Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 10 juin 2004, 03-12.133, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, qui est recevable :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 2 octobre 2001) et les productions, que M. Guillaume X... a, en compagnie de ses amis Christophe Y... et Philippe Z..., absorbé au domicile de Mme Y..., une quantité importante de boissons alcoolisées, puis a chuté lourdement dans un escalier ; que Christophe Y... et Philippe Z..., constatant que M. Guillaume X... ne parlait plus et ronflait, l'ont couché sur un canapé et se sont absentés vers minuit pour revenir le lendemain au domicile de Mme Y... vers huit heures ; que les secours ont été appelés vers onze heures ; que M. Roger X..., agissant en sa qualité de curateur de son fils Guillaume, a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infractions aux fins d'expertise médicale et d'octroi d'une indemnité provisionnelle à titre de réparation du préjudice résultant de l'infraction de non-assistance à personne en danger ;

Attendu que M. Roger X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que M. Guillaume X... a commis une faute réduisant de moitié son indemnisation et de lui avoir alloué une indemnité provisionnelle de 50 000 francs (7 622,45 euros), alors, selon le moyen :

1 / que ne peut être retenu comme fautif, au sens de l'article 706-3 du Code de procédure pénale, le comportement imprudent de la victime d'une infraction qui ne peut être rattaché à des conséquences aussi imprévisibles et dramatiques que celles imputables à l'auteur des faits, à défaut de lien de causalité avec le dommage ; que, par suite, ne peut être considérée comme fautive l'absorption d'alcool par la victime dès lors que l'essentiel de son dommage ne résulte pas tant du fait qu'elle ait fait une chute dans un escalier en raison de son état d'ivresse que du retard avec lequel les soins que nécessitait son état, en raison de la chute, lui ont été apportés ; qu'ainsi, au cas d'espèce, en retenant qu'en absorbant une quantité importante de boissons alcoolisées, Guillaume X... avait concouru au dommage résultant de l'infraction de non-assistance en danger, alors qu'à supposer ce fait fautif, il ne pouvait être rattaché à des conséquences aussi imprévisibles et dramatiques que celles imputables à Mme Y..., Christophe Y... et Philippe Z..., les juges du fond ont violé l'article 706-3 du Code de procédure pénale ;

2 / qu'il ressort de l'ensemble des écritures de M. Roger X... que l'indemnisation qui était sollicitée résultait exclusivement du retard avec lequel Mme Y..., Christophe Y... et Philippe Z... ont appelé les secours ; qu'ainsi, le préjudice dont la réparation était demandée, ne portait que sur l'aggravation liée à la non-assistance à personne en danger et ne portait pas sur le préjudice né de la chute ; que, par suite, les juges du fond ne pouvaient retenir, à la charge de Guillaume X..., une faute ayant directement concouru à la réalisation de ce dommage dès lors qu'à la suite de cette chute, Guillaume X... est resté inconscient non pas en raison de son état d'ivresse, mais des lésions causées par la chute ; qu'à cet égard encore, les juges du fond ont violé l'article 706-3 du Code de procédure pénale ;

Mais attendu qu'ayant constaté que M. Guillaume X... avait absorbé une quantité importante de boissons alcoolisées et retenu que la chute accidentelle dans l'escalier s'expliquait par son état d'ivresse, la cour d'appel en a justement déduit que ces éléments démontraient que M. Guillaume X... avait, par ce comportement fautif, directement concouru au dommage résultant de l'infraction de non-assistance à personne en danger et souverainement estimé que son indemnisation devait être réduite de moitié ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes respectives de M. Roger X..., ès qualités, et du Fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et autres infractions ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix juin deux mille quatre.

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