Cour de Cassation, Chambre sociale, du 11 février 2004, 01-43.574, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que Mme de X... a été engagée à compter du 1er août 1983 en qualité de pharmacienne par Mme Y..., propriétaire d'une officine ; qu'à la suite de la naissance de son troisième enfant le 8 août 1992, Mme de X... a pris un congé parental d'éducation qui a débuté le 22 décembre 1992 à l'issue du congé de maternité et qui a été renouvelé jusqu'au 22 décembre 1995 ; que, par lettre du 19 juin 1995, la salariée a souhaité réintégrer son poste le 8 août 1995 et en a informé Mme Z..., nouvelle propriétaire de la pharmacie, en l'avisant de son nouvel état de grossesse, son congé de maternité débutant en décembre 1995 ; que l'employeur s'est opposé à sa réintégration ; qu'après avoir refusé une modification de son contrat de travail pour motif économique, la salariée a été licenciée le 20 décembre 1995 pour motif économique ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à un rappel de salaire et à diverses indemnités au titre de son licenciement ;

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué (Versailles, 29 mars 2001) d'avoir débouté la salariée de sa demande en paiement des salaires qui lui étaient dus depuis le 8 août 1995, alors, selon le moyen :

1 / que, selon l'article L. 122-29 du Code du travail, toute convention contraire aux dispositions des articles L. 122-25 à L. 122-31 est nulle et de plein droit ; que dès lors, à supposer même qu'un accord soit intervenu entre l'employeur et le salarié, il était contraire aux dispositions de l'article L. 122-28-3 et en conséquence nul de plein droit ;

qu'en se fondant sur cet accord prétendu pour affirmer que l'employeur n'avait pas l'obligation de reprendre le salarié à l'issue du congé parental, l'arrêt a violé les articles L. 122-28-3 et L. 122-29 du Code du travail ;

2 / qu'en estimant que la convention par laquelle l'employeur et la salariée auraient convenu de prolonger le congé parental au-delà de la troisième année de l'enfant, présente une solution plus favorable pour la mère que la réintégration dans son emploi, alors qu'à compter de cette date, la mère cesse de percevoir l'essentiel des prestations sociales liées à la naissance d'un enfant telles qu'elles sont prévues aux articles L. 532-1 et suivants du Code de la sécurité sociale, la cour d'appel a violé les articles L. 122-28-3 et L. 122-29 du Code du travail ;

Mais attendu que les parties peuvent convenir de la prolongation de la durée du congé parental d'éducation au-delà de la troisième année de l'enfant ;

Et attendu que la cour d'appel a constaté qu'un accord était intervenu entre l'employeur et la salariée pour prolonger le congé parental au-delà de la troisième année de l'enfant ; que par ce seul motif, elle a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le second moyen :

Vu les articles L. 122-25-2, L. 122-26, L. 122-27, L. 122-28-1 et L. 122-30 du Code du travail ;

Attendu, selon le premier de ces textes, que l'employeur ne peut résilier le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constatée que s'il justifie d'une faute grave de l'intéressée, non liée à l'état de grossesse, ou de l'impossibilité où il se trouve, pour un motif étranger à la grossesse, de maintenir ledit contrat ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de nullité de son licenciement survenu pendant la période de suspension de son contrat à laquelle elle pouvait prétendre conformément à l'article L. 122-26 du Code du travail, la cour d'appel a retenu qu'à la date de la notification du licenciement, soit le 20 décembre 1995, le contrat de travail était suspendu dans le cadre du congé parental, qu'il y avait donc chevauchement de deux causes de suspension du contrat de travail et que dans un tel cas c'est la cause apparue la première qui détermine les effets attachés à la suspension du contrat pendant toute la durée de celle-ci imputable à la première cause et que le fait que le contrat soit suspendu pendant le congé parental n'interdit pas à l'employeur de rompre ledit contrat pour un motif indépendant du congé ;

Attendu, cependant, que le bénéfice d'un congé parental d'éducation ne fait pas obstacle aux règles protectrices de la maternité ;

qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions relatives à la nullité du licenciement pour motif économique, l'arrêt rendu le 29 mars 2001, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;

remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne Mme Z... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne Mme Z... à payer à Mme de X... la somme de 1 500 euros ; déboute Mme Z... de sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze février deux mille quatre.

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