Cour de Cassation, Chambre sociale, du 8 juillet 1997, 95-12.870, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Sur le premier et le second moyens réunis :

Vu l'article L. 731-2 du Code du travail ;

Attendu qu'en vertu de ce texte, sont considérées comme intempéries, pour l'application du présent chapitre, les conditions atmosphériques et les inondations lorsqu'elles rendent effectivement l'accomplissement du travail dangereux ou impossible eu égard soit à la santé ou à la sécurité des travailleurs, soit à la nature ou à la technique du travail à accomplir ;

Attendu que, faisant valoir qu'elle a pour spécialité le ravalement extérieur des façades au moyen d'enduits dont l'application est impossible sur un support humide ou gelé, ce qui l'a amenée à payer à ses salariés une certaine somme en novembre et décembre 1989 au titre du " chômage partiel-intempéries " sur le fondement des articles L. 731-1 et suivants du Code du travail, la société AVS Matériel a fait citer la caisse de congés payés du bâtiment de Seine-et-Marne en remboursement de ladite somme ; que la Caisse a demandé reconventionnellement condamnation de la société AVS Matériel à lui restituer des sommes indûment versées les années précédentes au même titre ;

Attendu que, pour débouter la société AVS Matériel de sa demande et la condamner à restituer à la caisse de congés payés du bâtiment des sommes indument versées à titre d'intempéries entre le 1er juillet 1986 et le 30 juin 1991, la cour d'appel énonce qu'il résulte des dispositions de l'article L. 731-2 du Code du travail que la loi limite tout d'abord les heures d'arrêt aux seuls temps pendant lesquels les phénomènes appelés " conditions atmosphériques " sont présents dans l'atmosphère et rendent effectivement l'accomplissement du travail dangereux ou impossible ; qu'AVS ne peut donc étendre la notion d'intempérie aux heures de travail avant l'apparition d'une intempérie, ni aux heures d'arrêt qui la suivent, même si ces arrêts sont la conséquence des intempéries, que ces heures n'entrent pas dans le champ d'application de l'article L. 731-2 du Code du travail, que les termes de cet article " l'accomplissement du travail rendu dangereux ou impossible " doivent s'interpréter en ce sens qu'est prise en compte l'exécution physique du travail par le salarié et non pas l'ouvrage à réaliser, pas plus qu'une garantie quelconque de qualité des ouvrages ; qu'il en résulte qu'en ce qui concerne l'intempérie " gel ", l'indemnisation doit être limitée aux seuls temps pendant lesquels des températures négatives ont été enregistrées dans l'atmosphère, l'effet du gel ayant des conséquences à la fois sur la sécurité des travailleurs et sur la nature du travail à accomplir ; que la société AVS ne peut déclarer des heures d'arrêt intempéries sur la base de températures de + 5 à + 10 degrés ; qu'en ce qui concerne les intempéries " pluies " les chutes de pluie ou même un support humide n'empêchent pas physiquement les salariés de travailler et dans le cas d'espèce d'appliquer des projections, l'entreprise AVS pouvant notamment installer des bâches, que l'accomplissement du travail n'est donc pas impossible, qu'il s'ensuit qu'à juste titre la Caisse a, après avoir réduit les intempéries " pluie " aux seuls temps pendant lesquels des précipitations avaient été réellement enregistrées, annulé les intempéries " pluies " restantes, que les modalités d'indemnisation retenues par la Caisse sont donc conformes aux dispositions de l'article L. 731-2 du Code du travail ; que l'intimée justifie par ailleurs de sa demande de remboursement en versant aux débats des feuillets " intempéries " présentés par la société AVS pour la période du 1er juillet 1986 au 30 juin 1991 ;

Attendu cependant, que la notion d'intempérie au sens du texte susvisé ne se réduit pas à la durée des conditions atmosphériques anormales telles que gel ou pluies, non plus qu'à la seule impossibilité de l'exécution physique par le salarié de son travail, mais s'entend plus largement des circonstances extérieures qui rendent effectivement l'accomplissement du travail impossible, eu égard notamment à la nature ou à la technique du travail à accomplir, ce qui peut éventuellement couvrir une période de temps plus longue que celle des conditions atmosphériques anormales proprement dites ;

D'où il suit qu'en énonçant que les intempéries se réduisaient aux seuls temps pendant lesquels des précipitations ou gels avaient été enregistrés sans rechercher si l'accomplissement du travail n'était pas demeuré effectivement impossible à raison de sa nature ou de la technique utilisée dans la période de temps ayant immédiatement suivi ou précédé les pluies ou gels enregistrés, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 janvier 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles.

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