Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 26 mars 2002, 99-13.810, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 21 janvier 1999), que le 12 juin 1990, M. X..., alors employé par la Banque régionale d'escompte et de dépôt (BRED), et son épouse qui venait d'en démissionner, ont obtenu de celle-ci, pour une durée initiale de six mois prorogée à deux reprises, un prêt relais de 1 828 000 francs destiné à leur permettre d'acquérir un bien immobilier sans attendre la vente de leur pavillon ; que la BRED a réclamé judiciairement le remboursement de ce prêt ; que M. et Mme X... ont invoqué reconventionnellement la responsabilité de la banque pour leur avoir accordé sans discernement un crédit excédant la valeur du bien mis en vente, sans considération de leurs capacités de remboursement déjà obérées par d'autres prêts et sollicité la réduction du taux d'intérêt du prêt, usuraire, d'après eux depuis 1993 ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs prétentions, alors, selon le moyen, qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la BRED savait nécessairement qu'ils ne pourraient pas rembourser le prêt relais d'un montant de 1 828 000 francs en une seule fois grâce à la vente de leur pavillon du Perreux-sur-Marne, compte tenu tant de la valeur de ce dernier que des autres emprunts, immobiliers et à la consommation, qu'ils avaient contractés auprès de la même banque ; que même si, du fait des relations privilégiées qu'elle avait avec eux, ils pouvaient normalement bénéficier d'un réaménagement des modalités de remboursement du prêt relais, leur capacité à rembourser dépendait nécessairement de leurs revenus déjà obérés par les autres prêts ; qu'ils faisaient valoir que la démission de Mme X..., provoquée par la mutation de son mari à Monaco, avait été convenue dès l'origine entre les parties, et donnée par courrier du 4 juin 1990 ; qu'il est constant que le prêt litigieux a été accordé le 12 juin 1990 et donc à un moment où la BRED savait que Mme X... n'était plus sa salariée et donc qu'ils ne disposeraient plus, a priori, que du seul salaire du mari pour vivre et rembourser leurs différents emprunts ; que par suite, quelles qu'aient été les connaissances en matière bancaire qu'ils avaient du fait de leurs fonctions, celles-ci pouvaient seulement faire échapper la banque à son obligation d'information et de conseil ; et que la cour d'appel qui n'a pas recherché quels étaient exactement, au moment de l'octroi du prêt relais, aussi bien leurs ressources que le niveau de leur endettement a, en affirmant que la banque ne pouvait se voir reprocher une légèreté fautive et un manque de discernement, violé les articles 1134 et 1147 du Code civil ;

Mais attendu que le prêt litigieux ayant été demandé par les époux X..., et ceux-ci n'ayant jamais prétendu que la BRED aurait eu sur la fragilité de leur situation financière des informations qu'eux-mêmes auraient ignorées, les juges du fond ont pu statuer comme ils ont fait ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen :

Attendu que M. et Mme X... font encore grief à l'arrêt d'avoir dit que le taux d'intérêt du prêt n'avait pas à être réduit, alors, selon le moyen, que la loi du 28 décembre 1966 sur le taux d'usure est d'ordre public ; qu'elle s'applique de plein droit, aux contrats en cours ; que la loi nouvelle régit les effets juridiques non réalisés des contrats à exécution successive conclus avant son entrée en vigueur ; que le taux d'usure en vigueur fixé pour chaque trimestre s'applique dès lors aux échéances contemporaines des contrats de prêts ; qu'en se bornant à comparer le taux fixe effectif global du prêt litigieux avec le taux d'usure en vigueur à la date de l'octroi du prêt relais, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions des articles 1er et 18 de la loi du 28 décembre 1966 et des articles 1134 et suivants du Code civil ;

Mais attendu que constitue un prêt usuraire au sens de l'article L. 313-3 du Code de la consommation, tout prêt conventionnel consenti à un taux effectif global qui excède, au moment où il est consenti, de plus du tiers, le taux effectif moyen pratiqué au cours du trimestre précédent par les établissements de crédit pour les opérations de même nature comportant des risques analogues, telles que définies par l'autorité administrative après avis du Conseil national du crédit ; qu'ayant relevé que le taux effectif global du prêt litigieux, qui s'établissait à 15,05 %, était inférieur au taux d'usure fixé pour la période de juin 1990 où il avait été consenti, à 17,96 %, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Par ces motifs :

REJETTE le pourvoi.

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