL PRETEND AGIR EN VUE DE MAINTENIR L'ORDRE, D'ARRETER ET DE PRIVER DE LIBERTE UN CITOYEN FRANCAIS, CONSTITUE LE CRIME D'ATTENTAT A LA LIBERTE ;
QUE L'ELEMENT INTENTIONNEL DE CE CRIME RESULTE DE CE QUE LE POLICIER PEUT ET DOIT CONNAITRE L'ILLEGALITE MANIFESTE D'UNE ARRESTATION ET D'UNE DETENTION, INSUSCEPTIBLES D'ETRE JUSTIFIEES PAR UN TEXTE LEGAL, ET CONTRAIRES AUX DISPOSITIONS AUSSI FONDAMENTALES QU'ELEMENTAIRES DE LA CONSTITUTION " ;
ATTENDU QU'UNE INFORMATION OUVERTE CONTRE X, DU CHEF D'ARRESTATION ET DE SEQUESTRATION ARBITRAIRES, SUR PLAINTE AVEC CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE DE X... OLIVIER, A ETE CLOSE PAR UNE ORDONNANCE DE NON-LIEU DONT LE DEMANDEUR A RELEVE APPEL ;
ATTENDU QUE, STATUANT SUR CET APPEL, LA CHAMBRE D'ACCUSATION EXPOSE, DANS L'ARRET ATTAQUE : 1° QUE " DIVERS GROUPEMENTS DE TENDANCES CONTRAIRES AYANT ANNONCE QU'ILS PROCEDERAIENT, DANS LA JOURNEE DU 26 FEVRIER 1970, A DES DEMONSTRATIONS PUBLIQUES, LE PREFET DE POLICE AVAIT ETE AMENE A INTERDIRE UNE REUNION DU MOUVEMENT " ORDRE NOUVEAU ", PREVUE AU PALAIS DE LA MUTUALITE, AINSI QUE DES MANIFESTATIONS DE RUES, AUXQUELLES " L'UNION NATIONALE DES ETUDIANTS DE FRANCE " ET UN " COMITE NATIONAL DE GREVE DES ETUDIANTS DE PARIS ", ENTENDAIENT SE LIVRER ;
2° QUE, POUR EVITER " D'EVENTUELS AFFRONTEMENTS PREJUDICIABLES A L'ORDRE PUBLIC, UN IMPORTANT SERVICE D'ORDRE AVAIT ETE MIS EN PLACE, NOTAMMENT RUE SOUFFLOT, DONT LES MEMBRES, GARDIENS DE LA PAIX OU MILITAIRES DE LA GENDARMERIE MOBILE, AVAIENT POUR MISSION D'EVITER LE REGROUPEMENT DE NOMBREUX JEUNES GENS QUI S'AMASSAIENT RUE SOUFFLOT ET A SES ABORDS ;
3° QUE, DANS LE CADRE DE CETTE MISSION, QUI AMENAIT LE SERVICE D'ORDRE A CONTROLER L'IDENTITE DES PASSANTS, X... AVAIT ETE INTERPELLE, VERS 15 HEURES, PAR UN POLICIER EN UNIFORME AUQUEL IL AVAIT PRESENTE UNE CARTE D'IDENTITE NATIONALE ;
4° QUE CETTE CARTE D'IDENTITE " COMPORTANT, COMME LE PRECISE L'ARRET, UNE PHOTOGRAPHIE QUI NE PARAISSAIT PAS CORRESPONDRE AU VISAGE DE X... ", CE DERNIER AVAIT ETE CONDUIT AU CENTRE BEAUJON " POUR EXAMEN PLUS APPROFONDI DE SA SITUATION ;
5° QU'ENFIN, APRES QU'UN CLICHE PHOTOGRAPHIQUE EUT ETE PRIS ET QUE LES VERIFICATIONS D'ARCHIVES ET DE DOMICILE AIENT ETE EFFECTUEES, X... AVAIT ETE RELACHE LE 27 FEVRIER A 0H55 ;
ATTENDU QU'EN CET ETAT, C'EST A TORT, ET PAR SUITE D'UNE ERREUR DE DROIT QU'IL CONVIENT DE CENSURER, QUE LA CHAMBRE D'ACCUSATION A CONFIRME L'ORDONNANCE DE NON-LIEU DU JUGE D'INSTRUCTION AUX MOTIFS QUE LES MESURES INCRIMINEES " ETAIENT JUSTIFIEES PAR LES RISQUES DE TROUBLES GRAVES DE L'ORDRE PUBLIC DONT LE PREFET DE POLICE ET LES FONCTIONNAIRES QUI RELEVENT DE SON AUTORITE SONT LES GARANTS LEGAUX " ET QUE LESDITES MESURES " ETAIENT INTERVENUES DANS LE CADRE DES POUVOIRS DE POLICE ADMINISTRATIVE CONFIES AU PREFET DE POLICE " ;
QU'EN EFFET, LES POUVOIRS DE POLICE ADMINISTRATIVE, S'ILS PERMETTENT, QUAND DES CIRCONSTANCES PARTICULIERES L'EXIGENT, DE PROCEDER A DES VERIFICATIONS D'IDENTITE, N'AUTORISENT PAS A RETENIR, FUT-CE PROVISOIREMENT, DES PERSONNES QUI N'ONT COMMIS AUCUNE INFRACTION OU QUI NE SONT PAS SOUPCONNEES D'EN AVOIR COMMIS ;
QUE D'AUTRE PART, LA COUR NE POUVAIT, COMME ELLE L'A FAIT, ECARTER " TOUTE INTENTION COUPABLE ", AU SEUL MOTIF DE " REGLES EN USAGE ", QUI, MEME SI ELLES EXISTAIENT, NE POURRAIENT CONSTITUER UNE CAUSE DE JUSTIFICATION OU UNE EXCUSE QUE LA LOI NE PREVOIT PAS ;
MAIS ATTENDU QUE LA COUR DE CASSATION A LE POUVOIR DE SUBSTITUER UN MOTIF DE PUR DROIT A UN MOTIF ERRONE OU INOPERANT SUR LEQUEL SE FONDE UNE DECISION ATTAQUEE ET DE JUSTIFIER AINSI LADITE DECISION ;
- QUE, DANS LA PRESENTE ESPECE, ELLE EST EN MESURE DE S'ASSURER QU'APRES AVOIR ETE REGULIEREMENT INTERPELLE EN VUE D'UN CONTROLE D'IDENTITE QUE LES CIRCONSTANCES JUSTIFIAIENT, X... A ETE MAINTENU TEMPORAIREMENT A LA DISPOSITION DES SERVICES DE POLICE A L'OCCASION D'UNE RECHERCHE DE POLICE JUDICIAIRE ;
QU'IL SE DEDUIT EN EFFET DES CONSTATATIONS SOUVERAINES DE L'ARRET QUE LA CARTE D'IDENTITE DETENUE PAR X..., TELLE QU'ELLE EST DECRITE PAR LA COUR, ET QUI A ETE PRESENTEE A LA POLICE, ETAIT SUSPECTE ET QUE SA POSSESSION LAISSAIT PRESUMER QUE DES INFRACTIONS POUVAIENT AVOIR ETE COMMISES ;
- QU'AINSI LES SERVICES DE POLICE, EN GARDANT X... A LEUR DISPOSITION DU 26 FEVRIER A 15 HEURES AU 27 FEVRIER A 0H55, SOIT PENDANT DIX HEURES, N'ONT PAS EXCEDE LES POUVOIRS QUE LEUR CONFERAIENT LES ARTICLES 53 ET SUIVANTS DU CODE DE PROCEDURE PENALE, ET SPECIALEMENT LES ARTICLES 61, PARAGRAPHE 2, ET 63 DUDIT CODE, LE PREMIER DISPOSANT QUE " TOUTE PERSONNE DONT IL APPARAIT NECESSAIRE, AU COURS DE RECHERCHES JUDICIAIRES, D'ETABLIR OU DE VERIFIER L'IDENTITE, DOIT, A LA DEMANDE DE L'OFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE OU DE L'UN DES AGENTS DE POLICE JUDICIAIRE ENUMERES A L'ARTICLE 20, SE PRETER AUX OPERATIONS QU'EXIGE CETTE MESURE ", - LE SECOND AUTORISANT L'OFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE " A GARDER A SA DISPOSITION, POUR LES NECESSITES DE L'ENQUETE, UNE OU PLUSIEURS DES PERSONNES VISEES AUX ARTICLES 61 ET 62 ", A LA CONDITION DE NE PAS " LES RETENIR PLUS DE VINGT-QUATRE HEURES " ;
QU'IL S'ENSUIT, QUELQUE REGRETTABLE QUE SOIT L'ERREUR DE DROIT COMMISE PAR LA CHAMBRE D'ACCUSATION, QUE LE MOYEN DOIT ETRE REJETE ;
REJETTE LE POURVOI