Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 12 janvier 2000, 98-15.279, Publié au bulletin
Cour de cassation - Chambre civile 3
- N° de pourvoi : 98-15.279
- Publié au bulletin
- Solution : Cassation partielle.
- Président
- Président : M. Beauvois .
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur les deux premiers moyens, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 3 février 1998), que par contrat du 8 février 1989, les époux X... ont chargé la société Coreha de la construction d'une maison individuelle ; que la compagnie d'assurances Namur, devenue Gerling Namur (compagnie Namur) a fourni une garantie de livraison à prix convenu ; que la société Coreha a, en 1990, fait l'objet d'un plan de cession au profit de la compagnie immobilière Maisons-Phénix Méditerranée (Maisons Phénix), devenue Société française de travaux et de services ; que se plaignant de non-façons et de malfaçons entraînant un dépassement du prix, les époux X... ont assigné les Maisons Phénix et la compagnie Namur en réparation de leur préjudice ;
Attendu que la compagnie Namur fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen, 1° que le tribunal peut ordonner la cession de l'entreprise, et cette cession qui s'analyse en une vente, entraîne la décharge du débiteur et de ses garants ; qu'en constatant dès lors que par jugement du 16 mai 1990, le plan de cession des chantiers en cours de la société à responsabilité limitée Coreha a été entériné ; que le 7 juin 1990, la compagnie immobilière Phénix-Maisons Méditerranée a écrit aux époux X... pour les prévenir du transfert de leur contrat et les avertir que désormais les garanties bancaires de remboursement et de livraison à prix convenu seraient accordées par la Banque nationale de Paris, le Crédit lyonnais, le CCME et la Banque Worms, tout en considérant que demeurait tenue la compagnie d'assurances Gerling Namur, garante de la société à responsabilité limitée Coreha, la cour d'appel a violé les articles 81, 82, 86, 169 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, et l'article R. 261-11 du Code de la construction et de l'habitation ; 2° que la vente d'un contrat de construction de maison individuelle a pour objet de transférer à l'acquéreur les droits sur les constructions jusqu'à leur achèvement ; que la cour d'appel, qui n'a pas recherché si l'engagement de la société cessionnaire de reprendre en l'état l'ensemble des opérations, ne couvrait pas l'achèvement de l'ensemble de l'immeuble incluant les lots de l'acquéreur, ce qui déchargeait non seulement la société à responsabilité limitée Coreha mais également son garant, la compagnie d'assurances Gerling Namur, a ainsi privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1601-3 du Code civil ; 3° que la garantie de livraison est constituée par une caution ; que dès lors cette caution ne peut être actionnée si en vertu des règles de l'assurance dommages-ouvrage, les vices de construction doivent être pris en charge par la compagnie d'assurances de l'entrepreneur et qu'ainsi, en constatant que cet assureur dommages ouvrage n'était pas partie à l'instance tout en condamnant la caution solidaire, la cour d'appel a violé l'article R. 261-11 du Code de la construction et de l'habitation " ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a condamné le constructeur cessionnaire pour malfaçons et inachèvement de l'immeuble, a retenu, à bon droit, que la compagnie Namur, débitrice d'une garantie de livraison à prix convenu, et qui n'était pas caution de la seule société Coreha, était garante de la bonne exécution du contrat de construction de maison individuelle souscrit par les époux X..., et que les maîtres de l'ouvrage étaient fondés à s'adresser directement à ce garant sans être tenus d'exercer une action contre les assureurs " dommages-ouvrage " et " en responsabilité décennale " ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le troisième moyen :
Vu l'article R. 231-11 du Code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction résultant du décret du 27 décembre 1972 ;
Attendu que la garantie de livraison au prix convenu prévue à l'article R. 231-8 est constituée par une caution solidaire donnée par une banque ou une entreprise d'assurances agréée ; que si la personne qui s'est chargée de la construction justifie qu'elle est couverte contre les conséquences de la responsabilité civile professionnelle qu'elle peut encourir en raison de son activité et de la responsabilité mise à sa charge par les articles 2792 et 2270 du Code civil par un contrat souscrit auprès d'une société d'assurances, le garant n'est tenu à l'égard du maître de l'ouvrage que des dépassements du prix convenu excédant 5 % dudit prix ;
Attendu que pour condamner la compagnie Namur à payer aux époux X... les sommes de 75 200 francs et 36 720 francs, l'arrêt retient que la garantie de l'assureur ne s'applique pas au dépassement de prix supérieur à 5 %, mais qu'en l'espèce, le dépassement excédant 5 %, cet abattement ne peut produire effet ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le garant n'est tenu de payer que les sommes dépassant la franchise légale de 5 % du prix convenu de la construction, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il n'a pas appliqué la franchise légale de 5 % sur les sommes mises à la charge de la compagnie Namur au profit des époux X..., l'arrêt rendu le 3 février 1998, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier.