Cour de Cassation, Chambre civile 3, du 7 janvier 1998, 95-20.785, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 2 octobre 1995), que par acte du 29 septembre 1992, Mme A..., locataire de parcelles à vigne appartenant à Mme X..., est convenue avec cette dernière de la résiliation amiable de son bail sous la condition suspensive de l'obtention d'une préretraite agricole ; que, par acte du 4 novembre 1992, Mme X... a consenti un bail sur ces parcelles à Mme Y... ; que Mme A... ayant renoncé à la préretraite a sollicité la caducité de l'acte de résiliation du bail, l'expulsion de Mme Y... et subsidiairement la condamnation de Mme X... à procéder à l'arrachage des vignes qu'elle avait plantées sur ces parcelles ;

Attendu que Mme A... fait grief à l'arrêt de déclarer valable la résiliation du bail intervenue le 29 septembre 1992, alors, selon le moyen, 1o que la condition ne peut être réputée accomplie au sens de l'article 1178 du Code civil qu'en cas d'inexécution fautive du débiteur obligé sous cette condition ; que pour déclarer valable la résiliation du bail rural subordonnée à la condition suspensive de l'obtention par Mme Z... de l'allocation de préretraite agricole, la cour d'appel a retenu qu'une fois la demande déposée, Mme Z... est revenue sur sa décision et a sollicité le classement sans suite de son dossier, de sorte qu'elle a empêché l'accomplissement de la condition ; qu'en statuant ainsi, sans retenir aucune faute de la débitrice de l'obligation, la cour d'appel a violé l'article 1178 du Code civil ; 2o que, dans ses conclusions d'appel, Mme Z... faisait valoir que compte tenu, notamment, de l'importance des charges auxquelles elle devait continuer de faire face, les allocations de préretraite agricole ne lui auraient pas permis de vivre décemment ; qu'en s'abstenant de rechercher si cette circonstance ne constituait pas un motif légitime pour Mme Z... de renoncer au bénéfice de la préretraite, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1178 du Code civil ; 3o que, dans ses conclusions d'appel, Mme Z... faisait valoir que la résiliation amiable a été faite sur un formulaire type fourni par la chambre d'agriculture et que ce même formulaire a été adressé par Mme Z... à tous les bailleurs auprès desquels elle était locataire de terrains viticoles, lesdits documents une fois complétés et signés, devant être ensuite transmis aux autorités compétentes pour servir de base au calcul des allocations de préretraite ; qu'en déduisant dès lors que rien n'obligeait Mme Z... à passer par la résiliation du bail pour connaître ses droits éventuels avant de faire ses calculs budgétaires, sans répondre à ces conclusions d'où il résultait que la remise du formulaire de résiliation était une condition nécessaire et préalable au calcul des allocations de préretraite de Mme Z..., la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'ayant constaté que rien n'obligeait Mme A... à consentir à la résiliation du bail sous condition suspensive pour connaître ses droits éventuels et relevé qu'il résultait d'un courrier de la direction départementale de l'agriculture que Mme A..., après avoir demandé ses droits à la préretraite, était revenue sur sa décision et avait sollicité le classement sans suite de son dossier, la cour d'appel, répondant aux conclusions, a pu en déduire que Mme A... avait empêché la réalisation de la condition et a légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le deuxième moyen : (sans intérêt) ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que Mme A... fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à la condamnation de Mme X... à l'arrachage des vignes plantées par ses soins sur les parcelles données à bail, alors, selon le moyen, 1° qu'il résulte des articles 35 et 36 du décret n° 53-977 du 30 septembre 1953 que les droits de plantation sont personnels à leur titulaire, rattachés au fonds planté de vignes et incessibles sauf en fin de bail au bailleur, lui-même exploitant viticole ; que les droits de replantation sont subordonnés à l'arrachage des vignes sur lesquels l'exploitant est titulaire de droits de plantation ; que dès lors le bailleur non exploitant viticole auquel n'ont pas été transférés les droits de plantation à l'expiration du bail, ne peut devenir propriétaire, en vertu de l'article 551 du Code civil, de pieds de vigne dont l'existence serait ainsi illicite ; que pour débouter Mme Z..., preneur, de sa demande tendant à voir condamner Mme X..., bailleur, à arracher les vignes plantées sur les parcelles louées, la cour d'appel a énoncé que faute pour Mme B... d'avoir arraché les pieds de vigne avant la résiliation du bail, Mme X... en était devenue propriétaire par accession ; qu'en se déterminant ainsi, après avoir constaté que Mme X..., non exploitant viticole, n'était titulaire d'aucun droit sur ces pieds de vigne, la cour d'appel a violé l'article 551 du Code civil, ensemble les articles 35-1 et 35-2 du décret du 30 septembre 1953 ; 2o que les pieds de vigne, devenus propriété du bailleur par voie d'accession en vertu de l'article 551 du Code civil, ne peuvent conférer à celui-ci, non exploitant viticole, des droits de replantation dont seul le preneur ayant planté les vignes en vertu d'un droit de plantation nouvelle, peut être titulaire ; qu'en décidant dès lors que faute pour Mme A..., preneur, d'avoir arraché les pieds de vigne avant la résiliation du bail, Mme X..., bailleresse, obtiendrait des droits de replantation du fait de l'arrachage par elle des pieds de vigne dont elle était devenue propriétaire, la cour d'appel a violé les articles 35-2 du décret n° 53-977 du 30 septembre 1953 et 551 du Code civil ;

Mais attendu que les droits de plantation et de replantation étant attachés à l'exploitation, la cour d'appel, qui a alloué à Mme A... sur le fondement des articles L. 411-69 et L. 411-71 du Code rural une indemnité de plantation, en sa qualité de preneur sortant, a retenu exactement qu'elle n'avait pas qualité pour solliciter postérieurement à l'expiration du bail, la condamnation de Mme X... à arracher des pieds de vigne devenus la propriété de celle-ci en application de l'article 551 du Code civil et a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

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