Cour de Cassation, Chambre sociale, du 10 mai 1999, 96-45.673, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1134 du Code civil ;

Attendu que Mme X... était au service de la société Hortifruit depuis 1981 en qualité d'ouvrière agricole et était occupée principalement à la cueillette des citrons ; qu'en 1992, elle a été affectée à l'engainage des bananes ; que soutenant que ce changement d'affectation visait à la sanctionner, Mme X... n'a pas repris le travail ; qu'elle a été licenciée pour faute grave le 5 juin 1992 ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale pour contester le bien fondé de la rupture et obtenir paiement de sommes à titre de dommages-intérêts et d'indemnités liées à la rupture ;

Attendu que, pour condamner la société Hortifruit à payer à la salariée une somme à titre d'indemnité de préavis, d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a d'abord rappelé que l'employeur a le droit de muter un salarié de poste à poste et que cette mutation peut répondre à des impératifs d'organisation du service ou trouver sa cause dans une appréciation de l'aptitude du salarié à tenir son poste à l'exclusion de toute considération relevant d'une procédure disciplinaire et que le changement d'affectation au sein d'un même service ne constitue pas une modification substantielle du contrat de travail, dès lors que le salarié demeure exactement dans la même situation du point de vue de sa qualification, de sa rémunération, de ses horaires et de son lieu de travail ; qu'elle a ensuite constaté que la salariée était rémunérée comme ouvrière agricole, qu'elle n'avait jamais été affectée à l'engainage des bananes et a décidé que le changement de poste ordonné avait une incidence sur les fonctions de la salariée, apportait une modification substantielle et non accessoire aux conditions d'exécution de son contrat de travail et que la salariée était bien fondée à refuser d'accomplir sa prestation de travail aux nouvelles conditions sans que cette initiative lui rende la rupture imputable ;

Attendu, cependant, que l'employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, peut changer les conditions de travail d'un salarié ; que la circonstance de la tâche donnée à un salarié soit différente de celle qu'il effectuait antérieurement, dès l'instant où elle correspond à sa qualification, ne caractérise pas une modification du contrat de travail ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, et alors qu'elle ne retient pas que la mesure prise par l'employeur correspondrait à une discrimination prohibée ou à une sanction injustifiée, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 octobre 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France, autrement composée.

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