Cour de Cassation, Chambre civile 2, du 11 juillet 2002, 00-21.346, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'au cours d'un jeu consistant à faire des ronds de fumée avec un briquet allumé en compagnie de son camarade Cyril X..., âgé comme elle de 14 ans, Stéphanie Y... a provoqué l'incendie et la destruction de la grange dans laquelle se déroulait le jeu et d'autres bâtiments dépendant de la propriété de ses parents ; que M. Y..., père de Stéphanie et son assureur la compagnie La Comtoise, qui a garanti le sinistre, ont assigné Mme Z..., en qualité de civilement responsable de son fils Cyril X... et son assureur, la Garantie mutuelle des fonctionnaires (GMF) assurances en remboursement de la moitié de l'indemnité de sinistre et en réparation ; que Mme Z... a mis en cause son assureur de responsabilité civile parentale la Mutuelle accidents élèves des Pyrénées Orientales, aux lieu et place de laquelle est intervenue la Mutuelle assurance de l'Education (la MAE) ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal de Mme Z..., de M. Cyril X... et de la GMF, et sur le moyen unique du pourvoi provoqué de la MAE, réunis :

Vu l'article 1384, alinéa 1er, du Code civil ;

Attendu que pour condamner in solidum Mme Z..., ès qualités et la GMF à payer à la compagnie La Comtoise une certaine somme et pour dire que la MAE devra contribuer avec la GMF au paiement de cette somme, selon les modalités prévues à l'article L. 121-4 du Code des assurances, l'arrêt confirmatif énonce, par motifs propres, que la participation de Cyril X... au jeu consistant à faire des ronds de fumée avec un briquet est clairement établie au vu des pièces produites et qu'il a donc joué un rôle positif dans la survenance du sinistre, et, par motifs adoptés, que la notion de garde collective d'une chose doit être retenue dans le cas d'une action simultanée exécutée dans le cadre d'une activité concertée, notamment lorsqu'une utilisation privative de la chose dissimule un pouvoir de décision partagé ; que Cyril X... et Stéphanie Y... jouaient ensemble dans la grange assis sur des balles de foin à faire des ronds de fumée avec un briquet trouvé par Stéphanie chez ses parents ; qu'au cours de son audition, Stéphanie Y... avait expliqué qu'au moment où le feu s'était communiqué à la balle de foin, elle essayait de faire des ronds de fumée avec le briquet, alors que Cyril X... venait de lui montrer comment il fallait s'y prendre ; que cette version des faits, non contestée par Cyril, démontrait que les deux enfants qui participaient à un jeu commun ont exercé tour à tour un pouvoir matériel sur le briquet ; qu'au moment où le feu s'est déclaré, la "petite fille" était seule à le manipuler ;

qu'en revanche le "petit garçon" exerçait un réel pouvoir de direction sur la chose dans la mesure où il donnait des instructions sur la manière de s'en servir pour aboutir au but commun recherché : la réalisation des ronds de fumée ; qu'en conséquence, les deux enfants devaient être considérés comme co-gardiens de la chose à l'origine du dommage ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il résultait de ces constatations et énonciations que si Cyril X... avait antérieurement fait une démonstration du jeu qu'ils avaient ensemble décidé de pratiquer, cette circonstance n'était pas à elle seule de nature à lui conférer l'exercice de la garde du briquet en commun avec Stéphanie Y... dès lors qu'au moment de l'embrasement du foin par la flamme du briquet, Stéphanie Y... exerçait seule sur cette chose les pouvoirs d'usage, de contrôle et de direction qui caractérisent la garde, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 octobre 2000, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;

Condamne la compagnie d'assurances Mutuelles assurances de l'Education (MAE), M. Y... et la compagnie d'assurances La Comtoise aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de Mme Z..., de M. X... et de la Garantie mutuelle des fonctionnaires, d'une part, de M. Y... et de la compagnie d'assurances La Comtoise, de deuxième part, de la compagnie d'assurances Mutuelles assurances de l'Education de troisième part ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juillet deux mille deux.

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