Cour de Cassation, Chambre sociale, du 10 février 1998, 95-45.210 96-41.281, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu leur connexité, joint les pourvois n°s 95-45.210 et 96-41.281 ;

Attendu que M. X..., au service de la société SICA Ouest Elevage depuis le 2 novembre 1966 en qualité de boucher, a été déclaré le 1er janvier 1990 inapte à exercer tout emploi dans l'entreprise et inapte à l'exercice de toute activité professionnelle ; qu'estimant que son contrat de travail avait été rompu à la suite de sa mise en invalidité, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de l'indemnité de licenciement, ou à défaut, d'une demande en paiement de ses salaires depuis le 2 février 1993, conformément aux dispositions de la loi du 31 décembre 1992 ;

Sur les premier, deuxième et troisième moyens réunis du pourvoi du salarié : (sans intérêt) ;

Sur le premier moyen du pourvoi de l'employeur :

Attendu que, la société SICA Ouest élevage fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré applicable à M. X... les dispositions de la loi du 31 décembre 1992 prévoyant, à défaut de reclassement ou de licenciement du salarié déclaré inapte à occuper son précédent emploi, la reprise du versement du salaire, alors, selon le moyen, que la loi ne dispose que pour l'avenir, qu'elle n'a point d'effet rétroactif, qu'en l'espèce la loi du 31 décembre 1992, qui ne comporte aucune disposition rétroactive, a été publiée au Journal officiel le 1er janvier 1993 ; que l'arrêt attaqué a constaté que c'est le 1er janvier 1990 que le salarié a été déclaré inapte au travail ; qu'en outre, la circulaire ministérielle est dépourvue de force obligatoire et est insusceptible de rendre rétroactive une loi ; qu'en déclarant qu'il était " indiscutable " que la situation de M. X... entrait dans le cadre de la loi susvisée et de la circulaire du 17 mars 1993 qu'elle a appliquée, la cour d'appel a violé l'article L. 122-24-4 du Code du travail et l'article 2 du Code civil ;

Mais attendu que la loi du 31 décembre 1992, faisant peser sur l'employeur, dans le cas où le salarié n'est ni reclassé dans l'entreprise à l'issue du délai d'un mois à compter de la date de l'examen de reprise du travail, ni licencié, l'obligation de verser à l'intéressé, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail, a un caractère d'ordre public et est, en conséquence, immédiatement applicable à la situation du salarié dont l'inaptitude a été constatée avant son entrée en vigueur ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le quatrième moyen du pourvoi du salarié :

Vu l'article L. 122-24-4 du Code du travail ;

Attendu qu'il résulte notamment de ce texte que l'employeur est tenu de verser au salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle qui n'est pas reclassé dans l'entreprise à l'issue du délai d'un mois, à compter de la date de l'examen de reprise du travail ou qui n'est pas licencié, le salaire correspondant à l'emploi qu'il occupait avant la suspension du contrat de travail ; que cette disposition s'applique également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du Travail ;

Attendu que la cour d'appel, pour déduire des salaires dus à l'intéressé les prestations de sécurité sociale et de prévoyance qui lui ont été versées, énonce que la circulaire du 17 mars 1993 précise que, dans l'hypothèse où un régime de prévoyance en vigueur dans l'entreprise assurerait une indemnisation compensant en tout ou partie la perte de rémunération, l'employeur n'est alors tenu que de compléter la rémunération pour la porter au niveau du salaire de l'intéressé, compte tenu du principe jurisprudentiel de non-cumul au-delà du montant de la rémunération habituellement versée ;

Attendu cependant, qu'en l'absence d'une disposition expresse en ce sens, la cour d'appel ne pouvait opérer aucune réduction sur le montant des sommes que l'employeur doit verser au salarié et qui est fixé forfaitairement au montant du salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension du contrat de travail ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen du pourvoi de l'employeur :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions déduisant des sommes que l'employeur a été condamné à payer au salarié les prestations sociales et de prévoyance que ce dernier a perçues, l'arrêt rendu le 26 septembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers.

Retourner en haut de la page