Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 15 juin 2005, 03-17.478, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 5 mai 2003), qu'arguant de l'empiétement sur sa parcelle n° 28 d'une construction édifiée sur la parcelle voisine n° 27, Mme X... a assigné M. Y... et la société Electro Nautic en démolition de cet ouvrage ; que la société Electro nautic a invoqué la prescription acquisitive abrégée en se fondant sur son titre d'acquisition de la parcelle n° 27 ;

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :

Vu l'article 2244 du Code civil ;

Attendu qu'une citation en justice, même en référé, un commandement ou une saisie, signifiés à celui qu'on veut empêcher de prescrire, interrompent la prescription ainsi que les délais pour agir ;

Attendu que pour accueillir la demande de Mme X..., l'arrêt, après avoir relevé que la société Electro Nautic avait acquis le lot n° 27 suivant acte notarié du 6 août 1985 et que la prescription abrégée avait commencé à courir au bénéfice de cette seule société à compter de cette date, retient que dès le 25 janvier 1990, Mme X... a fait assigner M. Y... devant le tribunal d'instance de Pointe-à-Pitre en bornage des parcelles n° 27 et 28 ; que s'en sont suivis quatre jugements le 9 mars 1990, le 30 août 1991, le 22 février 1994 et le 7 avril 1995, ce dernier jugement ayant homologué le rapport de l'expert aboutissant à l'établissement définitif de la ligne divisoire des fonds en cause ; que ces actes ont valablement interrompu le cours de la prescription :

Qu'en statuant ainsi, alors que, pour être interruptive de prescription, la citation en justice doit être adressée à celui qu'on veut empêcher de prescrire et non pas à un tiers, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 2265 du Code civil ;

Attendu que celui qui acquiert de bonne foi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans, si le véritable propriétaire habite dans le ressort de la cour d'appel dans l'étendue de laquelle l'immeuble est situé ; et par vingt ans, s'il est domicilié hors dudit ressort ;

Attendu que pour accueillir la demande de Mme X..., l'arrêt retient qu'il importe peu que la société Electro Nautic n'ait pas été présente aux opérations de bornage, dès lors que M. Y... s'y présentait volontiers en qualité de propriétaire à titre personnel, cette qualité n'ayant été déniée qu'au moment de l'action en cessation de l'emprise devant le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, contraignant Mme X... à faire assigner dans la cause la société, véritable propriétaire, dont M. Y... est le représentant légal ; que cette confusion des qualités ne permet pas de considérer la société Electro Nautic comme étant de bonne foi ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la bonne foi, au regard de l'article 2265 du Code civil, consiste en la croyance de l'acquéreur, au moment de l'acquisition, de tenir la chose du véritable propriétaire, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 mai 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la société Electro Nautic et de Mme X... ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille cinq.

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