Cour de Cassation, Assemblée plénière, du 7 mai 2004, 02-10.450, Publié au bulletin
Cour de Cassation, Assemblée plénière, du 7 mai 2004, 02-10.450, Publié au bulletin
Cour de cassation - Assemblée plénière
- N° de pourvoi : 02-10.450
- Publié au bulletin
- Solution : Rejet.
Audience publique du vendredi 07 mai 2004
Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 2001-10-31, du 31 octobre 2001- Président
- Premier président : M. Canivet
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLEE PLENIERE, a rendu l'arrêt suivant : Sur le moyen unique, pris en ses trois branches : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 31 octobre 2001), que la Société de promotion immobilière SCIR Normandie (la société SCIR Normandie), a confié à la société Publicis Qualigraphie aux droits de laquelle se trouve la société Publicis Hourra (la société Publicis) la confection de dépliants publicitaires comportant, outre des informations relatives à l'implantation de la future résidence et à ses avantages, la reproduction de la façade d'un immeuble historique de Rouen, l'Hôtel de Girancourt ; que se prévalant de sa qualité de propriétaire de cet hôtel, la SCP Hôtel de Girancourt, dont l'autorisation n'avait pas été sollicitée, a demandé judiciairement à la société SCIR Normandie la réparation du préjudice qu'elle disait avoir subi du fait de l'utilisation de l'image de son bien ; que cette dernière a appelé la société Publicis en garantie ; Attendu que la SCP Hôtel de Girancourt fait grief à l'arrêt du rejet de ses prétentions, alors, selon le moyen : 1 ) qu'aux termes de l'article 544 du Code civil, "la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois et par les règlements" ; que le droit de jouir emporte celui d'user de la chose dont on est propriétaire et de l'exploiter personnellement ou par le truchement d'un tiers qui rémunère le propriétaire, ce droit ayant un caractère absolu et conduisant à reconnaître au propriétaire un monopole d'exploitation de son bien, sauf s'il y renonce volontairement ; qu'en énonçant que "le droit de propriété n'est pas absolu et illimité et ne comporte pas un droit exclusif pour le propriétaire sur l'image de son bien" pour en déduire qu'il lui appartenait de démontrer l'existence d'un préjudice car la seule reproduction de son bien immeuble sans son consentement ne suffit pas à caractériser ce préjudice, la cour d'appel a violé l'article 544 du Code civil ; 2 ) qu'elle faisait valoir dans ses conclusions d'appel que l'utilisation à des fins commerciales de la reproduction de la façade de l'Hôtel de Girancourt sans aucune contrepartie financière pour elle, qui a supporté un effort financier considérable pour la restauration de l'hôtel particulier ainsi qu'en témoignent les photographies de l'immeuble avant et après les travaux, restauration qui a permis aux intimées de choisir une image de cet immeuble pour l'intégrer dans le dépliant publicitaire, est totalement abusive et lui cause un préjudice réel, le fait que les intimées aient acheté cette reproduction chez un photographe rouennais prouvant bien que la façade restaurée représente une valeur commerciale ; qu'en énonçant, sans répondre à ce moyen particulièrement pertinent qu'elle "ne démontre pas l'existence du préjudice invoqué par elle et d'une atteinte à son droit de propriété", la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 544 du Code civil ; 3 ) qu'elle faisait également valoir dans ses conclusions d'appel en visant les cartes postales de la façade historique de Hôtel de Girancourt qu'elle édite et qu'elle avait régulièrement produites, que les mentions portées au verso de ces pièces confirment sa volonté de conserver à son usage exclusif le droit de reproduire la façade de l'hôtel ou de concéder une autorisation quand elle estime que les conditions sont réunies ; qu'en s'abstenant totalement de se prononcer sur la valeur de ces pièces qu'elle avait régulièrement versées aux débats à l'appui de ses prétentions, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1353 du Code civil et 455 du nouveau Code de procédure civile ; Mais attendu que le propriétaire d'une chose ne dispose pas d'un droit exclusif sur l'image de celle-ci ; qu'il peut toutefois s'opposer à l'utilisation de cette image par un tiers lorsqu'elle lui cause un trouble anormal ; Et attendu que les énonciations de l'arrêt font apparaître qu'un tel trouble n'était pas établi ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; Condamne la SCP Hôtel de Girancourt aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de la société Publicis Hourra et de la société SCIR Normandie ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, siègeant en Assemblée plénière, et prononcé par le premier président en son audience publique du sept mai deux mille quatre. LE CONSEILLER RAPPORTEUR LE PREMIER PRESIDENT LE GREFFIER EN CHEF Moyen produit par Me Choucroy, avocat aux Conseils, pour la société civile particulière Hôtel de Girancourt. MOYEN ANNEXE à l'arrêt n° 516 (Assemblée plénière) IL EST FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE d'avoir, bien que jugeant l'action engagée par la SCP Hôtel de Girancourt recevable, dit cette action mal fondée et rejeté la demande ; AUX MOTIFS QUE "Comme l'indique la société Publicis Hourra, le droit de propriété n'est pas absolu et illimité et ne comporte pas un droit exclusif pour le propriétaire de l'image sur son bien. Il appartient alors à la société civile Hôtel de Girancourt de démontrer l'existence d'un préjudice car la seule reproduction de son bien immeuble sans son consentement ne suffit pas à caractériser le préjudice. La publication et la diffusion du dépliant avaient pour objet la commercialisation des appartements de l'ensemble à construire du Clos d'Herbouville. Sur ce document, la photographie de l'Hôtel de Girancourt, immeuble disposant d'un cachet certain et d'une qualité architecturale reconnue comme en témoigne son classement comme monument historique, était destinée à retenir l'oeil du lecteur et à attirer la clientèle. Cependant, d'un autre côté, comme le fait observer la société Publicis Hourra, la lecture du document publicitaire montrait clairement que la commercialisation portait sur les appartements du Clos d'Herbouville, que la photo de l'hôtel représenté était reproduite pour illustrer l'environnement, que cet hôtel n'y était pas nommément cité et donc pas a priori identifiable. Ainsi cette photo n'avait qu'un caractère accessoire par rapport à l'objet du document publicitaire. Il n'y a jamais été question de faire croire que l'Hôtel de Girancourt allait être vendu comme la société propriétaire l'a indiqué dans son assignation. Et il est indifférent au regard de cette discussion de dire ou de préciser, comme le fait la société civile, que l'hôtel de Girancourt est situé dans le quartier Saint Patrice alors que l'immeuble à commercialiser est dans le quartier Saint Gervais. Enfin, il est mentionné que la photographie de l'immeuble (reproduite sur le dépliant) a été acquise auprès d'un photographe rouennais, et les conditions de cette acquisition ne sont pas discutées. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la société civile Hôtel de Girancourt ne démontre pas l'existence du préjudice invoqué par elle et d'une atteinte à son droit de propriété" ; ALORS D'UNE PART QU'aux termes de l'article 544 du Code civil, "la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements" ; Que le droit de jouir emporte celui d'user de la chose dont on est propriétaire et de l'exploiter personnellement ou par le truchement d'un tiers qui rémunère le propriétaire, ce droit ayant un caractère absolu et conduisant à reconnaître au propriétaire un monopole d'exploitation de son bien, sauf s'il y renonce volontairement ; Qu'en énonçant que "le droit de propriété n'est pas absolu et illimité et ne comporte pas un droit exclusif pour le propriétaire sur l'image de son bien" pour en déduire qu'il appartenait à l'exposante de démontrer l'existence d'un préjudice car la seule reproduction de son bien immeuble sans son consentement ne suffit pas à caractériser le préjudice, la Cour d'appel a violé l'article 544 du Code civil ; ALORS D'AUTRE PART QUE l'exposante faisait valoir dans ses conclusions d'appel (signifiées le 10 juillet 2001 p. 12, 13 et 18) que l'utilisation à des fins commerciales de la reproduction de la façade de l'Hôtel de Girancourt sans aucune contrepartie financière pour elle, qui a supporté un effort financier considérable pour la restauration de l'hôtel particulier ainsi qu'en témoignent les photographies de l'immeuble avant et après les travaux, restauration qui a permis aux intimées de choisir une image de cet immeuble pour l'intégrer dans leur dépliant publicitaire, est totalement abusive et lui cause un préjudice réel, le fait que les intimées aient acheté cette reproduction chez un photographe rouennais prouvant bien que la façade restaurée représente une valeur commerciale ; Qu'en énonçant, sans répondre à ce moyen particulièrement pertinent, que l'exposante "ne démontre pas l'existence du préjudice invoqué par elle et d'une atteinte à son droit de propriété", la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 544 du Code civil ; ALORS ENFIN QUE l'exposante faisait également valoir dans ses conclusions d'appel, (ibidem p. 16) en visant les cartes postales de la façade historique de l'Hôtel de Girancourt qu'elle édite et qu'elle avait régulièrement produites, que les mentions portées au verso de ces pièces confirment sa volonté de conserver à son usage exclusif le droit de reproduire la façade de l'hôtel ou de concéder une autorisation quand elle estime que les conditions sont réunies ; Qu'en s'abstenant totalement de se prononcer sur la valeur de ces pièces régulièrement versées aux débats à l'appui des prétentions de l'exposante, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1353 du Code civil et 455 du nouveau Code de procédure civile. LE GREFFIER EN CHEF.