Cour de Cassation, Chambre sociale, du 10 mars 2004, 01-46.369, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu que M. X... a été embauché par la société Euroloisirs le 9 août 1987 ; qu'il a été licencié le 2 novembre 1996 ; qu'il a saisi le conseil de prud'hommes de diverses demandes ; que, par arrêt du 10 janvier 2000, la cour d'appel de Grenoble a dit le licenciement pourvu d'une cause réelle et sérieuse, a condamné la société à payer au salarié une somme à titre de primes, et ordonné une expertise sur les heures supplémentaires et astreintes réclamées par le salarié ;

Attendu que, par arrêt du 20 février 2002, la chambre sociale de la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi principal du salarié, et sur le pourvoi incident de l'employeur, cassé l'arrêt en ses dispositions relatives aux primes et déclaré le moyen portant sur les heures supplémentaires et les astreintes irrecevable, la cour d'appel s'étant bornée en son dispositif à ordonner une mesure d'expertise ; que, par arrêt du 17 septembre 2001, la cour d'appel de Grenoble a statué après expertise ; que l'employeur a, le 16 novembre 2001, formé un pourvoi contre les deux arrêts de la cour d'appel de Grenoble ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt du 10 janvier 2000 d'avoir enjoint à l'expert de quantifier le nombre hebdomadaire et mensuel d'heures de travail du salarié et de calculer les sommes dues en fonction des majorations légales et repos compensateur applicable aux heures supplémentaires et à l'arrêt subséquent du 17 septembre 2001, d'avoir condamné sur cette base la société Euroloisirs, à verser à M. X... des sommes à titre d'heures supplémentaires et congés payés afférents et de repos compensateur, alors, selon le moyen :

1 / qu'en énonçant dans son arrêt du 10 janvier 2000 qu'il "ne ressort pas de la lecture des documents contractuels qu'une convention de forfait respectant les critères précités ait été convenue", la cour d'appel qui fait abstraction des dispositions de la convention collective expressément invoquées, selon lesquelles et étant donné le rôle dévolu aux agents de maîtrise, il est fréquent que leurs heures de présence ne puissent être fixées d'une façon rigide ; elles correspondent aux nécessités de l'organisation du travail et de la surveillance de son exécution et les appointements des agents de maîtrise ont un caractère forfaitaire et tiennent compte des dépassements d'horaires liés à la fonction, ne met pas la Cour de Cassation en mesure de savoir si le contrat de travail intégrait ou non un tel forfait et prive sa décision de toute base légale au regard des articles 11 et suivants de ladite convention collective ;

2 / que la rémunération forfaitaire est licite pour autant qu'elle permette au salarié de percevoir, au moins, la rémunération à laquelle il peut légalement prétendre, y compris les majorations prévues pour les heures supplémentaires et que sa licéité suppose donc nécessairement une comparaison entre le forfait et le salaire minimum conventionnel augmenté des heures supplémentaires ; que méconnaît ce principe en violation des articles L. 212-5 et suivants du Code du travail l'arrêt du 10 janvier 2000 qui énonce, au contraire, que "la rémunération forfaitaire retenue est au minimum égale à la rémunération que le salarié percevrait si toutes les heures de travail étaient rémunérées selon les modalités habituelles avec application d'une majoration pour les heures supplémentaires" et qui décide, en conséquence, d'allouer la majoration légale calculée sur la base du salaire contractuel pour toute heure effectuée en sus de l'horaire normal, sans qu'il y ait lieu de se référer au salaire minimum conventionnel ;

Mais attendu que même si le principe en est posé par la Convention collective, le paiement des heures supplémentaires selon un forfait ne peut résulter que d'un accord particulier entre l'employeur et le salarié ;

Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté qu'aucun document contractuel ne prévoyait de conversion de forfait et que la rémunération du salarié correspondait à une durée de travail de 169 heures par mois, a, sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu que l'employeur fait encore grief à l'arrêt du 10 janvier 2000 d'avoir donné mission à l'expert de quantifier le nombre d'heures d'astreinte et à l'arrêt du 17 septembre 2001 d'avoir condamné la société Euroloisirs à payer à M. X... des sommes à titre de l'indemnisation des astreintes et des congés payés afférents alors, selon le moyen :

1 / que l'astreinte est une période pendant laquelle le salarié a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité de celui-ci et que viole l'article 455 du nouveau Code de procédure civile l'arrêt qui laisse dépourvue de toute réponse les conclusions de l'exposante faisant valoir que l'organisation de la "permanence" litigieuse consistait seulement à donner à la société de surveillance le numéro d'appel du "permanent", et si celui-ci n'était pas chez lui, le numéro d'appel d'un cadre ou d'un directeur, de sorte qu'il n'était pas possible de considérer comme étant "à la disposition permanente de l'employeur" le cas des chefs de rayon qui demeuraient libres de vaquer à leurs occupations personnelles durant les périodes de permanence effectuées la nuit et les week-ends ;

2 / qu'à défaut de convention ou d'accord collectif fixant le mode de rémunération de l'astreinte, le salarié concerné ne peut prétendre qu'à de simples compensations financières ou en repos, lesquels ne sauraient correspondre au plein du salaire horaire qui n'est dû qu'en cas d'intervention effective, de sorte que, prive sa décision de toute base légale au regard de l'article 1147, L. 140-1, L. 212-4 et L. 212-4-bis du Code du travail, l'arrêt qui considère qu'il y a lieu d'allouer à M. X... le plein de son salaire horaire ;

Mais attendu que la cour d'appel qui a constaté l'absence de dispositions conventionnelles ou contractuelles quant à la rémunération des heures d'astreintes, a apprécié souverainement le montant de la rémunération revenant au salarié ; que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Castorama France venant aux droits de la SA Euroloisirs aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Castorama France, venant aux droits de la SA Euroloisirs, à payer à M. X... la somme de 2 200 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille quatre.

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