Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 18 mars 2003, 00-12.693, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique pris en ses six branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 3 février 2000), que le 5 mars 1997, la société Sipac a passé un marché avec la société Bel portant sur des travaux d'agencement et de décoration d'un palais des congrès ; que par jugement du 13 janvier 1998, le tribunal a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Bel ; que le 28 mai 1998, la société Sipac a mis en demeure l'administrateur judiciaire de lui faire connaître s'il entendait ou non poursuivre le marché du 5 mars 1997 ; que par courrier du 2 juin 1998 reçu le 9 juin 1998 par la société Sipac, l'administrateur judiciaire a indiqué à celle-ci qu'il n'entendait pas poursuivre le marché ; que le 23 juin 1998, la société Sipac a saisi le juge-commissaire aux fins de voir constater la résiliation du marché et fixer au 9 juin 1998 la date de la résiliation ; qu'un plan de cession a été adopté par jugement du 1er juillet 1998 ; que le 7

janvier 1999, la société Sipac a déclaré une créance ; que devant le juge-commissaire, elle a soutenu que ce dernier devait prononcer la résiliation du marché, en fixer la date et ouvrir le délai

de déclaration supplémentaire prévu à l'article 66 du décret du 27 décembre 1985 ; que par ordonnance du 16 février 1999, le juge-commissaire a rejeté les prétentions de la société Sipac ; que cette dernière a fait appel de cette décision ;

Attendu que la société Sipac fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande de résiliation judiciaire du marché du 5 mars 1997, constaté que la résiliation de ce marché était intervenue le 9 juin 1998, et dit que le délai supplémentaire de déclaration de créance prévu à l'article 66 du décret du 27 décembre 1985 était expiré depuis le 9 juillet 1998 alors, selon le moyen,

1 ) que l'administrateur à un redressement judiciaire n'a pas le pouvoir de résilier de sa propre initiative les contrats en cours que, dès lors, en retenant, pour débouter la SIPAC de sa demande de résiliation judiciaire du contrat du 5 mars 1997 et constater que ce contrat avait été résilié le 9 juin 1998, que celle-ci avait expressément reconnu avoir reçu à cette date un courrier de résiliation de l'administrateur judiciaire de la société Bel daté du 2 juin 1998, la cour d'appel a violé l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985 modifiée ;

2 ) qu'en rejetant la demande de la SIPAC tendant à ce que soit prononcée judiciairement la résiliation du contrat du 5 mars 1997 et en constatant que la résiliation de ce contrat était intervenue le 9 juin 1998, date de réception par la SIPAC de la lettre de l'administrateur judiciaire indiquant qu'il n'entendait pas le poursuivre, tout en constatant que cette lettre "n'est pas une décision prononçant une résiliation mais un simple acte d'information" du cocontractant, ce dont il résultait qu'elle n'avait pas pu avoir pour effet d'entraîner la résiliation du marché, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985 modifiée qu'elle a ainsi de nouveau violé ;

3 ) que le délai supplémentaire octroyé par le deuxième alinéa de l'article 66 du décret du 27 décembre 1985 modifié aux cocontractants mentionnés à l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985 modifiée pour déclarer leur créance n'est ouvert qu'en cas de résiliation de plein droit de la convention ou de notification d'une décision judiciaire la prononçant, de telle sorte que la résiliation par l'administrateur judiciaire n'est pas de nature à produire un tel effet ; que, dès lors, en relevant, pour refuser de prononcer à la demande de la SIPAC la résiliation de la convention du 5 mars 1997 et la priver en conséquence de son droit à déclarer sa créance, que cette société avait reconnu avoir reçu un courrier de résiliation émanant de l'administrateur au redressement judiciaire de la société Bel, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

4 ) qu'en considérant que "l'acte d'information" de la résiliation de la convention par l'administrateur judiciaire "emporte la même conséquence qu'un défaut de réponse, à savoir la résiliation de plein droit, sauf à lui donner effet à une date plus rapprochée", la cour d'appel a créé un cas de résiliation de plein droit des conventions que l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985 modifiée ne prévoit pas, a ajouté à l'article 66 du décret du 27 décembre 1985 modifié un cas d'ouverture du délai supplémentaire de déclarations des créances qu'il organise et a modifié en outre le point de départ qu'il fixe à ce délai qu'en statuant de la sorte, elle a derechef violé les textes susvisés ;

5 ) que le jugement qui arrête un plan de cession n'opère que le transfert des contrats en cours poursuivis par le repreneur et est sans influence sur les autres ; que, dès lors, en considérant pour statuer comme elle l'a fait, que le jugement du 1er juillet 1998 arrêtant le plan de cession de la société Bel n'avait pu que "confirmer" à la SIPAC "que son contrat avait été régulièrement résilié", la cour d'appel a également violé l'article 86 de la loi du 25 janvier 1985 modifiée ;

6 ) que la résiliation d'une convention par accord implicite de l'administrateur judiciaire et du cocontractant n'implique pas renonciation par ce dernier à sa créance en résultant et ne peut en conséquence le priver de son droit d'obtenir une décision lui permettant de la déclarer ;

que, dès lors, en retenant, pour refuser de prononcer à la demande de la SIPAC la résiliation de la convention du 5 mars 1997, que celle-ci, en contractant avec un tiers, avait reconnu plein et entier effet au courrier de l'administrateur au redressement judiciaire de la société Bel résiliant la convention litigieuse, la cour d'appel a encore violé les articles 37 de la loi du 25 janvier 1985 modifiée et 66 du décret du 27 décembre 1985 modifié ;

Mais attendu que l'administrateur ayant été mis en demeure de se prononcer sur la poursuite d'un contrat en cours, son refus exprès de poursuivre le contrat entraîne la résiliation de plein droit de celui-ci, à la date de la réception par le cocontractant de ce refus, si celle-ci intervient dans le délai d'un mois prévu à l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985 devenu l'article L. 621-28 du Code de commerce ; qu'il n'y a pas lieu de faire nécessairement constater cette résiliation par le juge-commissaire ; que le délai supplémentaire, prévu à l'article 66 du décret du 27 décembre 1985, pour déclarer la créance résultant de la résiliation court à compter de la réception de la réponse de l'administrateur ;

Et attendu qu'ayant constaté qu'à la suite de la mise en demeure adressée le 28 mai 1998, l'administrateur judiciaire avait indiqué à la société SIPAC, par courrier reçu le 9 juin 1998, qu'il n'entendait pas poursuivre le contrat, la cour d'appel en a justement déduit, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les cinquième et sixième branches du moyen, que le contrat avait été résilié de plein droit le 9 juin 1998 sans qu'il y ait lieu de prononcer sa résiliation et que la société SIPAC ayant déclaré sa créance le 7 janvier 1999, elle se trouvait forclose ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la SIPAC aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société SIPAC à payer à la société Bel la somme de 1 800 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars deux mille trois.

Retourner en haut de la page