Cour de Cassation, Chambre sociale, du 18 novembre 1998, 96-42.932, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu que Mme Z..., au service de MM. Y... et X..., en qualité de secrétaire médicale, a saisi le conseil de prud'hommes le 6 avril 1992 afin de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, auquel elle reprochait le refus de paiement de primes et heures supplémentaires et l'exercice de brimades à son égard ; que, le 8 avril 1992, la salariée a commencé à travailler pour le compte de l'Assistance publique ; que, par lettre du même jour, l'employeur ignorant que la salariée avait retrouvé un emploi lui a demandé de ses nouvelles et sollicité l'envoi d'un certificat de travail ; que la salariée a été convoquée à un entretien préalable à son licenciement auquel elle ne s'est pas rendue et a été licenciée pour faute grave par lettre du 20 avril 1992 ;

Sur le quatrième moyen : (sans intérêt) ;

Mais sur les premier, deuxième, cinquième et sixième moyens, réunis :

Vu l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;

Attendu que, pour dire la rupture imputable à la salariée et pour débouter celle-ci de ses demandes en paiement d'indemnités de rupture, de dommages-intérêts pour préjudice moral et de primes de fin d'année, ainsi que pour condamner la salariée à une indemnité de préavis, la cour d'appel énonce que le 6 avril 1992 Mme Z... a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résolution judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur ; que, dès le 8 avril, Mme Z... occupait un nouvel emploi, que la procédure de licenciement engagée à compter du 16 avril 1992 par les employeurs devenait dès lors sans objet puisque le contrat de travail avait été rompu à l'initiative de la salariée et qu'ainsi, sans qu'il soit utile d'examiner les raisons qui ont suscité Mme Z... à changer d'employeur, il convient de considérer que la rupture du contrat de travail lui est imputable ; qu'elle ajoute, s'agissant de la demande en paiement de primes de fin d'année, qu'il résulte des pièces versées aux débats que les primes de fin d'année qui ont pu être versées par les employeurs n'ont pas été versées de façon constante à tout le personnel et n'étaient pas fixes dans leur montant ; que ces primes allouées de façon aléatoire et discrétionnaire revêtaient le caractère de libéralité et n'avaient pas de caractère obligatoire ;

Attendu, cependant, d'une part, que l'employeur, qui ne verse pas les rémunérations dues à leur échéance, que ces rémunérations résultent du contrat de travail, de la convention collective, d'un usage ou d'un engagement unilatéral de l'employeur, provoque la rupture du contrat de travail qui s'analyse en un licenciement ; d'autre part, que lorsqu'elle est payée en vertu d'un engagement unilatéral de l'employeur, une prime constitue un élément de salaire et est obligatoire pour l'employeur dans les conditions fixées par cet engagement, peu important son caractère variable ; qu'il ressort du dossier de la procédure que la prime litigieuse, versée par l'employeur de 1981 à 1988 était due en vertu d'un engagement unilatéral constituait un élément du salaire ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, après avoir relevé que l'employeur avait interrompu le versement de la prime, sans avoir dénoncé l'engagement unilatéral, la cour d'appel, devant laquelle il était soutenu que cette interruption avait provoqué la rupture, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a ainsi violé les textes susvisés ;

Et attendu que la cassation de l'arrêt du chef des dispositions relatives à la rupture entraîne la cassation par voie de conséquence des dispositions allouant aux employeurs une somme à titre de préavis de démission ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions déboutant Mme Z... de ses demandes en paiement d'indemnités de rupture, de dommages-intérêts pour préjudice moral, de primes de fin d'année, et la condamnant à payer une indemnité de préavis, l'arrêt rendu le 4 avril 1996, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes.

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