Cour de Cassation, Chambre sociale, du 16 décembre 1998, 96-40.227, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le moyen unique :

Vu l'article 1134 du Code civil ;

Attendu que M. X... a été engagé le 5 janvier 1987 par la société Tisserand en qualité de serrurier et affecté à la section des serruriers-poseurs, appelé à se déplacer sur les chantiers avec un autre salarié pour y poser les matériels fabriqués par l'entreprise ; que le 20 juin 1994, il a appris la décision de son employeur de l'affecter à des travaux de fabrication dans son atelier de serrurerie de Ceaulmont et a reçu, par écrit, l'ordre de se présenter le lendemain dans cet atelier ; que, ne s'étant pas conformé à cet ordre, il a été licencié pour faute grave par une lettre du 30 juin 1994 invoquant son " refus de travailler " ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;

Attendu que, pour condamner la société Tisserand à payer à M. X... diverses sommes à titre de solde de salaire, d'indemnité de préavis, d'indemnité de congés payés sur préavis et d'indemnité de licenciement avec intérêts au taux légal à compter de la demande ainsi que des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt énonce, après avoir écarté le caractère provisoire de l'affectation litigieuse, que, si les indemnités de grand déplacement perçues par le salarié sont en principe censées couvrir les frais par lui exposés, l'employeur ne peut ignorer qu'il fait en sorte de limiter les frais engagés au maximum pour en conserver le bénéfice d'une partie ; que l'affectation de M. X... domicilié à Palluau-sur-Indre à l'atelier de Ceaulmont situé à une distance de 66 km aurait eu pour conséquence de contraindre le salarié à exposer des frais de route quotidiens importants non pris en charge par l'employeur et constitutifs de sujétions professionnelles contribuant à aggraver l'atteinte portée à ses conditions de rémunération ; que, dès lors, le salarié, qui justifiait de l'existence d'une modification substantielle de ses conditions de travail, était fondé à refuser d'aller travailler à Ceaulmont sans encourir le grief de refus de travailler ;

Attendu, cependant, que si la rémunération contractuelle ne peut être modifiée sans l'accord du salarié, les indemnités de grand déplacement ne constituent pas, en principe, un élément de la rémunération contractuelle, mais un remboursement de frais, même s'il est avantageux pour le salarié, qui n'est pas dû lorsque le salarié n'a plus à effectuer de déplacements ;

Attendu, ensuite, que le fait d'affecter un salarié, qui travaillait sur des chantiers, à un atelier fixe, situé dans le même secteur géographique, n'entraîne pas modification du lieu de travail et constitue un simple changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l'employeur ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans constater que le poste de travail auquel avait été affecté M. X... était situé dans un secteur géographique différent de celui où il travaillait précédemment, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé une modification du contrat de travail, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 novembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Riom.

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