Cour de Cassation, Chambre sociale, du 26 mars 2002, 00-40.898, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu que Mme X..., engagée le 2 juillet 1970 par la société FMC Europe, a été licenciée pour motif économique le 28 mars 1994 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que Mme X... fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen :

1° que c'est à la date du licenciement pour motif économique qu'il importe de se placer pour vérifier ce qu'il en est de l'existence même des difficultés économiques ; que la salariée insistait sur le fait que la société avait procédé à un licenciement économique collectif dans la plus grande précipitation au mois de mars 1994 et alors même que les résultats 1993 n'étaient pas encore définitifs et qu'en toute hypothèse, le chiffre d'affaires 1993, en baisse de 9 %, dégage un résultat net négatif non significatif de moins de 1 % du chiffre d'affaires ; qu'en infirmant le jugement entrepris aux motifs que les prévisions de pertes de commandes se sont effectivement concrétisées puisque le chiffre d'affaires 1994 était nettement inférieur à celui de 1993 et que le déficit s'est accentué pour atteindre le chiffre de 18 900 000 francs, la société devant encore procéder à de nouveaux licenciements économiques en 1996, le résultat de 1995 se révélant toujours déficitaire malgré la réduction des coûts salariaux, en sorte qu'il apparaît que la société a connu en 1993 des résultats négatifs qui, s'ils ne caractérisaient pas de réelles difficultés économiques, justifiaient compte tenu du contexte économique global, du marché pétrolier et de son évolution prévisible et de la nécessité non contestée pour la société de maintenir sa compétitivité vis-à-vis des sociétés concurrentes, qu'il soit procédé au licenciement de Mme X..., le poste ayant bien été supprimé, la cour, qui omet de tenir compte d'un licenciement collectif pour motif économique et qui statue à partir de considérations insuffisantes et inopérantes en ne se plaçant pas à la date de licenciement pour se prononcer sur la réalité et le sérieux du motif économique allégué, ne justifie pas légalement son arrêt au regard des articles L. 122-14-3 et L. 321-1 du Code du travail ;

2° que la cour d'appel constate elle-même que si la société a connu en 1993 des résultats négatifs, ceux-ci ne caractérisent pas de réelles difficultés économiques en sorte qu'en se contentant de se référer à un contexte économique global du marché pétrolier et de son évolution prévisible et de la nécessité prétendument non contestée pour la société de maintenir sa compétitivité vis-à-vis des sociétés concurrentes, sans préciser en quoi, ce faisant, il convenait de procéder notamment au licenciement de Mme X..., son poste ayant été supprimé, la cour d'appel ne justifie pas davantage son arrêt au regard des textes cités au précédent élément de moyen puisqu'au moment de la rupture du contrat de travail, au début de l'année 1994, a été constaté par la cour d'appel elle-même que les résultats négatifs enregistrés en 1993 ne caractérisaient pas de réelles difficultés économiques ;

3° que, par ailleurs, les juges du fond doivent se prononcer en fait sur le point de savoir si la réorganisation de l'entreprise décidée l'est bien pour sauvegarder la compétitivité de ladite entreprise, la réorganisation devant être décidée dans l'intérêt supérieur de l'entreprise ; qu'en se contentant à cet égard d'affirmations générales et abstraites et en ne se prononçant nullement de façon concrète par rapport à la situation au moment du licenciement, la cour d'appel ne justifie légalement son arrêt au regard des articles L. 122-14-3 et L. 321-1 du Code du travail ;

4° que la salariée, reprenant l'analyse des premiers juges s'agissant de l'exercice 1994 insistait sur le fait que le déficit dudit exercice était artificiel puisque des sommes très importantes à caractère exceptionnel ont été comptabilisées en charges ; qu'en statuant comme elle l'a fait, pour infirmer le jugement sans tenir compte de ce moyen central, la cour d'appel méconnaît ce qu'implique l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel a rappelé que le licenciement économique de la salariée était motivé dans la lettre de licenciement non par des difficultés économiques mais par une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

Et attendu qu'ayant justement énoncé que si le motif économique de licenciement devait s'apprécier à la date du licenciement il pouvait être tenu compte d'éléments postérieurs pour cette appréciation, la cour d'appel, qui a relevé au vu des résultats déficitaires de 1994 et 1995 que les prévisions en 1993 d'une dégradation de sa situation économique dans les années à venir s'étaient révélées exactes, a pu décider que la réorganisation entreprise en 1993 était indispensable à la sauvegarde de sa compétitivité ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu l'article L. 321-1 du Code du travail ;

Attendu que, pour décider que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a énoncé que dans le cadre du plan social l'employeur avait recensé l'ensemble des emplois disponibles tant au sein de la société qu'au sein des sociétés du groupe, qu'aucun poste n'avait pu être proposé à Mme X..., que sa proposition de travail à mi-temps n'avait pu être acceptée faute d'emploi disponible ;

Attendu, cependant, que, dans le cadre de son obligation de reclassement de tout salarié dont le licenciement économique est envisagé, il appartient à l'employeur, même quand un plan social a été établi, de rechercher s'il existe des possibilités de reclassement, prévues ou non dans le plan social, et de proposer aux salariés dont le licenciement est envisagé des emplois disponibles ;

Qu'en se bornant à constater que l'employeur avait recensé dans le cadre du plan social les emplois disponibles au sein de la société et dans les entreprises du groupe, sans vérifier si l'employeur avait effectivement recherché des possibilités de reclassement de la salariée, prévues ou non dans le plan social, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le troisième moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 décembre 1999, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.

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