Cour de Cassation, Chambre sociale, du 17 décembre 1997, 95-44.026, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le second moyen et le premier moyen, pris en sa troisième branche, réunis :

Vu les articles L. 122-32-5, alinéa 1, et L. 122-32-7 du Code du travail ;

Attendu que M. X..., engagé le 14 novembre 1970, en qualité d'opérateur de prise de vue, par la société Télévision française 1 (TF 1), a été victime, le 3 mars 1992, d'un accident du travail ; que la commission tripartite, instituée par un accord d'entreprise du 31 janvier 1991 et qui a pour mission d'examiner la situation des salariés physiquement inaptes à leur emploi et de leur accorder en cas de licenciement une indemnité spécifique dite " indemnité commission tripartite ", a constaté, le 23 mars 1992 que le salarié avait été reconnu, par le médecin du Travail, totalement et définitivement inapte à son emploi et l'impossibilité de reconversion à un autre poste et a décidé d'accepter à l'unanimité la proposition de licenciement du salarié ; que, par lettre du 31 mars 1992, la décision de licenciement a été notifiée au salarié qui a perçu l'indemnité de préavis, l'indemnité conventionnelle de licenciement et l'indemnité " commission tripartite " correspondant à une année de salaire ; que le salarié, estimant son licenciement abusif et irrégulier, a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes en indemnités, dont une demande en dommages et intérêts par application de l'article L. 122-32-7 du Code du travail ;

Attendu que, pour débouter le salarié de cette demande, la cour d'appel a notamment relevé que la commission tripartite met en présence pratiquement les mêmes parties que celles qui interviennent lors d'un licenciement prononcé dans les formes légales en cas d'inaptitude totale à la suite d'un accident du travail ; qu'en effet, outre les représentants de l'employeur et le médecin du Travail, y participent les représentants du personnel qui ne sont pas les délégués du personnel mais des salariés désignés par le comité d'entreprise parmi les membres des organisations syndicales, que les droits du salarié sont ainsi totalement préservés ; qu'il est de plus incontestable que les conséquences financières de ce licenciement n'ont pas été moins bénéfiques pour le salarié que celles auxquelles il pourrait prétendre s'il était fait droit à ses réclamations pour non-respect des dispositions des articles L. 122-32-5 et L. 122-32-7 du Code du travail et qu'il a donc été intégralement rempli de ses droits et n'est donc pas fondé à réclamer une telle indemnité qu'il a déjà obtenue ;

Attendu, cependant, d'abord, qu'à la différence de l'indemnité spéciale " commission tripartite " qui est due de plein droit et vise à compenser la perte de l'emploi du salarié déclaré inapte en conséquence d'un accident du travail et qui ne peut être reclassé dans l'entreprise, l'indemnité prévue à l'article L. 122-32-7 du Code du travail sanctionne le non-respect par l'employeur des obligations mises à sa charge par les alinéas 1 et 4 de l'article L. 122-32-5 du Code du travail ; que ces deux indemnités, qui n'ont pas le même objet, sont donc cumulables ;

Attendu, ensuite, que l'avis des délégués du personnel doit être recueilli avant que la procédure de licenciement d'un salarié déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre son emploi, en conséquence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, ne soit engagée ; que l'inobservation de cette formalité est sanctionnée par l'indemnité prévue à l'article L. 122-32-7 du Code du travail ;

D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'il résultait de ses propres constatations que l'avis des délégués du personnel exigé par l'article L. 122-32-5, alinéa 1, n'avait pas été requis, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement dans sa disposition ayant débouté M. X... de sa demande en indemnité pour non-respect des dispositions des articles L. 122-32-5 et L. 122-32-7 du Code du travail, dirigée à l'encontre de la société Télévision française 1 (TF1), l'arrêt rendu le 23 juin 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris.

Retourner en haut de la page