Cour de Cassation, Chambre sociale, du 16 juin 1998, 96-41.877, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu que M. X..., engagé le 5 mai 1975 par la société Paragerm, en qualité d'attaché commercial, a été, à l'issue d'un arrêt de travail pour maladie, déclaré par le médecin du Travail, le 28 juin 1993, inapte à son emploi ; que le médecin du Travail, saisi à la demande du salarié qui avait demandé à reprendre le travail dès le 2 juillet 1993, a confirmé le 13 septembre 1993 cet avis d'inaptitude, sans possibilité de reclassement ; que le salarié a été licencié le 17 novembre 1993 pour inaptitude physique ; qu'estimant son licenciement sans cause réelle et sérieuse, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes en indemnité, outre un rappel de rémunération pour la période du 1er août 1993 au 19 novembre 1993 fondé sur la moyenne des douze mois précédant la suspension de son contrat de travail ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Toulouse, 9 février 1996) d'avoir estimé que le licenciement de M. X... était dénué de cause réelle et sérieuse et de l'avoir en conséquence condamné au paiement d'une somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, premièrement, que la recherche des possibilités de reclassement d'un salarié inapte à reprendre son ancien emploi en raison d'une maladie d'origine non professionnelle doit s'exercer dans le cadre de l'entreprise et non à l'intérieur du groupe auquel participerait l'entreprise qui l'emploie ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 122-24-4 du Code du travail ; deuxièmement, que le groupe dans lequel s'exerce l'obligation de reclassement ne saurait exister que si ses adhérents mènent une politique générale commune, partagent un intérêt financier, économique et social complémentaire, exercent une activité identique, et si l'un d'entre eux détient une fraction du capital et coordonne les activités complémentaires de chacun ; qu'en l'espèce, la société contestait totalement appartenir au groupe Henkel hygiène ; qu'en se bornant à dire que le licenciement du salarié était dépourvu de cause réelle et sérieuse, faute pour la société Paragerm d'avoir tenté de le reclasser auprès du groupe qu'elle formerait avec la société Henkel hygiène, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé les éléments d'un groupe, a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; troisièmement, que l'employeur est tenu de proposer à un salarié déclaré inapte à reprendre son ancien emploi une activité conforme aux prescriptions de la médecine du travail ; qu'interrogé par la société, le médecin du Travail avait dit que M. X... ne pouvait faire aucun déplacement en avion, et très peu en voiture ; que, par un courrier du 14 septembre 1993, la société avait informé M. X... de l'impossibilité de trouver un poste sédentaire ailleurs qu'à Carros ; que cette information ne suscitait de la part de M. X... aucune demande d'affectation ; qu'en faisant grief à la société de ne pas avoir proposé à M. X... de poste au siège social situé à Carros dans les Alpes-Maritimes, sans rechercher si cette affectation, située à plus de 450 km de son domicile toulousain, pouvait lui être proposée, ce qui l'aurait forcé à se déplacer fréquemment, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-24-4 du Code du travail ; quatrièmement, que l'avis médical d'impossibilité de reclassement dans l'entreprise s'impose à l'employeur sans qu'il lui soit possible de se faire juge de sa valeur ; qu'en décidant que l'employeur ne pouvait se prévaloir d'un tel avis pour démontrer qu'aucun reclassement n'était possible, alors que par cet avis qui s'imposait à la société, le médecin, étudiant toutes les possibilités de reclassement auprès des divers établissements de l'entreprise, avait retenu l'inaptitude du salarié à tout emploi, ce qui rendait le licenciement du salarié parfaitement fondé, la cour d'appel a violé l'article L. 122-24-4 du Code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a exactement décidé que la recherche des possibilités de reclassement du salarié déclaré, en conséquence de la maladie, inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait au sens de l'article L. 122-24-4 du Code du travail, doit s'apprécier à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur concerné, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ;

Attendu, ensuite, que, contrairement aux énonciations contenues dans la deuxième branche du moyen, l'employeur, qui a contesté son appartenance au groupe Henkel France, n'a pas contesté devant les juges du fond son appartenance au groupe Henkel hygiène ; qu'il en résulte que la cour d'appel n'avait pas à se livrer à la recherche prétendument omise ;

Et attendu, enfin, que la cour d'appel, qui a constaté, d'une part, que l'avis du médecin du Travail concluant à une impossibilité de reclassement du salarié avait été pris en fonction de l'entreprise dans laquelle l'intéressé occupait son emploi antérieur et, d'autre part, que l'employeur ne rapportait pas la preuve de l'impossibilité dans laquelle il se trouvait de reclasser le salarié, n'encourt pas les griefs contenus dans les deux dernières branches du moyen ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé dans aucune de ses branches ;

Sur le second moyen :

Attendu que l'employeur fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamné à verser à M. X... un rappel de salaires pour la période du 1er août 1993 au 19 novembre 1993, alors, selon le moyen, que le salarié inapte non licencié a droit, passé le délai d'un mois après l'examen de reprise d'activité, de percevoir un salaire correspondant à son ancien emploi ; qu'en l'état d'un emploi dont le salaire associe un fixe et des primes calculées en fonction du chiffre d'affaires réalisé, le salarié inapte ne peut prétendre qu'à la partie fixe de son salaire ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé l'article L. 122-24-4 du Code du travail ;

Mais attendu que, s'agissant d'un salarié dont la rémunération est composée d'une partie fixe et d'une partie variable, la cour d'appel a exactement décidé que le salaire correspondant à l'emploi que l'intéressé occupait avant la suspension de son contrat de travail et au paiement duquel l'employeur est tenu en application de l'article L. 122-24-4 du Code du travail, comprend l'ensemble des éléments constituant la rémunération du salarié ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

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