Cour de Cassation, Chambre sociale, du 22 mai 2001, 99-41.838 99-41.970, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu leur connexité, joint les pourvois n°s 99-41.970 et 99-41.838 ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° 99-41.970 formé par le salarié :

Attendu que M. Benoit Y... a été embauché par la société Expertises Galtier à compter du 2 mars 1987 en qualité de collaborateur commercial avec la qualification d'inspecteur régional ; qu'après avertissement de son employeur pour insuffisance persistante de ses résultats et pour carences et négligences relevées dans l'exécution de sa tâche, il a été licencié par lettre du 7 juin 1995 pour insuffisance de ses résultats commerciaux rendant illusoire la réalisation de ses objectifs et de l'absence de prise en compte des directives données par le directeur commercial ;

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt attaqué (Lyon, 1er février 1999) d'avoir décidé que son licenciement était justifié par une cause réelle et sérieuse et de l'avoir débouté de sa demande en paiement d'une indemnité de licenciement alors, selon le moyen :

1° que l'insuffisance des résultats n'est susceptible d'être constitutive d'une cause réelle et sérieuse de licenciement que si les objectifs prétendument méconnus par le salarié ont fait l'objet d'un accord entre les parties au contrat de travail ; qu'en décidant le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, sans avoir vérifié comme il le lui était pourtant demandé, si les objectifs assignés à M. Y... avaient fait l'objet d'un accord des parties, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;

2° qu'en l'absence de contractualisation des objectifs, le licenciement pour insuffisance de résultats ne pouvait être justifié que s'il était démontré que ladite insuffisance procède d'une cause objective imputable au salarié ; qu'en se bornant à constater que les résultats de M. Y... étaient inférieurs à ceux d'un autre salarié auquel un objectif identique avait été " imposé " par l'employeur, sans énoncer en quoi les résultats prétendument insuffisants auraient été déterminés par une cause objective, imputable à M. Y..., la cour d'appel a de nouveau privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que les objectifs peuvent être définis unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction ;

Et attendu qu'après avoir vérifié que les objectifs ainsi définis étaient réalistes, la cour d'appel a constaté qu'en dépit d'une mise en garde le 28 avril 1994 et d'un avertissement le 7 avril 1995, les résultats de M. Y... n'avaient cessé de se dégrader sans que l'intéressé puisse imputer cette baisse à des causes extérieures ; que par ces motifs, la cour d'appel a pu retenir l'existence d'une faute du salarié ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le pourvoi n° 99-41.838 de l'employeur :

Sur les moyens réunis :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que M. Y... était bien fondé à revendiquer le statut de VRP et d'avoir condamné la SA Expertise Galtier à lui verser la somme de 150 000 francs à titre d'indemnité de clientèle, alors, selon les moyens :

1° que lorsque la modification du secteur d'activité se fait selon les besoins de l'entreprise et que cette modification intervient à plusieurs reprises, le statut légal de VRP doit être écarté ; qu'en l'espèce, la cour d'appel constate elle-même que le secteur d'activité de M. Y... a connu plusieurs modifications " de 1988 à janvier 1995, puis à mars 1995, qualifiées de " minimes " ; qu'il n'est pas contesté que ces modifications ont été décidées unilatéralement par l'employeur sans que le salarié s'y oppose ; qu'en décidant malgré tout que M. Y... pouvait bénéficier du statut de VRP, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations de fait les conséquences légales qui s'imposaient et a violé l'article L. 751-1 du Code du travail ;

2° que pour bénéficier du statut de VRP, le salarié concerné doit exercer son activité dans un secteur exclusif ; qu'à supposer que deux ou plusieurs salariés prospectent le même secteur, chacun d'eux doit alors être rémunéré en fonction des prises d'ordre par lui effectuées, permettant ainsi de déterminer ses clients personnels, apportés ou créés par lui, générateurs du droit à l'indemnité de clientèle ; qu'il est constant, en l'espèce, que le secteur dans lequel M. Y... exerçait son activité a été " pendant une période " (six ans) " prospecté par un autre salarié " (M. X...) ce qui a entraîné des " accords relatifs à la répartition des commissions générées par l'activité commune " ; qu'il résulte nécessairement de ces constatations que chacun de ces salariés ne percevait pas une rémunération correspondant à son activité propre et n'avait pas l'exclusivité de clients visités ; qu'en décidant malgré tout que M. Y... pouvait prétendre à la qualité de VRP, la cour d'appel a violé l'article L. 751-9 du Code du travail ;

3° que la SA Expertises Galtier avait fait valoir dans ses conclusions que " M. Y... ne peut démontrer la part personnelle qu'il a prise dans ce développement de la clientèle de la société Expertises Galtier en nombre et en valeur " ; que la cour d'appel s'est contentée, en réponse, d'affirmer " que M. Y... est en droit d'obtenir l'indemnité de clientèle prévue à l'article L. 751-9 du Code du travail " ; que cette insuffisance de motif correspond à un défaut de motifs ; qu'ainsi, l'arrêt a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

4° que l'indemnité de clientèle représente la part qui revient personnellement au salarié dans l'importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui ; qu'en constatant que " pendant une période " (sans préciser sa durée) M. Y... avait prospecté en commun avec un autre salarié et qu'ils se répartissaient entre eux, les " commissions générées par l'activité commune " la cour d'appel n'a pas caractérisé en quoi M. Y..., pendant cette période indéterminée, avait personnellement apporté, créé ou développé une clientèle lui ouvrant droit à l'indemnité afférente ; qu'ainsi, l'arrêt a violé l'article L. 751-9 du Code du travail ;

5° que la cour d'appel ne pouvait sans se contredire, reconnaître d'un côté que " en dépit d'une mise en garde du 28 avril 1994 et d'un avertissement donné le 7 avril 1995, les résultats commerciaux de M. Y... ont persisté à se dégrader " et que " le salarié ne peut imputer à des causes extérieures la baisse des résultats enregistrés " et d'un autre côté, affirmer sans autre démonstration, que ce salarié avait créé et développé une clientèle ; qu'ainsi, l'arrêt a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, d'abord, qu'après avoir relevé que M. Y... était chargé de prospecter la clientèle et de prendre des ordres pour le compte de son employeur, moyennant une rémunération constituée en totalité par des commissions liées aux prises de commandes sur un secteur géographique, la cour d'appel a justement décidé qu'il devait bénéficier du statut de VRP ;

Et attendu, ensuite, que, répondant aux conclusions, la cour d'appel a constaté que M. Y... avait contribué à l'accroissement en nombre et en valeur de la clientèle et a estimé l'indemnité lui revenant de ce chef ; que les moyens ne peuvent être accueillis ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois.

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