Cour de Cassation, Chambre sociale, du 18 mai 2000, 98-22.771, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu que, le 8 décembre 1992, Hugues Y..., employé de la société de transports exceptionnels MKTS, en qualité de servant de voiture-pilote, a été mortellement blessé lors d'une manoeuvre de déchargement, à la suite de la rupture d'une sangle ; que, par jugement irrévocable, un salarié, chauffeur de la société MKTS, et le président-directeur général de cette société ont été condamnés des chefs d'homicide involontaire et infraction aux règles relatives à l'hygiène et à la sécurité du travail ; que les grands-parents, frères et soeur d'Hugues Y... ont demandé la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur et la réparation de leur préjudice moral ; que leurs prétentions ont été accueillies ;

Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :

Attendu que la société MKTS fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi statué alors, selon le moyen, 1° que même pénalement sanctionnée, une faute n'est pas nécessairement inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale ; qu'en s'abstenant de caractériser un lien direct et déterminant entre l'absence de formation à la sécurité pour laquelle M. X..., dirigeant de la société MKTS, avait effectivement été pénalement condamné, et l'erreur dans le choix de l'élingue dont la rupture était à l'origine de l'accident, alors même que cette erreur était le fait d'un autre salarié hautement qualifié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article précité ; alors, 2° que la faute inexcusable de l'employeur ne peut être retenue lorsque la cause déterminante de l'accident réside dans la faute d'un autre salarié n'ayant pas la qualité de substitué dans la direction ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations mêmes de l'arrêt attaqué que l'accident avait été provoqué par l'erreur de M. Z... qui avait entrepris de manoeuvrer le pont roulant au moyen d'une élingue d'arrimage au lieu d'une élingue de levage, ce dont il résultait que l'employeur ne pouvait ni prévoir ni empêcher une telle erreur d'appréciation de la part d'un salarié hautement qualifié ; qu'en décidant, cependant, que l'accident était dû à la faute inexcusable de la société MKTS, la cour d'appel a violé l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale ; alors, 3° que l'intervention d'un tiers dont la faute a contribué à la réalisation d'un accident mortel du travail est de nature à atténuer la gravité de celle de l'employeur ; qu'ayant formellement constaté que M. Z... avait commis une faute en rapport avec l'accident, laquelle avait été d'ailleurs pénalement sanctionnée, la cour d'appel devait tenir compte de cette faute dans l'évaluation des préjudices subis par les ayants droit de la victime ; qu'en accueillant dans leur intégralité les prétentions des consorts Y..., la cour d'appel a violé l'article L. 452-3, alinéa 2, du Code de la sécurité sociale, ensemble l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt, après avoir relevé qu'indépendamment des fautes personnellement commises par le chauffeur, le président-directeur général de la société MKTS avait été pénalement condamné pour homicide involontaire et pour ne pas avoir dispensé de formation renforcée à la sécurité, retient également qu'aucune consigne de sécurité n'était affichée sur le lieu du travail et que les prétendues consignes verbales de sécurité et d'organisation des tâches s'étaient révélées totalement inefficaces ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel a pu décider que l'imprudence commise par le copréposé dans le choix d'un matériel inapproprié n'enlevait pas son caractère inexcusable à la faute de l'employeur, qui était la cause déterminante de l'accident, dès lors que, sans elle, la faute du chauffeur ne se serait pas produite ;

Et attendu que la cour d'appel n'était pas tenue de prendre en considération la faute retenue à l'encontre de M. Z..., copréposé et non tiers, pour évaluer la réparation allouée aux ayants droit de la victime, dont elle a souverainement estimé le montant ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses trois premières branches ;

Mais sur la quatrième branche du moyen :

Vu les articles L. 434-7 et L. 452-3 du Code de la sécurité sociale ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que seuls peuvent demander la réparation de leur préjudice moral, sur le fondement de la faute inexcusable imputée à l'employeur, en cas d'accident suivi de mort, le conjoint, les ascendants et les descendants ;

D'où il suit qu'en accordant des dommages-intérêts sur ce fondement aux frères et soeur d'Hugues Y..., la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais uniquement en ce qu'il a alloué des dommages-intérêts aux collatéraux de la victime, l'arrêt rendu le 13 octobre 1998, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz.

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