Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 13 novembre 2002, 95-18.994, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt déféré (Rouen, 29 juin 1995), que, par acte du 6 juin 1989, M. X... s'est porté caution de la société Edition presse professionnelle (la société), dont il était le président du conseil d'administration, envers le Crédit industriel de Normandie (la banque) ;

que, par acte du 22 juin 1989, M. X... a consenti au profit de la banque une inscription de nantissement de titres ; que la société ayant été mise en redressement judiciaire, la banque a assigné la caution en exécution de ses engagements ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que M. X... reproche à l'arrêt de l'avoir condamné, en qualité de caution, à payer à la banque les sommes de 300 000 francs et 147 164, 58 francs, alors, selon le moyen :

1 ) que le dol du débiteur principal entraîne la nullité de l'engagement de caution ; qu'en effet, le cautionnement n'est que l'accessoire d'une obligation principale dans lequel le débiteur principal est partie, si bien que ce dernier n'est pas un tiers au contrat de cautionnement ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles 1116, 2011 et 2012 du Code civil et 4 du Code de procédure pénale ;

2 ) que, dans ses écritures d'appel, M. X... avait demandé un sursis à statuer dans l'attente de la décision de la juridiction pénale statuant sur la plainte déposée contre M. Y..., en invoquant son erreur résultant du comportement de M. Y... ; qu'en rejetant cette demande, sans rechercher si M. X... avait commis une erreur ayant vicié son consentement, la cour d'appel a violé les articles 1109 du Code civil, 4 du Code de procédure pénale et 455 du nouveau Code de procédure civile ;

3 ) que pour justifier le prononcé du sursis à statuer dans l'attente de la décision pénale, M. X... avait soutenu que la signature de son épouse figurant dans l'acte de cautionnement avait été imitée, que ce cautionnement ne porte pas sur des biens propres de M. X..., si bien que sa validité supposait l'accord de son épouse ; qu'en rejetant cette demande de sursis à statuer, au motif que l'imitation de la signature de Mme X... ne pouvait avoir aucune influence sur la validité de l'engagement de son mari sur ses biens propres, la cour d'appel a méconnu les termes clairs et précis du contrat de cautionnement et violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, que M. X... n'a pas soutenu, dans ses conclusions d'appel, que M. Y... dont le comportement était en cause, aurait exercé dans la société débitrice principale des fonctions lui faisant perdre la qualité de tiers au contrat de cautionnement ;

Attendu, d'autre part, que M. X... a fait valoir, devant les juges du fond, que son consentement avait été vicié par l'erreur provoquée par les manoeuvres dolosives de M. Y... ; qu'ainsi, ayant retenu que le dol ne peut être invoqué que dans le cas où les manoeuvres émanent de l'une des parties contractantes, la cour d'appel, qui n'était pas tenue d'effectuer la recherche invoquée par la deuxième branche, a, en l'état des conclusions qui lui étaient soumises, légalement justifié sa décision ;

Attendu, enfin, que l'arrêt retient exactement, sans dénaturer l'acte de cautionnement, que l'issue de la plainte déposée contre M. Y... qui aurait contrefait la signature de Mme X... ne peut avoir aucune incidence sur la validité de l'engagement de M. X... ;

D'où il suit que nouveau, et mélangé de fait et de droit, le moyen est irrecevable en sa première branche et mal fondé pour le surplus ;

Et sur le second moyen, pris en ses deux branches, après avis de la première chambre civile sur la première branche :

Attendu que M. X... fait encore le même grief à l'arrêt, alors, selon le moyen :

1 ) que chaque époux ne peut, par un cautionnement, engager que ses biens propres et ses revenus ; que l'acte accompli par un époux en violation de ses pouvoirs sur les biens communs est nul, et pas seulement inopposable à l'autre époux ; qu'en retenant cependant que l'acte de nantissement conclu par le mari seul était valable, au motif que l'absence de signature de son épouse avait pour seul effet de rendre cet acte inopposable à celle-ci, la cour d'appel a violé les articles 1415 et 1427 du Code civil ;

2 ) que le nantissement d'un meuble ne donne au créancier que le droit de se faire payer sur la chose, et non d'obtenir la condamnation du débiteur au paiement de dommages-intérêts d'une valeur égale à celle de l'objet nanti ; que la cour d'appel a relevé que la banque ne pouvait appréhender les Sicav appartenant à la communauté ;

qu'en condamnant cependant le débiteur à payer au créancier la valeur de ces Sicav, la cour d'appel a violé les articles 2073 et 2078 du Code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'il résulte des dispositions de l'article 1415 du Code civil qu'un cautionnement contracté sur des biens communs par un seul des époux, sans le consentement exprès de l'autre, est inopposable à la demande de l'un ou l'autre des époux, mais qu'il n'en demeure pas moins valable, la caution restant tenue envers le créancier sur ses biens propres et ses revenus, dans la double limite de la somme garantie et de la valeur du bien engagé, appréciée au jour de la demande d'exécution de la garantie ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que M. X... avait consenti un cautionnement réel et que les actes des 6 et 22 juin 1989 comportaient des clauses aux termes desquelles ces engagements étaient indépendants, la cour d'appel, qui a retenu que la banque avait déclaré une créance de 693 046 francs, montant du solde débiteur du compte ouvert à la banque par la société, et de 88 267 francs, montant d'encours d'escomptes, a condamné la caution, d'un côté, à la somme de 300 000 francs en principal, à concurrence de laquelle elle s'était engagée par le premier acte, et d'un autre côté, à concurrence de la valeur des biens donnés en nantissement par le second acte ;

D'où il suit qu'en statuant comme elle a fait, la cour d'appel a légalement justifié sa décision sans encourir les griefs du moyen ; que celui-ci n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande du Crédit industriel de Normandie ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le conseiller doyen faisant fonctions de président en son audience publique du treize novembre deux mille deux.

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