Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 21 mai 1996, 94-14.785, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal de grande instance de Paris, 17 mars 1994), que la société de droit néerlandais Lexus Properties 2 BV ( la société) a demandé la restitution des droits de mutation qu'elle avait payés à l'occasion de l'apport d'un immeuble qui lui avait été fait en mars 1992 ; que cette demande a été rejetée ;

Attendu que la société reproche au jugement d'avoir ainsi statué, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, selon l'article 808-A-1 du Code général des impôts, les opérations soumises au droit d'apport ou à la taxe de publicité foncière et concernant les sociétés de capitaux sont taxables en France lorsque s'y trouve le siège de la direction effective ou le siège statutaire, à condition que, dans ce dernier cas, le siège de la direction effective soit situé en dehors des Etats de la Communauté économique européenne ; que cette disposition transpose dans le droit interne la directive européenne n° 69-335 du 17 juillet 1969 ; qu'en l'espèce, après avoir constaté qu'il avait été fait apport d'un immeuble sis à Neuilly-sur-Seine à elle-même, dont le siège statutaire mais également la direction se trouvent aux Pays-Bas, le Tribunal devait en déduire que cette opération n'était pas taxable en France ; qu'en rejetant dès lors la demande de restitution d'une somme correspondant aux droits d'enregistrement le Tribunal a violé par refus d'application le texte susvisé ; et alors, d'autre part, que, dans les cas où une directive communautaire n'est pas correctement mise en oeuvre, ses effets atteignent les particuliers par l'intermédiaire des mesures prises par l'Etat concerné ; qu'en revanche l'Etat membre qui n'a pas pris, dans les délais, les mesures d'exécution imposées par cette directive ne peut opposer aux particuliers le non-accomplissement par lui-même des obligations qu'elle comporte ; qu'en l'espèce, pour rejeter la demande de restitution, le Tribunal a considéré que l'article 12 de la directive n° 69-335 du 17 juillet 1969 disposait que les Etats membres pouvaient percevoir les taxes de publicité foncière à l'occasion de l'apport d'un bien immobilier dès lors que l'immeuble est situé sur leur territoire ; qu'ainsi, en admettant, malgré la défaillance qu'il avait constatée en se référant de la sorte à l'article 12 de la directive, que l'Administration avait pu lui opposer des obligations que comportait cette directive, qui n'avaient pas été transposées dans le droit national, le Tribunal a violé l'article 189, alinéa 3, du traité de Rome ; et alors, enfin, que, selon l'article 809-I.3 du Code général des impôts, les apports faits à une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés par une personne non soumise à cet impôt sont assimilés à des mutations à titre onéreux dans la mesure où ils ont pour objet des immeubles ou des droits immobiliers, un fonds de commerce, une clientèle, un droit de bail ou une promesse de bail ; que cette disposition relative aux apports à une société, personne morale ou groupement ne figure pas parmi les règles de territorialité prévues par l'article 808-A-I du même Code ; que, dès lors, et en toute hypothèse, en considérant en l'espèce, pour rejeter sa demande en restitution, que l'article 809-I.3 permettait d'assurer dans l'ordre juridique national la transposition du contenu de la directive européenne n° 69-335 du 17 juillet 1969 le Tribunal a violé par fausse application les dispositions du premier de ces deux textes :

Mais attendu qu'il résulte des dispositions combinées des articles 10 et 12-1 b de la directive du Conseil des Communautés européennes n° 69-335, concernant les impôts indirects frappant les rassemblements de capitaux, que les Etats membres gardent la faculté de percevoir des droits de mutation sur les apports de biens immeubles, y compris à des sociétés dont le siège statutaire se trouve dans un autre Etat membre ; que le jugement en a déduit à juste titre que l'article 808-A du Code général des impôts n'excluait pas l'application de l'article 809-I.3 du même Code et que, dès lors, les apports faits à une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés par une personne non soumise à cet impôt étant assimilés à des mutations à titre onéreux dans la mesure où ils ont pour objet un immeuble, l'administration des Impôts était fondée à percevoir les

droits de mutation prévus à l'article 710 du même Code sur l'apport à la société d'un immeuble situé en France ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.

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