Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 8 octobre 1996, 94-14.459, Publié au bulletin

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Attendu que l'arrêt attaqué a prononcé à l'égard de M. X..., président du conseil d'administration de la société Profilbois, mise, le 28 novembre 1988, en redressement puis en liquidation judiciaires, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale pendant une durée de 10 ans, pour n'avoir pas déclaré l'état de cessation des paiements de la société dans le délai de 15 jours ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. X... reproche à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le pourvoi, d'une part, que si la sanction personnelle d'interdiction de gérer peut être prononcée à l'encontre d'un dirigeant social ayant omis de procéder dans les 15 jours à la déclaration de l'état de cessation des paiements, c'est à la condition que cette omission procède d'une volonté caractérisée de ce dirigeant de se dérober aux obligations qui sont les siennes en la matière ; que tel n'est pas le cas lorsqu'il résulte des circonstances de la cause que la date de la cessation des paiements était particulièrement difficile à déterminer si bien que l'abstention du dirigeant ne procède d'aucune volonté délibérée de sa part ; qu'en l'espèce il résulte des constatations de l'arrêt qu'un rapport d'expertise avait été nécessaire pour déterminer la date de la cessation des paiements et que ni les comptables ni les banquiers de l'entreprise n'avaient cru devoir alerter M. X... sur la gravité de la situation ; qu'en considérant que la seule absence du dépôt de bilan dans le délai suffisait à justifier le prononcé d'une sanction personnelle à son encontre, sans rechercher si cette abstention était volontaire et fautive, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard des articles 189 et 192 de la loi du 25 janvier 1985 ; et alors, d'autre part, que M. X... avait indiqué dans ses conclusions que la Fiduciaire de France, conseil de la société Profilbois chargée par lui d'analyser la situation, avait écrit, le 22 juillet 1988, que le recrutement de deux cadres envisagé par la société Profilbois constituerait un apport bénéfique pour cette société, que des prévisions de trésorerie devraient être établies pour les prochains mois et que les conditions de son intervention seraient définies en septembre ; qu'ainsi il ne pouvait être imputé à faute à M. X... de ne pas avoir procédé dès la fin du 1er trimestre 1988 à la déclaration de l'état de cessation des paiements dès lors que la société Fiduciaire de France gardait foi en l'avenir de la société en juillet 1988 ; qu'en s'abstenant de répondre à ses conclusions de nature à démontrer qu'aucun manquement ne pouvait être reproché à M. X... pour omission de déclaration de l'état de cessation des paiements, l'arrêt a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, pour apprécier l'omission de déclaration de l'état de cessation de paiements dans le délai légal, il n'y a pas lieu de considérer les motifs qui ont conduit le dirigeant à la différer ou l'absence de volonté caractérisée de celui-ci de se soustraire à ses obligations ; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre aux conclusions inopérantes visées par la seconde branche, après avoir relevé que les retards de règlement des factures étaient tels à partir du mois de mars 1988 que l'expert, désigné par le Tribunal dans l'instance en report de la date de cessation des paiements, avait considéré que la situation de l'entreprise paraissait irrémédiablement compromise dès la fin du premier trimestre 1988 et qu'à compter de juin 1988, la société Profilbois ne faisait plus face à ses échéances, a retenu que l'omission prévue par la loi était constituée ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le premier moyen :

Vu l'article 2 du Code civil ;

Attendu que la loi ne dispose que pour l'avenir ; qu'elle n'a point d'effet rétroactif ;

Attendu que l'arrêt a prononcé à l'encontre de M. X... l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement toute exploitation agricole ;

Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'une telle interdiction a été édictée postérieurement aux faits par l'article 29-XVI de la loi du 30 décembre 1988, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et attendu qu'en application de l'article 627, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, la Cour de Cassation est en mesure, en cassant sans renvoi, de mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a prononcé à l'encontre de M. X... l'interdiction de diriger, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute exploitation agricole, l'arrêt rendu le 8 mars 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

ANNULE cette interdiction.

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