Cour de Cassation, Chambre sociale, du 10 décembre 1997, 94-45.254, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le premier moyen :

Vu les articles L. 412-18 et L. 514-2 du Code du travail ;

Attendu que M. X..., employé par M. Y... depuis le 4 février 1991, a été licencié pour motif économique le 3 décembre 1992 ; qu'il a été rémunéré jusqu'au 4 février 1993, date de l'expiration du délai-congé ; que, faisant valoir qu'il était candidat aux élections prudhomales du 9 décembre 1992 au moment du licenciement et qu'il a été élu conseiller prud'homme, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande tendant à la nullité de son licenciement, comme intervenu en méconnaissance du statut protecteur des représentants du personnel, et à sa réintégration ; que, par arrêt du 10 novembre 1993, la cour d'appel de Reims a fait droit à la demande ; que M. X... a saisi à nouveau la formation de référé de la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'une somme correspondant au montant des rémunérations qu'il aurait dû percevoir entre le 5 février 1993 et le 2 décembre 1993, date de sa réintégration ;

Attendu que pour décider que M. X... avait droit au paiement d'une indemnité compensatrice de perte de ses salaires du 4 février au 7 février 1993, fin de sa période de protection de candidat aux élections prud'homales, lui allouer une somme correspondante et le débouter du surplus de sa demande, la cour d'appel retient qu'il faut distinguer la période pendant laquelle M. X... bénéficiait du statut protecteur de candidat de celle après laquelle la protection ouverte par cette qualité a pris fin, sans que l'intéressé puisse se prévaloir d'un statut de conseiller prud'homme acquis postérieurement au licenciement dont il a fait constater la nullité ; qu'en effet, le versement des salaires que M. X... aurait dû percevoir jusqu'à l'expiration de la période de protection de trois mois ouverte par sa qualité de candidat aux élections prud'homales, soit du 7 novembre 1992, date de publication par le préfet des listes de candidats, au 7 février 1993 constitue une indemnisation à caractère forfaitaire de la méconnaissance par M. Y... du statut protecteur de son salarié, et qu'il ne peut en être déduit au bénéfice de l'employeur fautif les gains de remplacement qu'a pu obtenir le salarié pendant cette période, notamment de l'ASSEDIC ; qu'en revanche, le calcul de l'indemnité compensatrice des salaires perdus pour la période s'étant écoulée après l'expiration des trois mois de protection jusqu'à la réintégration qu'a demandée et obtenue le salarié doit prendre en considération les revenus de remplacement qu'il a pu obtenir entre-temps ; que M. X... ne saurait cumuler pour cette période le montant intégral de ses salaires avec les prestations de l'ASSEDIC qu'il ne conteste pas sérieusement avoir reçues ; que M. X... a été rémunéré jusqu'au 4 février 1993, date d'expiration de son préavis, alors que la période de protection de trois mois résultant de sa qualité de candidat expirait le 7 février 1993 ;

Attendu, cependant, que le licenciement d'un salarié protégé auquel sont assimilés les conseillers prud'hommes, prononcé en violation du statut protecteur, est atteint de nullité et ouvre droit, pour le salarié qui demande sa réintégration pendant la période de protection, au versement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait perçue entre son licenciement et sa réintégration ;

D'où il suit qu'en limitant, comme elle l'a fait, la durée de l'indemnisation du salarié à la durée de la période de protection, alors qu'il résultait de ses énonciations que le salarié avait demandé pendant la période de protection sa réintégration, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième moyens :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 octobre 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.

Retourner en haut de la page