Cour de cassation, Chambre criminelle, du 29 mai 1902, Inédit

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

ANNULATION, sur le pourvoi de Mathieu (Nicolas-Emile), d'un arrêt rendu, le 3 février 1902, par la Cour d'appel de Nancy, chambre correctionnelle, qui l'a condamné à huit jours de prison.

LA COUR,

Ouï Monsieur André Boulloche, conseiller, en son rapport, Me Rambaud de Laroque, avocat en la Cour, en ses observations, et Monsieur Cottignies, avocat général, en ses conclusions ;

Sur le moyen pris de la violation des articles 2, 3, 401 du Code pénal, en ce que l'arrêt attaqué a reconnu aux faits constatés les caractères d'une tentative de vol, alors que cette tentative n'a point été manifestée par un commencement d'exécution et n'a point manqué son effet par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur ;

Attendu qu'il résulte, de l'arrêt attaqué que, le 3 novembre 1901, un fût contenant 35 litres de vin expédié au sieur X... demeurant à Remiremont, avait été placé dans la salle des bagages de la gare de cette ville ; que le 4 novembre, Mathieu, homme d'équipe à ladite gare, a été surpris par le facteur-basculeur Jeandel au moment où il venait de déposer ce fût dans le fourgon à bagages d'un train à destination de Cornimont ; que, pour s'assurer le silence de Jeandel, Mathieu lui offrit de boire du vin, ajoutant qu'il était facile d'enlever la bonde du fût, mais que cette proposition ayant été repoussée par Jeandel, il reprit le fût et le reporta dans la salle de factage de la gare ;

Attendu que l'arrêt constate souverainement que Mathieu a agi avec une intention frauduleuse dans le but de s'approprier une partie du liquide contenu dans le fût et qu'il n'a renoncé à poursuivre l'exécution de son projet que dans la crainte d'une dénonciation de la part de Jeandel ; que l'arrêt a pu, dès lors, sans méconnaître les dispositions de l'article 2 du Code pénal, décider que les faits ci-dessus relatés constituaient non des actes préparatoires, comme le soutient à tort le pourvoi, échappant à toute répression pénale, mais un commencement d'exécution d'une tentative de vol qui n'a été suspendue ou qui n'a manqué son effet que par des circonstances indépendantes de la volonté de son auteur ;

Sur le moyen pris de la violation de l'article 386, paragraphe 3, du Code pénal :

Vu ledit article ;

Attendu que la cour d'appel de Nancy se trouvait, par l'appel a minima du procureur général, saisie de la cause entière telle qu'elle s'était présentée devant les premiers juges ; qu'elle devait donc d'office vérifier sa propre compétence et dans le cas où les faits auraient été du ressort de la juridiction criminelle, se déclarer incompétente ;

Attendu que l'arrêt constate que Mathieu était homme d'équipe au service de la Compagnie des chemins de fer de l'Est ; qu'il résulte des énonciations dudit arrêt que la tentative de vol qui lui est imputée aurait été commise dans les dépendances de la gare de Remiremont où il était employé ; qu'il suit de là que les faits tomberaient sous l'application de l'article 386, paragraphe 3, du Code pénal et constitueraient un crime ; qu'ainsi, en ne se déclarant pas incompétente pour en connaître, la cour d'appel de Nancy a expressément violé l'article visé au moyen ;

Par ces motifs, sans qu'il y ait lieu de statuer sur le moyen additionnel proposé à l'appui du pourvoi,

CASSE et ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Nancy, du 13 février 1902, et pour être statué sur les appels interjetés tant par Mathieu que par le procureur général de Nancy, du jugement du tribunal de Remiremont, en date du 18 décembre 1901, renvoie la cause et le prévenu devant la cour d'appel de Dijon, à ce désignée par délibération spéciale en la chambre du conseil ;

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