Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 11 février 1997, 94-21.784, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 13 septembre 1994), qu'après le prononcé de la liquidation judiciaire de la société Laffont frères, le liquidateur, M. X..., a procédé à la vente du fonds de commerce de la débitrice et que le percepteur de Lavelanet (le percepteur) a notifié, le 17 septembre 1993, au notaire chargé de la vente, un avis à tiers détenteur correspondant à des impôts dus pour la période postérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective ; que le juge de l'exécution, saisi par le liquidateur, a retenu l'existence d'une question préjudicielle tenant au rang de la créance et relevant de la compétence du tribunal de la liquidation judiciaire, a sursis à statuer jusqu'à l'établissement de la liste des créances de l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 telle que prévue par l'article 61 du décret du 27 décembre 1985 modifié par le décret du 29 mai 1989 et a ordonné le versement des sommes faisant l'objet de l'avis à tiers détenteur sur un compte à la Caisse des dépôts et consignations ;

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu que le liquidateur fait grief à l'arrêt d'avoir infirmé cette décision et ordonné la remise des sommes saisies au percepteur à concurrence du montant de sa créance alors, selon le pourvoi, d'une part, que le droit de poursuite individuelle d'un créancier dont la créance, non payée à l'échéance, est née postérieurement à l'ouverture d'une procédure collective ne le dispense nullement de se soumettre à l'ordre de priorité prévu par la loi relativement à la distribution des deniers, dès lors que le rang de sa créance est régulièrement contesté ; qu'en décidant que, ayant fait délivrer au liquidateur un avis à tiers détenteur portant sur diverses taxes nées après la mise en liquidation judiciaire de la débitrice, le comptable public devait être payé sans avoir à se conformer au classement imposé par la loi, par cela seul qu'il bénéficiait d'un droit de poursuite individuelle, bien qu'il résultât de ses énonciations qu'il existait un litige portant sur le rang de la créance en cause, la cour d'appel a violé les articles 40 de la loi du 25 janvier 1985, 61 et 122 du décret du 27 décembre 1985 ainsi que L. 262, L. 263 et L. 281 du Livre des procédures fiscales ; et alors, d'autre part, que si l'acte de saisie-attribution emporte transfert immédiat au profit du saisissant de la propriété des sommes appréhendées, le créancier ne peut être payé que si la loi lui en confère le droit ; que, dès lors, la mise en oeuvre d'une telle voie d'exécution par le créancier, dont le titre est né postérieurement à l'ouverture d'une procédure collective, ne l'exempte aucunement du respect de l'ordre de distribution des deniers prévu par la réglementation lorsqu'il existe une contestation quant au rang de sa créance ; qu'en retenant que, par l'effet d'attribution immédiate des fonds appréhendés au moyen d'un avis à tiers détenteur, le comptable public, en sa qualité de premier saisissant, devait être payé en priorité, quel que fût l'ordre de sa créance dont le rang était pourtant formellement contesté par le liquidateur, la cour d'appel a violé de nouveau les textes susvisés ainsi que les articles 43 et 86 de la loi du 9 juillet 1991 ;

Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a énoncé, exactement, que les dispositions des articles 61 et 122 du décret du 27 décembre 1985, dans leur rédaction applicable en la cause, n'ont pas pour effet de subordonner à l'établissement de la liste des créances mentionnées à l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 qui n'ont pas été payées, ni à l'inscription sur cette liste, l'exercice du droit de poursuite individuelle dont dispose tout créancier dont la créance, née régulièrement après le jugement d'ouverture du redressement judiciaire, n'a pas été payée à son échéance ;

Attendu, d'autre part, que la cour d'appel, se fondant sur les dispositions de l'article 43 de la loi du 9 juillet 1991, qui prévoit que l'acte de saisie emporte attribution immédiate au profit du saisissant des sommes disponibles entre les mains du tiers saisi et que la signification ultérieure d'autres saisies, même émanant de créanciers privilégiés, ne remet pas en cause cette attribution, ainsi que sur les dispositions de l'article 86 de la même loi suivant lesquelles l'avis à tiers détenteur comporte l'effet d'attribution prévu à l'article 43, en a justement déduit que le premier saisissant est le premier payé, quel que soit l'ordre de sa créance et décidé que les sommes saisies par le percepteur devaient, en conséquence, être remises à celui-ci, peu important l'existence, éventuellement, d'autres créances bénéficiant d'un rang préférable dans l'ordre de classement établi par l'article 40 de la loi du 25 janvier 1985 ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

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